8h30, à Strasbourg. Élise, collégienne du quartier de Hautepierre, ouvre la grande porte en bois de l’école régionale des avocats du Grand Est. L’adolescente de 14 ans monte les escaliers de grès. Son discours tient sur deux feuilles. Elle les tient fermement dans ses mains moites.
Sur celle de droite, le henné s’estompe. L’heure du premier tour du concours d’éloquence approche. Avec Jawad, un ami du collège Érasme, Élise quitte la salle d’attente. Lui doit soutenir que l’être-humain ne deviendra pas esclave de la technologie. Elle doit affirmer que nous sommes libres de faire nos propres choix.
Une brève panique, puis Élise se reprend
Dans la salle de classe aux murs blancs, le président du jury explique le déroulé de la demi-heure à venir. Élise peut discourir de cinq à sept minutes. Elle devra ensuite répondre à des questions sur sa plaidoirie. « Si vous êtes prête, vous pouvez y aller », conclut Romain Place, doctorant en droit public.
Élise se lance. Elle connait son texte sur le bout des doigts. Ce matin encore, elle a répété ce discours plusieurs fois. Au début de sa plaidoirie, la collégienne de 14 ans peine à prendre de l’assurance. Quelques mots écorchés, un débit un peu rapide puis le trou de mémoire. Une brève panique apparaît sur le visage de l’adolescente. Elle regarde sa feuille, inspire longuement et reprend.
Le conseil d’Élise : oser
Vendredi 8 mars, l’élève avait déjà un texte bien ficelé. Depuis, elle a encore ajouté plusieurs paragraphes, plus personnels. Vers la fin de son discours, Élise témoigne :
« Aujourd’hui vous vous direz : comment une jeune fille de quatorze ans pourrait donner des leçons sur le choix d’une vie, sur l’avenir ? Eh bien, figurez-vous que c’est à cet âge-là même que l’on nous demande ce que nous voulons faire plus tard, ou encore vers quelles études nous voulons nous diriger. […] Alors le conseil que je peux vous donner, c’est d’oser. Oser sans penser à la réaction d’autrui. »
Le jury pose ensuite une dizaine de questions à la candidate. « Comment faites-vous si vos parents n’écoutent pas vos arguments et s’opposent à votre projet ? » Élise répète la fin de chaque question pour se donner le temps de réfléchir. Elle tient ferme son idée :
« Dans ce cas, il existe des associations ou des personnes qui viennent en aide aux enfants en conflit avec leurs parents. C’est tout à fait possible de prendre son avenir en main, même quand on est seul. »
Élise passe le premier tour
En sortant de la salle, Élise est soulagée. Elle retrouve le surveillant du collège Érasme, qui l’a accompagnée jusqu’ici. La collégienne pense déjà à la suite de sa journée. Il faut quitter ce bâtiment qu’elle trouve « grandiose », pour retourner voir ses amies au collège. A midi, elle racontera cette matinée pendant le déjeuner avec sa mère.
Vers 18 heures, la collégienne reçoit un appel de l’association D-Clic. Elle sort à peine d’une session des « Cordées de la réussite », un dispositif qui favorise l’accès de tous les élèves aux études supérieures. L’adolescente en profite pour « prendre de l’avance en maths » grâce à des étudiants en chimie. Au téléphone, Élise apprend qu’elle est retenue pour le deuxième tour du concours.
Cette fois, l’adolescente aura sept jours pour préparer son discours ; contre dix pour la première étape. Dans un amphithéâtre du lycée Corbusier, elle devra soutenir que la timidité est une qualité. Sa réaction : « Ça va me demander beaucoup plus de réflexion, parce que justement je pense le contraire. Mais je pense que je vais y arriver. »
Les deuxième et troisième tours du concours d’éloquence auront lieu le 20 mars et le 12 avril. Rue89 Strasbourg couvrira chaque étape que passera Elise. Prochain épisode de cette série : mercredi 21 mars.
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