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Tensions, exclusions et accusations mutuelles à la SPA de Strasbourg

Page Facebook bloquée, courriers d’avocats, bénévoles renvoyés, dans un climat de mise en cause des dirigeants, l’ambiance à la Société protectrice des animaux (SPA) de Strasbourg est devenue tendue depuis le printemps. Des anciens bénévoles accusent l’équipe dirigeante d’avoir euthanasié trop rapidement des chats. 

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Si vous êtes l’un des 7 500 fans de la page Facebook de la Société protectrice des animaux (SPA) de Strasbourg, ne vous étonnez pas de ne plus la retrouver. Elle a été fermée, ou plutôt suspendue provisoirement, par Fanny, bénévole depuis 3 ans et désormais seule administratrice de la page. Et pour cause, elle a reçu le 20 août une mise en demeure de la part d’un avocat de la SPA. L’association demandait, à compter de la réception du courrier, 200 euros par jour d’utilisation, 1 000€ de dommages et intérêt, une amende de 1 200€ et les frais de justice à régler. De quoi effrayer et expliquer cette disparition soudaine.

La page Facebook, enjeu de pouvoir

La SPA a envoyé cette lettre comminatoire car Fanny a retiré les droits d’administration de la page aux autres membres. En effet, elle est conflit avec le bureau de l’association depuis la dernière assemblée générale et craint de ne plus être autorisée à publier sur cette page si elle rend les clés :

« Je refuse de donner les droits d’administrateur aux membres du bureau. Ce statut au sein de la page ne change rien pour eux, puisque tout le monde a déjà le statut d’éditeur et peut alimenter la page librement. La seule différence c’est qu’ils auraient la possibilité de m’enlever mes droits de gestion de cette page qu’on on m’a transmise et qui a atteint 7 500 abonnés suite au travail accompli. En attendant face à ces menaces, je bloque la page et c’est le statuquo. Il serait dommage de tout perdre. Il est toujours possible de la réactiver. »

L’été est un période propice à l’abandon. La SPA de Strasbourg accueille jusqu’à 350 chats. (Photo JFG/ Rue89 Strasbourg)

La propriété de la page restant à prouver, elle a été créée par une bénévole en 2010, la SPA n’ayant aucune mention spécifique à ce sujet dans ses statuts, et le préjudice difficilement appréciable, l’issue d’un tel conflit semble difficile à prédire. Quoiqu’il en soit, cette ténébreuse affaire est entre les mains des avocats des parties.

Des exclusions deux mois après l’assemblée générale

Consultée par Rue89 Strasbourg avant sa suspension, la page Facebook de l’association n’a jamais rendu compte des tensions internes. Car cet imbroglio numérique n’est que la conséquence de tensions grandissantes qui remontent à l’Assemblée générale (AG) du 16 mai, où un vote déterminait le renouvellement des membres du conseil d’administration (CA) pour trois ans. Membre du conseil d’administration, le conseiller général (UMP) Jean-Philippe Maurer n’a pourtant pas remarqué de tensions particulières au printemps :

« C’était une élection disputée. Il y avait plus du double de candidats par rapport aux nombres de postes (19 candidatures pour 8 places, NDLR), mais tout s’est passé dans de bonnes conditions, démocratiques et sous le contrôle d’un huissier de justice. Tous les candidats avaient de bonnes volontés, ce qui est encourageant dans une association. Il est vrai que les membres élus ont su mieux exprimer leur engagement dans des discours concis et clairs. Ce n’est pas un exercice facile et certains sont plus doués que d’autres. »

En attendant le déménagement, la SPA n’a pas investi dans de nouveaux bâtiments, se contentant de préfabriqués. (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

L’élu bas-rhinois n’a pas eu échos des tensions suite à cette soirée. Mais pour dix des onze candidats malheureux ce soir là, l’élection est bien légale, mais pas morale. Des personnes rarement vues à la SPA se sont subitement manifestées lors du dépôt de candidature et une sorte de barrage a été établi par l’équipe en place pour les empêcher ces dix personnes de renouveler leurs responsabilités ou d’y accéder.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais le 15 juillet ces quatre bénévoles sont exclus par le président de la SPA, Alfred Gebhart. « Une première » de mémoire de celui qui est à la tête de l’association depuis 12 ans. On retrouve trois des ex-candidats parmi eux : des amis de Fanny, elle aussi candidate, mais non exclue, bien que sommée de rendre les droits administratifs de Facebook. Une bénévole depuis 7 ans, ex-membre du CA et exclue en juillet raconte :

« Cette AG, c’était une manière de nous mettre de côté. L’équipe élue pensait sûrement que l’on abandonnerait l’association ensuite. La principale différence entre notre groupe et ceux qui se sont présentés étaient nos prises de position vis-à-vis de l’euthanasie des animaux récupérés. Avec d’autres membres de la SPA, nous faisions partie de ceux qui demandaient des comptes que nous n’avons jamais obtenus. C’était un vote noyauté. Par la suite, j’ai reçu beaucoup de remarques désagréables, voire d’insultes d’autres membres au refuge, alors que je me cantonnais à ma tâche de bénévole le dimanche. Cette exclusion m’a beaucoup touchée. »

