Instagram. Difficile de ne pas avoir entendu parler de l’application de partage de photos et de vidéos lancée en 2010, et utilisée par près de 17 millions de personnes en France. Aussi appelés « influenceurs digitaux », ils sont en mesure de modifier, consciemment ou non, des comportements de consommation, d’inciter à l’achat ou à un changement de vie.
Cuisine, beauté, look, santé, écologie : à Strasbourg, ils sont quelques uns à être suivis par des milliers de personnes qui scrutent chaque jour leurs nouvelles publications. Selon leurs profils et leur investissement dans leur activité sur Instagram, leurs nombres d’abonnés varient de 6 000 à plus de 40 000 personnes. Ils font partie du cercle dit des « micro-influenceurs », qui comptent entre 10 000 et 100 000 abonnés (a contrario des « macro-influenceurs » avec plus de 100 000 suiveurs), appréciés pour leur authenticité affichée, leur proximité avec leurs abonnés et leur communauté très fidèle. Rue89 Strasbourg a dressé une liste – non exhaustive – des sept comptes Instagram made in Strasbourg à suivre en cette rentrée. Pour les débutants, un petit lexique en fin d’article (page 3) les attend.
« Les Cookines » : des recettes, du local et du bien manger
« À la base, la cuisine n’est pas ma passion ». Pourtant, Julia, alias « Les Cookines » est suivie par plus de 7 000 personnes qui apprécient ses recettes diététiques avec des aliments produits en circuit court. Le but : favoriser le local et les produits frais. Comme beaucoup d’autres instagrameurs, la jeune femme de 31 ans, professeur d’histoire-géographie, a démarré son aventure digitale via un blog. À la base, ses recettes étaient destinées à un cercle d’amis, mais en 2015 une amie la pousse à créer un profil Instagram, pour diffuser ses bonnes idées cuisine :
« À partir du moment où je me suis rendue compte que je pouvais avoir un impact sur les gens, je n’avais plus envie d’écrire des recettes classiques du style “ajoutez 300 g. de beurre”. J’ai voulu apporter quelque chose d’autre et je considère ma démarche comme militante et je parle aussi d’écologie, d’environnement. »
Julia est par ailleurs co-fondatrice de l’association StamTisch qui organise chaque année le Refugee Food Festival. La jeune femme espère atteindre les 10 000 abonnés : « avec ce nombre, on obtient des fonctionnalités supplémentaires comme insérer des liens dans les stories, le “swipe up” (voir encadré)”. Elle qui voulait être journaliste anime depuis la rentrée une chronique « bien manger » dans l’émission C Tendance, sur France Bleu Alsace.
Hélène La Vilaine : objectif perte de poids
Pourquoi « la Vilaine » ? « Contrairement à ce que les gens pensent, c’est en rapport avec mon caractère, plus qu’avec mon physique », pose d’emblée Hélène, 32 ans qui s’est réellement lancée sur Instagram il y a plus d’un an, après une longue hospitalisation. Atteinte d’un lymphoedème (une maladie qui fait gonfler certaines parties du corps suite à l’accumulation de liquide lymphatique, ndlr), la Strasbourgeoise cherchait des témoignages sur sa maladie :
« J’ai fais le choix de parler du lymphoedème parce-que c’est une maladie trop peu connue. Je pensais être un cas sur dix millions, mais il y en a beaucoup plus qu’on ne le croit. »
En janvier, après des épisodes compliqués dans sa vie personnelle, Hélène s’est lancée un challenge « perte de poids ». Le but : se servir des réseaux, elle est aussi sur YouTube, pour réussir à tenir le cap pour se dire à elle-même et à ses abonnés : « tu vas réussir ». C’est d’ailleurs grâce à Instagram qu’elle a pu trouver une diététicienne, basée à Montpellier, et avec laquelle elle échange via Whatsapp.
La jeune femme, qui avoue passer près de quatre heures par jour sur son téléphone, met un point d’honneur à répondre à tous les messages et entretient un lien intime avec ses abonnés : « beaucoup me disent grâce à toi je vais à la piscine ou d’autres choses encore… » Elle relativise : « Mais je ne suis pas médecin, ce n’est pas mon métier. Chaque personne est différente, chaque pathologie aussi. Je ne suis pas là pour donner des conseils. » Fin août, Hélène a organisé un pique-nique avec des abonnés de la région pour les rencontrer « en vrai », histoire de dépasser la simple relation numérique.
