En 2023, cette longue heure d’attente sur le quai en gare de Vendenheim pourrait n’être plus qu’un lointain souvenir. Depuis cette commune au nord de Strasbourg, il est possible pour rejoindre la capitale alsacienne en une dizaine de minutes de TER, souvent saturé. Vendredi 7 mai, le conseil de l’Eurométropole, a validé un pacte entre la collectivité des 33 communes autour de Strasbourg et la Région Grand Est pour améliorer les transports autour de la métropole : c’est le REM pour « Réseau Express Métropolitain ». Il comprend plusieurs volets : routier, vélo et ferroviaire. Dans ce dernier volet, l’accord prévoit d’abord un accroissement de passages de trains en heures creuses dès la fin de 2022 pour les gares de Strasbourg, Mulhouse, Bâle et Nancy. Puis, de faire circuler deux fois plus de trains entre Vendenheim et Strasbourg, avec un cadencement qui rapprocherait cette ligne du fonctionnement d’un « RER » comme en Île-de-France dès 2023.
Même si l’offre définitive doit encore être précisée, les gares les plus impactées par cette augmentation de passages sont déjà connues : celles de Graffenstaden (+177%) à Illkirch-Graffenstaden, Vendenheim (+156%) et Geispolsheim (+88%). Une aubaine pour les habitants du nord de l’agglomération et de Vendenheim en particulier, où il n’existe à ce jour qu’un seul TER par heure. Pour ces derniers, la seule autre option de transports en commun est de prendre le bus pour rejoindre Strasbourg. Il leur faut alors environ 42 minutes pour rejoindre le centre-ville, contre une vingtaine en voiture.
Ci-dessous, la prévision pour la fin de l’année 2023. Ces cadences pourront évoluer les années suivantes :
Une 4e voie entre Vendenheim et Strasbourg
Pour parvenir à cette cadence d’un train toutes les 30 minutes entre 5h et 22h, la construction d’une 4e voie ferrée sur les 6 kilomètres entre Vendenheim et Strasbourg est nécessaire. Les travaux, estimés à 109 millions d’euros (37,35 M€ Région Grand Est, 37,35 M€ de l’Etat, 24,60 M€ de l’Europe et 9,70 M€), doivent se terminer fin 2022. Ce tronçon du réseau ferroviaire voit passer aussi bien les TER vers le nord de la région que les TGV vers le reste de la France sur les trois voies actuelles. En 2023, entre 10 et 14 trains par heure devrait fréquenter ces rails.
Le projet de REM strasbourgeois amorcé lors du mandat précédent et confirmé par la majorité à l’Eurométropole de Pia Imbs (sans étiquette) et la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (EELV), est jugé « nécessaire dans le cadre de la mise en place progressive de la Zone à Faibles Emissions (ZFE) » selon la délibération. La coalition des maires et des écologistes entend réduire le trafic automobile dans les 33 communes de l’Eurométropole entre 2022 et 2028 (voir le calendrier prévisionnel).
Le coût de l’exploitation (péages à payer à la SNCF, coût d’énergies, maintenance des trains) sera d’environ 20 millions d’euros nets par an au début en 2023. Puis, si cette quatrième voie est utilisée à son potentiel maximal, il avoisinerait 40 à 50 millions d’euros par an. Cela représenterait alors environ 10% du coût net de l’ensemble du réseau TER Grand Est, c’est-à-dire le coût total, dont on retranche les recettes des abonnements et des billets individuels. Des discussions doivent s’entamer avec la Région pour connaître la somme que souhaite s’engager à verser l’Eurométropole.
Près de 60% d’offre supplémentaire sur tout le réseau
L’ouverture de cette quatrième voie permettra en outre d’améliorer toutes les lignes de l’Eurométropole, déjà saturées. En 2023, « près de 60% d’offre supplémentaire » est prévue en termes de passages de trains. D’après les chiffres de la Région Grand Est, 35 000 voyages quotidiens, soit un voyage sur cinq en train réalisés avant la crise sanitaire dans le Grand Est, concernait « l’étoile ferroviaire » de Strasbourg.
Ce renforcement de l’offre au nord de la métropole aura des conséquences en cascade sur le reste du réseau de transports en commun. Ainsi, une « diamétralisation » pourra enfin s’opérer, c’est-à-dire des lignes du nord au sud qui traversent Strasbourg, sans que ce soit le terminus. Un tronçon entre Mommenheim et Sélestat, cadencé toutes les demi-heures, est ainsi programmé.
