L’élection des comités centraux, dont un nouveau président découle, est un moment d’introspection pour l’Université. Quelle direction prend -elle et quel est son rôle ? Ses questions sont au centre des débats à quelques jours des élections à l’Université de Strasbourg (Unistra).
Deux listes pour une présidence
Deux listes se proposent de relever le défi : L’université pour réussir et Alternatives 2017 ; par arguments interposés seulement, puisqu’aucun débat n’a été organisé. Peut-être il y en aura-t-il un avant l’élection du président le 13 décembre. Mais la période essentielle se jouera entre le 23 novembre et le 1er décembre.
C’est à ce moment là qu’une majorité devra se dégager des quatre collèges de représentants (professeurs, maîtres de conférences et assimilés, personnel et étudiants – voir notre article sur les enjeux tactiques), pour élire les personnalités extérieures et futurs soutiens du nouveau président, avec une première indication au soir du 17 décembre, lorsque tous les personnels auront voté.
La concurrence en question
Les deux listes ont des différences dans le style et la gouvernance, mais surtout un grand clivage, qui imprègne les universités de France et du monde, les sépare, celui de la concurrence entre chercheurs.
Pour améliorer les conditions de travail, Alternatives 2017, menée par l’enseignante chercheuse de Sciences Po Hélène Michel propose « moins de concurrence et d’évaluation, pour plus de coopérations », ainsi que « plus de financements pérennes ». Un mécanisme vient pourtant conforter cette manière de procéder à l’Unistra : l’Idex (pour initiatives d’excellences) pour laquelle elle sera dotée de 750 millions d’euros soit 25,6 millions d’intérêts de manière indéterminée dans le temps comme Bordeaux et Aix-Marseille.
Cette attribution, Hélène Michel « s’en réjouit » mais elle veut « clarifier les modes d’attribution pour que tout le monde en bénéficie ».
Michel Deneken tient une position opposée :
« La concurrence est une donnée mondiale. Nous croyons à l’appel à projets qui est un moyen stimulant de travailler. Certes, les candidatures prennent du temps et nous voulons accompagner les collègues pour qu’ils y passent moins de temps. Nous ne voulons pas utiliser l’Idex pour boucher les trous. Il n’exclue pas la recherche fondamentale, mais est un élément qui booste. »
L’héritage Beretz à l’épreuve
Inévitablement, cette campagne s’articule autour des huit ans de présidence d’Alain Bertz, dont le premier vice-président brigue la succession. Depuis la dernière élection, une décision qui n’a pas été digérée par la liste concurrente : la baisse de 20% des crédits à toutes les composantes. Mais les critiques d’Hélène Michel couvrent plusieurs aspects de la gestion de l’équipe en place :
« On est dans un rapport où les directeurs n’ont de contacts avec les administrateurs que pour demander des postes et des moyens. Ils montent tous un petit argumentaire pour les avoir. Dans les salles, les travaux dirigés (TD) sont à plus de 50, ce qui est une aberration. On est passé de 42 800 étudiants en 2015 à 46 200 inscrits à la rentrée 2016 sans moyens supplémentaires. Plus de 50% des bâtiments ne sont pas aux normes de sécurité. On peut aussi pointer des dépenses de communication souvent tournées vers l’autosatisfaction plutôt que la connaissance, deux millions d’euros en frais de réception, 4,5 millions pour le projet Alisée finalement abandonné… »
Michel Deneken, l’assume « on ne peut pas échapper au bilan, contrairement à l’autre liste », mais il défend les décisions sur laquelle sa liste est attaquée :
»La liste adverse donne des chiffres sans leur contexte. Oui, nous avons baissé les crédits une année de 20%, mais depuis ils sont stables voire en hausse. Toutes les composantes rendent de l’argent, preuve qu’il y arrivent. Nous n’avons fermé aucune formation, sauf par manque d’étudiants. Nous n’avons refusé aucun étudiants pour l’inscription. Quant aux bâtiments, je ne sais pas d’où sort ce chiffre, ils sont de plus en plus nombreux à être aux normes. »
Des représentants étudiants très informés
Pas d’étudiant refusé ? Ce n’est pas le retour qu’a eu Colin Jude, président du syndicat étudiant Unef à Strasbourg :
« On a eu des témoignages de personnes qui n’ont pas pu s’inscrire en langues étrangères appliquées (LEA) ou de bacheliers qui se trouvent sans formation. En STAPS, il y a eu des tirages au sort. A partir de ce moment-là, les missions de l’Université ne sont plus tout à fait remplies pour nous. »
Chez l’autre organisation étudiante, l’AFGES, les constats sur l’état de bâtiments tapent en partie juste selon Bastien Barberio :
« On est d’accord sur le constat, mais il faut demander les crédits plus haut et ne pas ponctionner sur le budget de notre université. Le Plan Campus est réussi, la FAGE a obtenu 850 millions d’investissement dans les universités sur un milliard demandé. »
Parmi les nouveautés d’une présidence Deneken, le candidat avance : un rapport plus direct avec les 37 directeurs de composantes (« le conseil d’administration est trop descendant »), l’application du schéma régional de la vie étudiante voté en 2015/2016, « qui recouvre des domaines concrets comme la culture, la santé, la précarité étudiante ou le logement » et une « maison des compétences », pour rassembler les talents et que les entreprises savent mieux où s’adresser.
