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Exorcisme anti-déprime à l’université d’été du Medef Alsace

Pour la première université d’été du Medef Alsace, les patrons alsaciens ont été nombreux à venir à l’École de Management de Strasbourg tenter de se rassurer. L’objectif de l’événement était de leur redonner le sourire. Pas sûr qu’une université d’été ait suffi.

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Lors d’une conférence sur l’immatériel, le philosophe Marc Halévy a exhorté les patrons à cesser de vouloir tout quantifier (Photo PF / Rue89 Strasbourg / CC)

Plus de 500 patrons alsaciens et acteurs du monde économique local ont fait le déplacement pour la première université d’été du Medef Alsace. Une performance dont se sont réjouis les organisateurs. Mais l’affluence révèle aussi que les entrepreneurs ont besoin de se rencontrer, d’échanger sur la situation économique, sur celle de leurs concurrents actuels ou à venir, et sur les plans que fomenterait le gouvernement, forcément contre les entreprises. Le Medef Alsace a organisé cette université d’été locale pour redonner « la pêche » aux patrons à la rentrée. Ils se sont surtout déplacés pour se rassurer.

Car l’environnement économique est anxiogène : la criiiiise d’abord, qui raréfie les clients, la gauche au pouvoir qui aurait tendance à oublier les difficultés des entreprises dans l’effort de redressement des comptes publics, les marges qui baissent, etc. Et cette croissance alors, elle repart ? Si certains veulent y croire, pointant des commandes à la hausse depuis juin, Bruno Fyot, directeur général d’Électricité de Strasbourg, n’en voit aucune traduction dans ses indicateurs :

« On constate que le niveau de consommation électrique industrielle est toujours en baisse au premier trimestre 2013, de 2 à 3%, hors efficacité énergétique, et bien en deçà du niveau qu’on avait en 2007, avant la crise. Quant aux difficultés de paiements, elles sont toujours à un niveau élevée sans inflexion à la baisse. »

Les industries moroses, surtout l’automobile

Benoit Harder, commissaire aux comptes, constate que les entreprises parmi ses clientes restent très fragiles :

« Beaucoup n’ont pas reconstitué de réserves de trésoreries depuis 2008 et sont donc susceptibles d’être en cessation de paiement au premier coup dur. Les entreprises éprouvent d’énormes difficultés à adapter leur structure aux nouvelles conditions de leur marché. Les listes des défaillances d’entreprises font toujours quatre pages en ce moment, quand elles n’en faisaient que deux auparavant. »

L’industrie la plus morose est la filière automobile. Henry Baumert, président de Behr France, plus de 800 salariés à Rouffach, ne voit pas de rétablissement venir :

« Il y a une baisse de -5% du marché européen en 2013 et de -8 à -10% du marché français. Les marges ont fondu, les prix du marché sont devenus très difficiles à tenir. Donc notre objectif est d’adapter l’entreprise à cette situation, pour tenir le temps que les carnets de commandes se remplissent à nouveau. »

Quant à Rémi Lesage, patron de Rector, une entreprise de 800 personnes dans les matériaux de construction basée à Mulhouse, il s’attend carrément à une année « dégueulasse » :

« Dans le bâtiment, il y a une inertie importante. On ressentira encore sur toute l’année 2014 les effets de la crise actuelle. Quand la confiance fait défaut, les gens et les entreprises peinent à s’endetter sur 15 ou 20 ans pour une construction… Quand les statistiques des permis de construire repartiront à la hausse, on en bénéficiera neuf mois après… D’ici là, on reste prudent. »

Des raisons d’espérer

Pour autant, l’envie, la motivation, les projets sont toujours nombreux, comme l’explique Dominique Schilling, DG de Sodiv, un organisme financier semi-public accompagnant les investissements :

« On a toujours autant de bons projets à financer. On voit des entreprises qui croulent sous les commandes et qui n’arrivent pas à répondre, notamment parce que les banques rechignent à les accompagner. En 2011, on a connu 16 dépôts de bilan parmi nos quelques 150 clients. En 2012, encore une dizaine. Mais on devrait terminer 2013 avec nettement moins de défaillances, sans qu’on ait modifié sensiblement nos critères d’attribution de prêts. »

Sur le front de l’emploi, Mireille Thuet, directrice de CRIT Est, une agence de recrutement et d’intérim, voit des raisons d’espérer :

« On n’a jamais eu autant d’offres d’emplois à pourvoir qu’actuellement. Mais les profils ont changé, ils sont devenus plus techniques, plus centrés sur le cœur du métier des entreprises. On sent qu’elles s’adaptent et qu’elles deviennent plus agiles, plus flexibles. Je n’ai aucune crainte pour l’avenir, d’autres économies dans les services et le numérique prennent le flambeau de l’industrie en déclin. »

Pour David Leleu, patron de CTCI, entreprise de thermoformage de Saverne employant 60 personnes, ce qu’il manque, c’est l’allant :

« En fait, l’activité est stable. Les entreprises peuvent tenir, s’adapter, récupérer des marges ici ou là, se battre sur les prix mais il n’y a pas de vision d’avenir. Les chefs d’entreprises sont démotivés par l’absence de perspectives. On a l’impression que la classe politique n’a rien à proposer, et que l’administration fait ce qu’elle veut, surtout quand il s’agit de nous mettre des bâtons dans les roues. Je suis assez inquiet parce que je vois tout le monde faire des efforts, mais que ça ne va nulle part. »

Le thème de la séance plénière à l’issue de la journée était « Donner de l’audace à votre avenir ». Pour le marteler, le publicitaire Jacques Séguéla, le général Bruno Dary et le magistrat Éric de Montgolfier ont été appelés en renfort pour remobiliser les entrepreneurs. Mais le débat a buté plusieurs fois sur la possibilité d’avoir de l’audace, sans tomber dans l’angélisme ou l’aveuglement. C’est pourtant presque ce qu’il faudrait aux patrons pour aborder cette rentrée. Vivement septembre 2014.

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