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Pourquoi tout le monde se fout des élections syndicales dans les TPE

Les salariés des très petites entreprises (TPE) sont appelés à voter pour leurs représentants syndicaux jusqu’au vendredi 13 janvier. Ils ne peuvent les élire que depuis 2012. Mais concrètement, à quoi ça sert ?

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Les salariés des entreprises de moins de 11 personnes et les employés à domicile peuvent voter jusqu’au vendredi 13 janvier pour élire leurs représentants syndicaux. Les élus ne seront pas présents dans leurs entreprises, comme pour les salariés des entreprises plus importantes, mais ils siégeront au sein d’un comité paritaire régional.

Le choix doit se porter sur les syndicats (par exemple la CGT, la CFDT, la CFTC, l’UNSA, FO…) et non pour des candidats physiques. Les salariés peuvent voter par correspondance ou en ligne, jusqu’au 13 janvier (voir encadré « Comment voter ? » plus bas).

Pour les salariés des très petites entreprises (TPE), cette représentation leur permet, depuis 2012 seulement, d’avoir quelqu’un vers qui se tourner en cas de problème professionnel, de pouvoir poser des questions sur certaines démarches professionnelles qui demandent de la discrétion, etc.

Connaître ses droits, même en petite équipe

Laurent Walter, secrétaire départemental de la CFTC du Bas-Rhin, explique les avantages :

« Dans les petites entreprises, il n’y a pas d’activité sociale et souvent les salariés n’ont pas d’infos sur les conventions collectives. Un lien avec ces salariés est important, car ils viennent nous poser beaucoup de questions. »

Ces élections vont envoyer pour la première fois des représentants dans les Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI). Ces assemblées régionales doivent résoudre les conflits et proposer des activités sociales et culturelles à l’échelle de la région.

Le gouvernement encourage les salariés à voter sur internet (Capture d’écran/vote-election-tpe.travail.gouv.fr)

Pour Antoine Dugo, secrétaire départemental de la CFDT du Bas-Rhin, ces élections changent la vie professionnelle des salariés de TPE :

« C’est l’ouverture du vrai dialogue social pour les TPE, qui n’ont pas de comité d’entreprise. Il faut trouver les possibilités de communication dans la structure. Les CPRI fonctionneront à double sens : faire remonter les problèmes des salariés, mais aussi les interpeller sur des sujets, comme par exemple la formation professionnelle. On doit connaître leurs besoins. »

Pouvoir négocier branche par branche

Pour Marie Baggio, secrétaire générale adjointe du syndicat Education Populaire – UNSA, c’est une avancée pour des secteurs comme l’animation, où l’UNSA est devenue représentative en 2013 :

« Dans l’animation, 65% des structures sont des petites structures. Jusque-là, on ne leur demandait pas leur avis. Donc d’un point de vue démocratique, ne pas représenter 65% des salariés, ce n’était pas idéal. »

Au moins, maintenant, ils ont leur mot à dire et cela permet des avancées dans la négociation pour chaque branche, selon Marie Baggio :

« On a pu agir sur les accords de branche, sur des sujets comme la mutuelle, ou le temps partiel. On a été très proactifs dans la grève des animateurs en septembre. On va à la rencontre des associations, sur le terrain etc. Pour les petites structures, la représentation syndicale va être de plus en plus importante, car on va de plus en plus vers des négociations de branches, avec les représentants syndicaux locaux, etc. »

Pour Jean-Jacques Touchard, secrétaire-adjoint de l’union départementale Force Ouvrière du Bas-Rhin, cette nouvelle représentativité est concrète pour les salariés :

« Ce qui est vraiment bien, c’est que ça permet des négociations de branches et donc d’obtenir des minima sur le temps de travail, les salaires, les heures supplémentaires… Contrairement aux grandes entreprises où ça se décide de manière plus “dogmatique”. »

Des progrès au cas par cas

Pour Jacky Wagner, secrétaire général de l’union départementale de la CGT du Bas-Rhin, l’élection est l’occasion de faire plus le lien avec le salarié, pour pouvoir répondre à ses besoins :

« L’objectif c’est que le monde syndical s’implante dans les TPE, qu’il y ait du dialogue social. Grâce à ces élections, on se rend dans les petits commerces, on va se faire connaître dans des entreprises où les gens ne savent pas qu’on peut leur servir. »

Il explique que depuis 2012, ils ont pu aider concrètement des employés, surtout des jeunes :

« On a l’exemple des CPRI de l’artisanat, qui existent déjà. Grâce à notre travail en CPRIA, on a pu par exemple négocier que les jeunes salariés qui passent leur permis de conduire puissent prendre la camionnette de l’entreprise, et aussi que celle-ci prenne en charge une partie du coût du permis. »

Il cite aussi des victoires individuelles :

« On a eu le cas d’un jeune coiffeur en apprentissage, qui n’a pas pu rester dans le salon où il était, car c’était quatre femmes et elles ne voulaient pas embaucher un homme. On s’en est saisi à la CPRIA, et il a pu être engagé dans un autre salon et continuer son métier. Dans ces cas-là, on met aussi parfois la pression en disant qu’on ira jusqu’au tribunal. »

Un peu plus de démocratie

Même sans affaire concrète de ce type, l’Etat et les syndicats veulent convaincre de l’importance de telles élections, alors que le taux de participation est très faible (autour de 10%). Thomas Kapp est responsable de l’unité départementale 67 de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Alsace. Il explique que pour les salariés, le bénéfice est peut-être indirect, mais fondamental. C’est celui d’améliorer la démocratie :

« Ce système clarifie qui négocie les conventions collectives, grâce à la représentativité des syndicats. L’élection permet d’asseoir leur légitimité. Il y a des visions différentes de l’action syndicale, les salariés ont du choix ! C’est bien qu’ils participent à la mesure du poids des syndicats, qu’ils participent au processus démocratique. »

Mais on est loin de la révolution

Au syndicat FO, on concède qu’il est difficile de savoir si ces élections changent les choses, comme le dit Jean-Jacques Touchard :

« En fait, on n’a quand même pas beaucoup de retours au niveau des négociations, du temps de travail, des salaires. Aussi, c’est un milieu difficile les TPE, car dans une petite structure, si le patron est sympa ça se passe bien, et sinon, c’est les prud’hommes. Le problème ça va être aussi la participation, la dernière fois elle était très faible, autour de 10%, et cette année ça a commencé pendant les fêtes… Le risque c’est que peu de gens votent, malgré nos campagnes de médiatisation et de porte-à-porte. »

Antoine Dugo regrette que la représentativité ne soit pas plus directe :

« Hélas, il n’y a pas de délégué du personnel dans les TPE. Mais nous mettons les visages de nos adhérents sur les listes électorales et ce seront eux qui siégeront. C’est important que les salariés eux-mêmes aillent siéger dans des endroits comme les CPRI. »

Thomas Kapp comprend que le flou démotive les salariés :

« Ce n’est évidemment pas la même chose qu’élire des délégués du personnel, et c’est peut-être aussi pour cela qu’on a du mal à mobiliser. Le salarié ne retire pas d’avantage immédiat. »

Depuis 2012 en tout cas, l’existence de délégués des TPE n’a pas eu d’impact notable sur les conflits :

« Il n’y a eu aucun impact sur le contentieux juridique, pas de hausse particulière du nombre d’affaires portées aux prud’hommes. »

Les résultats de l’élection seront connus vendredi 3 février.

 


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