Chez les étudiants, le syndicat et l’association
Chez les étudiants, où le premier enjeu est de mobiliser car seuls 10 à 15% des inscrits participent aux élections, une opposition de style différencie l’Unef qui se définit comme un syndicat tandis que l’AFGES, affilié au syndicat national la FAGE prône le terme plus consensuel d’association apolitique et même de fédération d’associations, puisque des sections existent dans deux tiers des composantes. Ce qui fait parfois dire que cette association est certes visible avec ses t-shirts oranges et ses amicalistes prêts à faire la fête, mais pas vraiment engagés politiquement.
Son président a pourtant des sujets politiques à évoquer :
« On a obtenu en 2015/2016 la possibilité de faire une année de césure. On se bat pour la linéarisation des bourses. Car avec le système de paliers, un étudiant qui gagne 100€ de plus sur l’année qu’un autre peut toucher 100€ de moins par mois. Ça pouvait se justifier du temps des dossiers papiers, mais plus avec les moyens informatiques actuels. On est aussi pour une expérimentation du système continu à Strasbourg car on pense que c’est un meilleur système pour l’étudiant. »
Parfois accusée par l’Unef de « co-gérer l’université avec l’équipe dirigeante (cafétérias, organisation du grand barbecue de rentrée subventionné), le président trouve le terme « un peu fort » :
« On s’est aussi opposé à la direction, par exemple sur le contingentement de filières et contre le dernier budget, même si c’était aussi dans le cadre d’un message national de la FAGE vis-à-vis du gouvernement. »
Côté Unef, le local est orné de communications nationales sur la prolongation des bourses quatre mois après la fin des études suite à la mobilisation contre la loi travail ou plus de places obtenues en BTS, plutôt que d’avancées à Strasbourg où le syndicat est minoritaire (1 siège sur 5). Le syndicat de droite, l’UNI présente aussi une liste.
Le contrôle continu, futur sujet ?
En 2017, de nouvelles passes-d’armes sont possibles au sujet du contrôle continu qui ferait sauter les examens finaux et les rattrapages, un cheval de bataille de l’AFGES auquel l’Unef est opposée. Mais à bien y regarder les différences sont une question de moyen :
« Un étudiant sur deux est salarié, et le contrôle continu implique par exemple des contrôles surprise ou dˋêtre prévenu trop tard pour se libérer. Pour les professeurs, il n’ont pas de temps ou d’effectifs en plus alors que corriger et noter sérieusement prend du temps, à côté de leurs recherches universitaires. » avance Colin Jude.
Pour Bastien Barberio, ce sera un sujet pour le futur gouvernement :
« On avait un accord ministériel pour une expérimentation à Strasbourg et puis le gouvernement a reculé. Pour les étudiants à statut spécial (salarié, parents, sportifs de haut niveau…), des aménagements sont possibles. On préfère aller vers un meilleur échelonnement des bourses ou un statut du salarié-étudiants que de voir dans ces obstacles une raison de ne pas faire de contrôle continu. C’est un meilleur moyen d’évaluation, plus régulier et avec plusieurs types de travaux : oraux, travaux de groupes et individuels… »
Un sujet fait néanmoins consensus entre les deux syndicats, se battre pour la régularisation d’étudiants sans-papiers. Quelques cas se présentent chaque été. Cette année, la régularisation d’une étudiante en géographie menacée dans son pays d’origine a été obtenue en urgence.
Chargement des commentaires…