Une recette pleine de piquant
Le film est drôle, tendre, étonnant, et tendu de bout en bout. Il est le premier d’une jeune réalisatrice Jeanne Herry, et on peut déjà dire qu’elle est talentueuse et pleine d’idées originales. Enquête policière assortie de policiers en crise amoureuse, humour et dialogues ciselés, scénario à rebondissements où l’essentiel se trame dans le caractère évolutif des personnages.
Quelques quiproquos pour attiser le rire, un brin de vaudeville pour parfumer l’ambiance et un zeste d’incohérences pour épicer le tout. Le mélange est croustillant et on se délecte tout en l’arrosant du sirop d’adrénaline qui relève encore cette recette inédite. Mais le film n’est pas seulement agréable, léger et envoutant. Il est même subtil et intelligent. L’intrigue met en scène deux univers que tout oppose: les « people », leurs contradictions et leurs petitesses d’une part, face à la banalité de ceux qui les admirent en espérant participer de leur gloire -qu’ils idéalisent-, d’autre part.
Il a aussi les clivages vrai-faux, réel et imaginaire qui concourent à démultiplier les strates du récit et à intensifier l’intérêt du propos. On peine à juger du bien et du mal de ce qui est fait et de ce qui est dit. Un crime passionnel est-il un meurtre? Se débiner d’une responsabilité même relative est-il compatible avec l’idée d’avoir aimé ? L’ensemble reste complexe et se maintient dans une indétermination qui permet à ce film étonnant de ne jamais retomber dans la platitude du déjà vu.
La bande annonce
Mais qui adore-t-elle exactement ?
Je gamberge, je gamberge sur la moralité du beau chanteur dans cet imbroglio, sur la manière dont il a osé impliquer une innocente, et sur la façon admirable dont cette fan finit par s’en sortir. Contre toute attente c’est en utilisant cette mythomanie qui la caractérise, mais à bon escient pour le coup, qu’elle retournera le cours de sa propre existence. Elle aime inventer des histoires, elle est capable de recréer le monde à sa façon et à la mesure de ses fantasmes qu’elle sait investir dans la réalité immédiate du discours.
Un interrogatoire de police époustouflant -scène à classer dans l’anthologie du cinéma français- sera l’occasion de sublimer sa posture de groupie asservie qui vit par procuration sur la gloire d’un chanteur populaire.
Elle aime ce chanteur, elle l’adore. Elle fera tout pour le sauver, tout en se guérissant de sa « fanattitude ». Mais de qui parle-t-on au juste? Je découvre alors que Jeanne Herry est la fille de Miou-Miou, et que le cinéma est la potion magique dans laquelle elle est tombée quand elle était petite. Pas étonnant qu’elle soit si douée!
Mais plus encore, je réalise que le père de cette réalisatrice de caractère est Julien Clerc, ce grand chanteur dont la carrière interminable a bercé toute une partie du 20ième siècle ! Je comprends enfin… Cette femme pleine d’idées, d’inventions et de créativité, c’est elle: Jeanne Herry, pour toujours et à jamais fan de ce chanteur qui a effectivement un petit air de ressemblance avec Julien Clerc…
Elle l’adore, à voir à Strasbourg à l’UGC Ciné-Cité et au Vox.
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