En ce début d’année 2024, au cœur de la forêt du Neuhof, on devine une ancienne voie, désormais recouverte de feuilles mortes et de jeunes pousses. Elle fait partie des routes qui ont été désinstallées, à la demande de la municipalité écologiste un an plus tôt, dans cette réserve naturelle.
« C’est la plus grande opération de déminéralisation à Strasbourg », annonce la maire Jeanne Barseghian (EE-LV), qui espère enlever 12 kilomètres (km) de béton au total dans la zone :
« Nous voulons envoyer un signal en France et dans le monde. Ici, on peut déminéraliser, le vivant reprend ses droits. »
Division par deux des sentiers forestiers
Sur cinq à six hectares décroutés, quatre hectares doivent être entièrement rendus à la nature et le reste seront des chemins notamment accessibles aux personnes à mobilité réduite – sans bitume, évidemment. Par ailleurs, de nombreux sentiers seront fermés dans la forêt, qui passera de 80 à 38 km de voies accessibles au public.
Marc Hoffsess, adjoint à la maire en charge de cette transformation écologique, explique que « le but est de créer une vaste zone de quiétude au sud de la réserve naturelle » :
« Nous souhaitons limiter la fréquentation humaine à cet endroit, pour empêcher le dérangement d’espèces nicheuses comme l’autour des palombes. Mais d’ici 2025, dans d’autres secteurs, il y aura des itinéraires pédagogiques avec des panneaux qui donneront des informations sur les écosystèmes. »
Des employés de l’entreprise de travaux publics Eiffage, qui a obtenu le marché public, s’attaquent à la route de la Schafhardt ce 16 janvier : huit mètres de large et 50 centimètres de profondeur sur 2,7 kilomètres, soit une chaussée calibrée il y a plusieurs décennies pour les poids lourds qui transitent par le Port du Rhin.
Décroutage de l’imposante route de la Schafhardt
Il s’agit du début de la deuxième phase de déminéralisation dans cette forêt. À la fin de l’hiver, huit kilomètres sur les 12 prévus seront débétonnés. « Je ne sais pas du tout combien de temps cela va durer pour l’instant », lance Gaëtan Dollé, le chef de chantier.
Il décrit les étapes de ces travaux de génie écologique :
« De la matière organique s’est déposée sur la route comme elle est fermée depuis des années. Aujourd’hui, on commence par dégager ça sur les bords. Ensuite, on passera avec une raboteuse pour décrocher le béton. En dessous, il y a une couche de graviers qu’on va décompacter avec une machine à dents. La dernière chose, c’est qu’on remettra la couche de matière organique qu’on a enlevé au départ. »
Des tas de feuilles et de terre s’accumulent des deux côtés de l’ancienne voie. L’épaisseur de la couche de bitume à arracher est bien visible par endroits. Une partie de la route de la Schafhardt sera remplacée par un chemin stabilisé en gravier et en sable, fermé au public, afin de permettre l’accès des secours.
Marc Hoffsess rappelle que ces réaménagements ont été pensés dans le cadre d’une concertation citoyenne initiée en 2019. Et que 80% des 440 000 euros nécessaires pour les deux premières phases de cette renaturation « sont financés par des fonds du plan de relance de l’État ».
La nature revient
Après la première phase de déminéralisation, « on a très rapidement observé une recolonisation végétale », constate Isabelle Combroux, chercheuse en écologie de la restauration à l’Université de Strasbourg et chargée d’encadrer une étude sur cette renaturation :
« Il y a déjà des petits arbres, des aulnes ou des frênes, en plus de tout le cortège des sous-bois, comme des bryophytes (des mousses, NDLR). Nous n’avons pas de prolifération d’espèces invasives, ce qui est une bonne nouvelle parce que les sols nus sont des portes ouvertes pour ces phénomènes. »
La Ville de Strasbourg doit encore établir le financement des dernières phases de ce chantier de déminéralisation, pour décrocher environ quatre kilomètres de route supplémentaire avant la fin du mandat. Selon Marc Hoffsess, ces prochaines années, des actions similaires pourraient être décidées dans la forêt de la Robertsau.
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