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Fred Ficus, DJ producteur : « Dans six mois, trois fois plus d’albums publiés »

Concerts annulés, explosion des ventes sur Bandcamp et lives musicaux à foison. Le confinement bouleverse l’industrie musicale. Fred Ficus, fondateur du label strasbourgeois Dope Tones Records et DJ producteur, voit cette période comme étant particulièrement propice à la création.

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Vendredi 20 mars, Bandcamp a failli exploser. En soutien aux artistes, la plateforme a décidé de ne pas prendre de commissions sur les ventes pendant 24 heures. Résultat de l’opération : 800 000 ventes effectuées pour 4,3 millions de dollars de recettes, soit 15 fois plus qu’une journée habituelle. Alors que les boites de nuits sont fermées, les concerts annulés, la période est aussi compliquée pour les artistes et techniciens du spectacle. Sur Facebook et Instagram, les lives (concerts en direct) musicaux se multiplient depuis le début du confinement. 

Fred Ficus, DJ et fondateur du label de musiques électroniques strasbourgeois Dope Tones Records, témoigne de l’impact inattendu du confinement sur la musique électronique.

Rue89 Strasbourg : Actuellement, à quoi ressemble votre quotidien de DJ producteur ?

Fred Ficus : Mes habitudes ont complètement changé. Depuis le début du confinement, je ne fais plus rien à part produire de la musique. C’est sûrement la première fois de ma vie où je ne peux que faire ça. Actuellement, je travaille environ huit heures par jour dans mon studio d’enregistrement. Je produis un track (un morceau, ndlr) tous les deux jours. Avant, c’était impensable avec les enfants et le travail à côté. Je produisais un morceau par semaine. J’ai un ami à Montpellier qui en a fait 4 en 4 jours. Le rythme de production s’est considérablement accéléré.

Cette accélération du rythme de production impacte l’activité de votre label Dope Tones Records ?

Très clairement. Maintenant, je peux demander à un artiste de produire à n’importe quel moment. Je sais qu’il est forcément dans son studio d’enregistrement. Avant, lorsque je demandais à un DJ de produire un EP (un album de 4 morceaux, ndlr), il lui fallait un à deux mois. Désormais, en deux semaines c’est composé. C’est très bénéfique pour le label car mes artistes créent davantage. En un mois, on a composé 4 EP. Ça nous a permis de créer une réserve de productions.

Les artistes n’ont plus accès aux studios d’enregistrement. Comment expliquez-vous cette suractivité musicale ?

En ce qui concerne la musique électronique, le processus de production musicale est totalement dématérialisé. Il n’est plus nécessaire de se rencontrer pour composer une musique. Un artiste peut m’envoyer un son ou une partie de musique. Par la suite, je la réarrange depuis chez moi.

« On produit, on produit et on produit »

De plus, depuis quelques années, le « home studio », c’est-à-dire le mini studio à domicile, s’est considérablement développé et suffit pour produire une musique. Quasiment tous les « professionnels » de la musique ont un studio chez eux. Vu qu’on est tous bloqués, on produit, on produit et on produit.

Est-ce que le reste du monde connait un phénomène similaire ?

C’est un phénomène mondial. Tout le monde s’affaire à composer des morceaux actuellement. Les lives Facebook ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Derrière, des collaborations se créent entre producteurs de pays différents. Dans les six prochains mois, je suis sûr que deux à trois plus d’albums seront publiés.

Par contre, le phénomène ne se reproduit pas partout pour les mêmes raisons. Hormis en France, les artistes stressent et produisent car c’est une question de survie pour eux. Inkswell, un DJ australien, vient de finir sa tournée sauf que toute l’Australie est confinée. Les concerts sont annulés et la vente de ses productions est devenue son unique entrée d’argent. Donc il compose pour pouvoir vivre.

En France, ce n’est pas la même chose ?

La situation est plus nuancée. En France, on a la chance d’avoir le statut d’intermittent qui soutient financièrement les artistes. D’un côté, on a ceux qui ont rempli leurs heures d’activités et n’ont pas de problèmes. Eux, ils peuvent produire de la musique sans se poser des questions puisqu’ils touchent le l’allocation d’intermittent. Donc, ils produisent des tracks gratuites pour leurs fans.

De l’autre côté, il y a ceux qui n’ont pas rempli leur quota d’heures d’activités. Ces derniers sont dans une situation très délicate. Si rien n’est fait, un grand nombre d’intermittents risquent de ne plus toucher de revenu voire de perdre leur statut. D’autant plus, que les activités et concerts ne redémarreront pas immédiatement à la fin du confinement. À Strasbourg, il y avait « énormément » de travail au Zénith… sauf qu’on ne redémarre pas un Zénith en deux jours.

Le confinement semble donc bénéfique pour les artistes de home studio ?

Encore une fois, ça dépend. La situation n’est pas la même pour tous. Les DJs qui se produisaient en boîte de nuit sont les plus durement touchés. Mais pour les mélomanes qui produisent de la musique chez eux, le confinement ne change pas grand chose. Même si les gens ne peuvent pas se déplacer, ils continuent d’acheter de la musique sur les plateformes en ligne. En tout cas, pour les producteurs de musiques électroniques le confinement a un impact créatif. D’ici un mois ou deux, on pourra publier un EP par mois. À partir du mois d’avril, on va sortir les EP de 67100, Dominique2000Pintes et Steven Wobblejay.


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