« My Sweet Cactus » : le compte d’une pro d’Instagram
Instagrameuse professionnelle, Léa-Marie, alias « My Sweet Cactus », est auto-entrepreneuse depuis février 2019. La jeune femme de 24 ans, élue Miss Prestige 2014 (concours de beauté créé en 2010 par Geneviève de Fontenay, ndlr) et ancienne chroniqueuse « tendances » sur Alsace 20, se qualifie elle-même de « couteau suisse » :
« Je fais tout de A à Z : l’écriture des posts, la photo, les retouches, le marketing… Ça peut prendre cinq heures, de l’idée de la photo à sa publication. »
Son compte créé en 2016, pour « ajouter de la douceur au quotidien », s’inscrit dans le créneau du « lifestyle ». Comprendre : mettre en valeur sa manière de penser, les produits qu’elle utilise et vendre les lieux où elle se rend. Ses partenariats sont divers : hôtels, maquillage, vêtements, voyages… Léa-Marie se décrit comme une « conseilleuse » qui s’adresse à ses plus de 43 000 abonnés comme elle le ferait à une bonne copine.
Avant de se lancer sur Instagram et monter son entreprise, la jeune femme savait où elle mettait les pieds. Titulaire d’un master de gestion d’entreprise à Science Po Strasbourg, elle a également validé sa dernière année de Master avec un double diplôme de l’EM Strasbourg en communication digitale, elle a rédigé un mémoire sur les « stories » Instagram (voir encadré).
« Je me suis rendue compte que c’était la personnalité des gens qui faisait toute la différence. Dans mon cas, c’est ma bonne humeur et ma positivité qui font que les gens m’apprécient. »
Quant au chiffre d’affaire de son entreprise, la blogueuse indique qu’elle s’assure un smic minimum chaque mois et que son activité peut être en dents de scie. Consciente que tout peut s’arrêter du jour au lendemain, la Strasbourgeoise sait qu’avec son double diplôme, elle devrait pouvoir rebondir et n’exclue pas, à l’avenir, de monter son entreprise en communication.
« The Dressing Box » : des idées looks au masculin
Le lifestyle n’est pas dédié qu’aux femmes. À Strasbourg, c’est Florian, 34 ans, qui est l’un des instagrameurs phares en la matière. Ancien commercial dans le prêt-à-porter, celui qui se décrit comme « hyper-actif » a profité d’une période de chômage, en 2015, pour démarrer un blog axé sur la mode masculine, puis s’est lancé dans la foulée sur Instagram :
« Le but était de partager mes trouvailles pour homme. Il y a quatre ans, il n’y avait quasiment pas de compte comme le mien, donc j’ai réussi à me placer rapidement. »
Le Strasbourgeois vit de son activité d’influenceur en tant qu’auto-entrepreneur. Il travaille avec trois agences basées à Paris, Lyon et Marseille, qui lui trouvent des contrats et des partenariats avec divers marques.
« Ces agences me conseillent surtout sur l’aspect promotion des produits ou des marques dont je parle. Mais si je ne suis pas d’accord avec la démarche, je refuse. Le but avec Instagram n’est pas de devenir un panneau publicitaire et de parler de choses qui ne me correspondent pas. »
Il confie gagner parfois moins que le Smic, parfois plus. « Généralement, il faut au moins 50 000 abonnés pour vivre tranquillement d’Instagram », ajoute le jeune homme, suivi par plus de 37 000 personnes, essentiellement basées à Strasbourg, Paris et Lyon.
Entre la recherche de partenariats, d’idées pour ses publications, les séances de photos, il passe près de sept heures par jour sur l’application. Chaque soir, Florian prend une heure pour répondre aux gens qui lui écrivent : « Des ados me demandent des conseils pour devenir instagrameurs. Certains veulent arrêter leurs études. Je leur réponds qu’Instagram n’est pas le reflet de la réalité , c’est passager, et qu’on n’a jamais la certitude que ça va marcher quand on se lance ». Le Strasbourgeois a d’ailleurs anticipé la possibilité que tout s’arrête subitement et réfléchit à lancer sa marque.
« Farahhness» : la dénicheuse de bons plans
À Strasbourg, Farah est dénicheuse de bons plans, suivie par plus de 28 000 personnes qu’elle appelle ses « candies », ses bonbons.