Selon le « pacte » voté à l’Eurométropole, l’augmentation finale de l’offre de transports dépendra de « la capacité de la Région à assurer les très lourds travaux de renouvellement des infrastructures nécessaires sur les lignes (…) en particulier en Nord Alsace ». Des commandes de nouveaux trains ont déjà été passées mais « il s’agit surtout d’augmenter l’utilisation du matériel roulant disponible », explique Alain Jund, vice-président (EELV) de l’Eurométropole en charge des Transports.
« Tout ne sera pas mis en concurrence »
De son côté, la Région Grand Est signale avoir demandé le transfert des « petites lignes » ferroviaires rénovées et ajoutées par le REM, actant de « l’incapacité de la SNCF à maintenir ce réseau ». Elle prépare en fait, en réponse à la loi d’orientation des mobilités de 2019 dite « LOM », la mise sur le marché de toutes les lignes du réseau pour l’année 2025. Mais cette ouverture à la concurrence ne sera pas totale puisqu’elle concernera uniquement l’exploitation, c’est-à-dire la circulation des lignes.
La Région Grand Est récupèrera petit à petit la gestion et maintenance des infrastructures de 15 « petites » lignes de son réseau qui en compte 47 (et 45 par autocar), dont celles de Strasbourg-Lauterbourg-(Worth), de Vendenheim-Wissembourg-(Landau), Saint-Dié-des-Vosges-Molsheim, ou encore Mommenheim-Sarreguemines-Béning, Sarreguemines-Sarrebruck. La propriété restera celle de l’État, mais ce sera à la Région de s’en occuper. Une gestion qu’elle confiera en partie à des opérateurs privés via un appel d’offres (auxquels la SNCF peut candidater). Dans certains cas, pour optimiser le système, la circulation et la gestion de l’infrastructure cumulées seront réalisées par ces opérateurs sélectionnés.
La Région a commandé neuf rames de trains Régiolis pour 120 millions d’euros, fabriqués par Alstom à Reichshoffen. Une trentaine de matériel supplémentaires ont en outre été commandés pour pour 375 millions d’euros afin d’équiper des lignes transfrontalières (le REM prévoit également de développer les dessertes TER vers l’Allemagne).
Le rôle de la SPL
Une Société Publique Locale (SPL), « Grand Est Mobilités » en cours de création permettra à la Région d’assurer le fonctionnement de ces 15 lignes progressivement récupérées. Le recrutement du personnel de cette entreprise publique d’ingénierie débutera à l’été. « Ce sera le bras armé, le réservoir technique au service de la région et ses partenaires », précise un responsable du dossier à la Région Grand Est. Cette SPL devra superviser la maintenance du réseau.
La SPL sera détenue à 92% par la Région et regroupe plusieurs agglomérations également actionnaires : Strasbourg, Metz, Mulhouse et Reims. Chacune dispose de 2% du capital. La société travaillera donc exclusivement pour la Région Grand Est et ces villes. Pour lancer cette SPL, il faut encore attendre la promulgation de la loi surnommée « 4D » encore en préparation, censée garantir plus d’autonomie aux collectivités territoriales.
« On a peur que l’usager soit perdu dans une jungle tarifaire »
« On a bon espoir », commente André Roth, secrétaire de l’association Astus (ASsociation des usagers des Transports Urbains de l’agglomération Strasbourgeoise), qui cherche depuis 2016 à désaturer le réseau. « Avant les relations entre l’Eurométropole et la Région n’étaient pas très efficaces. Maintenant, avec ce grand pas en avant, on espère que les choses vont avancer », indique-t-il. Mais il reste « vigilant » car ce projet qui n’est que le volet ferroviaire du REM « doit faire partie d’un tout » :
« La crainte que nous avons est que ce réseau ne soit pas assez intermodal. Même s’il y a deux gestions différentes entre ce nouveau RER et les trams/bus, il faut que ce soit pratique, confortable et clair pour l’usager avec des correspondances indiquées et l’instauration d’un abonnement ou ticket unique. On a peur que l’usager soit perdu dans une jungle tarifaire qui le pousserait à reprendre la voiture. »
C’est donc le rôle de la SPL d’étudier ces aspects tarifaires. Son premier conseil d’administration devrait avoir lieu à la rentrée 2021. À travers ce projet, l’Eurométropole dit vouloir « s’inspirer du meilleur RER au monde » qui serait selon elle l’exemple du S-Bahn de Zürich en Suisse.
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