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Les enseignements de Strasbourgeois équipés de capteurs de pollution

Une vingtaine de Strasbourgeois ont pu mesurer la qualité de l’air avec leur propre capteur portable. Voici quelques une de leurs leçons à l’issue de cette expérience inédite.

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Reportage lors d’une captation (vidéo par JFG / Rue89 Strasbourg)


Ils étaient 21 volontaires pendant six semaines, à être équipés d’un capteur de pollution. Leur appareil enregistrait les microparticules, que ce soient les PM10, bien mesurées et réglementées (avec des normes fixées par l’Union européenne et d’autres par l’Organisation de mondiale de la Santé plus (strictes mais plus protectrices) ; les PM 2,5, un peu mesurées mais peu encadrées ; et même les PM1, encore plus petites et qui relèvent plutôt de l’expérimentation. Avec des relevés réguliers, mais volontaires, les cobayes ont tiré quelques leçons personnelles de leur résultats.

Quand l’air est mauvais, pas moyen d’y échapper

« Quand la qualité est mauvaise de manière générale, par exemple lors d’une inversion de température (fréquentes au printemps et en hiver ndlr), elle l’est partout, même à la réserve naturelle du Rohrschollen. On penserait que la présence d’arbres permettrait une meilleure qualité de l’air, mais la pollution y restait au-dessus des seuils », se souvient Sophie Rabourdin, médecin généraliste qui a testé le dispositif. Et pourtant, l’usine d’incinération, située au beau milieu du parc naturel, était encore à l’arrêt total au printemps. Elle doit redémarrer cet été.

Autre tendance qui se dégage : la qualité de l’air est bien meilleure lors des périodes « sans chauffage ». Exemple avec une mesure le dimanche 14 avril en soirée, un soir où les températures avaient chuté, entre 0 et 5°C. « Les cheminées recommençaient à fumer chez les particuliers », se souvent Greg Matter, qui a effectué la sortie. Toutes les mesures au sein de Koenigshoffen se déroulent au-dessus du seuil dit « de recommandation » (50 μg/m³). Pourtant aucune information sur un dépassement n’avait été communiqué ce jour-là par Atmo Grand Est.

L’impact de la cigarette se mesure de manière éphémère, mais spectaculaire

Les mesures de pollution communiquées habituellement au grand public sont des moyennes par heure ou à la journée (des mesures qu’on projette en donnant une note entre 1 et 10 pour la qualité de l’air). Mais les capteurs donnaient un relevé en temps-réel à la seconde près. Ainsi, traverser une rue, être entouré de fumée de cigarette et de véhicules polluants peut-être visualisé quasi instantanément.

Une finesse que n’ont pas les relevés journaliers des capteurs, mais pourtant une donnée importante pour la qualité de l’air qu’un individu respire tout au long de la journée. Ainsi, certains ont modifié leur itinéraire domicile-travail sur cette base. Exemple ci-dessous, un soir en terrasse alors que la qualité de l’air en centre-ville est moyenne.

Mesure de la qualité de l’air d’une terrasse un soir où la qualité générale est moyenne en centre-ville. Les utilisations de cigarettes sont facilement reconnaissables. La personne est restée immobile, malgré les variations du GPS.

Les travaux polluent

On s’en doutait un peu, mais les travaux publics avec leurs machines et leur impact sur le trafic génèrent une pollution supplémentaire. Exemple avec le chantier du tram vers Koenigshoffen et avenue des Vosges, où des bandes cyclables sont installées. Il s’agit des seuls endroits où la qualité de l’air se dégrade pendant une journée où l’air est de bonne qualité en général.

Une mesure. Les deux zones de travaux sont là où des travaux sont en cours.

Ce jour là, « le trafic était modéré », selon Greg Matter, le volontaire qui a effectué cette relève. Au passage, il remarque aussi « une baisse significative, (entre 2 et 5 μg/m³) sur la seule zone en site propre : devant la Gare et sa voie réservée aux bus (aucun véhicule croisé). »

La hauteur du capteur modifie la mesure

Où placer son capteur de pollution ? Accroché à son sac à dos, à hauteur de narine, ou beaucoup plus bas, par exemple à hauteur de poussette, là où les bébés respirent l’air ? Là encore les testeurs ont remarqué que les valeurs variaient selon l’emplacement du capteur.

Les capteurs fixes d’Atmo Grand Est sont souvent placés à plusieurs mètres de hauteur, notamment pour éviter les vols. Mais ainsi, ils « sous-mesurent » peut-être la pollution immédiate à hauteur de nez d’homme et de femme.

L’impact des TER au diesel est très visible

Prendre les Trains express régionaux (TER) pour ces déplacements locaux, un bon geste pour la planète ? À voir surtout quand ces derniers roulent au diesel en dépit des lignes électrifiées… Il suffit de regarder le plafond des rames pour voir si des marques de suie noire ont imprégné le wagon. Exemple à l’arrivée d’un TER diesel en gare de Kehl, parti de Strasbourg, un jour de faible pollution générale. La qualité de l’air sur le quai est digne d’un jour de pic.

Mesure de l’arrivée d’un TER roulant au diesel en gare de Kehl, un jour de faible pollution.

La Région Grand Est fait aussi circuler plusieurs de ses trains au diesel, pour des raisons de ponctualité avance-t-elle. La question de la santé des voyageurs, mais surtout de conducteurs peut se poser.

Quelques frustrations…

Le président de Strasbourg Respire, le médecin Thomas Bourdrel pointe quelques limites :

« À titre personnel j’ai des doutes sur l’efficacité de ces capteurs mais c’est déjà mieux que rien pour une première expérience. Malheureusement cela ne suffit pas pour pouvoir mesurer la pollution de façon fiable en temps réel sur un lieu donné. Ils indiquaient régulièrement des taux de pollution aux particules fines à zéro, alors que c’est impossible. Nous avons même essayé de le mettre directement à la sortie de du pot d’échappement d’un vieux véhicule diesel et le chiffre restait à zéro. Ces capteurs sont à prendre pour ce qu’ils sont, c’est à dire de simples indicateurs de variation de pollution en fonction de la météo. »

Autre regret partagé par plusieurs testeurs, l’impossibilité de mesure de dioxyde d’azote (NO2), un polluant pour lequel Strasbourg est en dépassement chronique, et l’ozone (O3) surtout présent par temps de canicule.

Ces variations ont cependant livré quelques leçons et modifié le comportement de testeurs à la marge, en attendant un bilan plus complet.


#ATMO Grand-Est

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