On est loin de l’ambiance décrite dans cette vidéo, mise en ligne par Fanny en janvier :

« Les litiges entre personnes sont nuisibles au bon fonctionnement du refuge »

Alfred Gebhart, président de la SPA

La quatrième personne exclue a, elle, subi un contrôle inopiné le samedi 9 août à 20h30, d’une inspectrice de la SPA. Un fait rarissime pour une ancienne bénévole, qui plus est à un horaire incongru. L’examen est perçu comme une provocation. Cette ancienne bénévole a d’ailleurs porté plainte pour violation de domicile. Dans son courrier aux exclus, le président évoque des « dénigrements systématiques », des « critiques constantes » et un « état d’esprit néfaste », sans qu’un grief précis soit cependant retenu. Le président Alfred Gebhart se justifie :

« Il y avait une très mauvaise ambiance entre ces bénévoles et d’autres membres de la SPA. Les litiges entre personnes sont nuisibles au bon fonctionnement du refuge où nous avons plus de 300 chats l’été dont nous devons nous occuper. Ce que je veux, c’est qu’il y ait une ambiance détendue et que les personnes soient contentes de venir pour aider. »

Lui-même reconnait que sa décision s’appuie sur « des plaintes qui lui sont remontées », dont « on ne sait jamais totalement si c’est vrai ». Il affirme cependant que, depuis, l’ambiance s’est apaisée. Du côté des bénévoles, on parle « de tensions et d’exclusions », mais on se garde bien de commenter ou de prendre parti.

Les bénévoles renvoyés accusent la direction d’euthanasies de chats trop rapides. (Photo JFG/Rue89 Strasbourg)

Accusation d’euthanasies

Au cœur du différent, l’euthanasie de chats, le domaine où étaient impliqués ces bénévoles éconduits. L’accusation n’est pas nouvelle et fréquente à travers les SPA de France. Le 6 juillet, Alfred Gebhart a signé une tribune dans les DNA, où, déjà, il souhaite mettre fin aux « rumeurs » sur le sujet. « Seuls les animaux malades (et non soignables), les animaux « dangereux » peuvent être endormis, toujours en accord avec les vétérinaires », précise le texte.

Des tracts virulents avaient été jetés devant le siège de l’association. Bien qu’une plainte pour diffamation ait été annoncée dans cette tribune, elle n’a finalement jamais été déposée. Alfred Gebhart commente :

« Nous avons des soupçons, mais sans preuve il n’y a pas vraiment de chance que cela aboutisse, alors c’est une perte de temps. Ceux qui portent ces accusations ne se soucient pas du bien-être des animaux ».

Selon le groupe des bénévoles en conflit avec la SPA, le relevé d’une dizaine de chats accueillis entre avril et août portent la mention PP (comprenez « parti paradis » pour euthanasié), le lendemain de leur arrivée à la fourrière, le délai minimal étant une semaine. Alfred Gebhart réfute ces accusations :

« Il s’agit d’un cas isolé, d’un chat que nous avons recueilli, très malade et que nous ne pouvions pas soigner. Je ne suis pas pour l’acharnement. »

Rencontre avec des élus de la Ville prochainement

La SPA de Strasbourg fonctionne principalement grâce à la subvention annuelle de la ville (38 100€/an), tandis que la CUS lui délègue le service public de fourrière, contre une participation financière (45 519€ en 2014). Les quelques dons, une tombola et les cotisations de sa centaine de bénévoles (20€/an) complètent les revenus de la structure qui compte une vingtaine d’employés, parfois en contrats aidés.

À savoir que la SPA nationale, (à Paris) est complètement indépendante des associations locales, à qui elle ne reverse pas de dons et s’approprie même certains biens laissés en héritage aux sections municipales, ce qui occasionne des tensions régulières. Alerté sur la situation strasbourgeoise, le conseiller municipal Abdelkarim Ramdane (Europe Écologie – Les Verts) va organiser, avec une délégation d’élus, une rencontre avec la SPA strasbourgeoise :

« Les éléments qui nous ont été présentés nous interpellent. Une rencontre doit être organisée, car on ne peut se baser sur le témoignage d’une seule partie. L’objectif sera de tirer au clair ce qui se passe et trouver une situation qui convient à la direction comme aux membres de l’association, sans que le service public ne soit impacté. Si les réponses apportées ne sont pas satisfaisantes, il faudra faire remonter la situation aux élus de la majorité et en tirer les conséquences nécessaires. En espérant bien sûr ne pas en arriver là. »

Début 2015, la SPA doit prendre ses quartiers dans de nouveaux locaux, construits à Cronenbourg. Pas sûr qu’un déménagement suffise à laisser ses soucis derrière elle.


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