« Les bons plans, c’est dans mes gènes, ma mère est pareille ! Je les repère en traînant dans les magasins, grâce aux newsletters ou d’autres comptes, mais il y a aussi des personnes qui m’en envoient dès qu’elles en voient. »
La jeune femme de 36 ans anime une chronique bons plans tous les mercredi matins depuis trois ans sur la radio strasbourgeoise RBS.
Salariée d’une grande administration, la Strasbourgeoise originaire de Montreuil se définit comme une « partageuse » plutôt qu’une influenceuse. Sur le compte qu’elle a lancé en 2013 : des idées de looks, des conseils maquillages, des épisodes de sa vie de maman et de working girl. Mais pas que : Farah sensibilise aussi ses abonnés au don du sang et s’est aussi plusieurs fois exprimée sur des sujets de société comme le hijab de sport lancé par Décathlon en février :
« Partager des bons plans, c’est top, mais ça serait trop réducteur pour moi, j’ai besoin de donner du sens à ce que je fais. »
Elle se dit très sélective en terme de collaborations, qui ne sont pas rémunérées :
« Faire du partenariat pour le partenariat ne m’intéresse pas, même si c’est sympa de recevoir un produit gratuitement. »
Un peu militante, elle soutient des petites marques locales qui débutent : « Je n’attends rien en échange même si elles me le rendent bien, je ne vais pas mentir », ajoute Farah qui confesse qu’en plus de cinq ans de présence sur l’application, Instagram l’a aidé à prendre de l’assurance et confiance en elle.
« Bionic Body » : le compte instagram qui montre ses muscles
C’est après un shooting photo, il y a quelques années, qu’Edgard, 34 ans, a créé son compte (Rue89 Strasbourg vous en parlait en août). Un photographe l’avait sollicité pour qu’il prenne la pose sans cacher ses prothèses tibiales. Amputé des deux jambes à l’âge de 4 ans après un accident de voiture, l’athlète de haut niveau en bodybuilging voit alors les réactions positives affluer et lance « Bionic Body », un compte suivi par plus de 340 000 personnes.
Originaire de Guyane, le Strasbourgeois, champion d’Europe handisport en 2015 se décrit comme « juste un gars sur les réseaux », pas comme un influenceur. Son épouse, rencontrée sur internet, l’épaule au quotidien pour trouver des idées de publications ainsi que dans la rédaction des légendes photos. Sur son profil, les photos de famille et d’entraînements se succèdent.
Pour alimenter son compte, Edgard demande à des connaissances, qui elles-aussi viennent pousser de la fonte, de le prendre en photo ou en vidéo. En 2018, le sportif a quitté son poste de commercial et est passé professionnel, grâce à des sponsors qui le soutiennent dans ses préparations.
« KelDéchet », des défis pour consommer moins
Les défis, c’est la marque de fabrique de Celia (sans accent, elle le précise d’emblée sur son compte). Depuis 2015, l’étudiante en psychologie de 24 se lance des défis : un an sans fast-food, un an sans acheter de vêtements (pour se déconditionner d’acheter de la fast-fashion, entre autre).
En janvier 2018, elle lance son compte Instagram pour son nouveau défi : un an sans déchets. « C’est le défi qui bouscule le plus les habitudes », précise la Strasbourgeoise suivie par plus de 7 000 personnes. Végétarienne, écologiste, Celia profite de son exposition pour diffuser ses idées. « Libre aux personnes d’y adhérer ou pas. C’est ce côté non-culpabilisant qui fait que ça marche », estime la jeune femme qui, avec ses grimaces et des photos très peu retouchées, confie ne pas se prendre trop au sérieux.
Outre son défi d’un an sans déchets, Celia se lance chaque mois un nouveau défi. En août, elle a incité celles qui la suivent à passer un mois sans maquillage :
« J’ai reçu de nombreuses photos de filles au naturel, pour qu’on se soutienne toutes à une période généralement très complexante sur Instagram, entre photos de vacances et images super retouchées. »
Sa particularité : Celia sous-titre toutes ses stories, une demande de certains de ses abonnés malentendants. L’étudiante reçoit quasi-quotidiennement des propositions de partenariats, qu’elle refuse systématiquement :
« Pour moi, ça n’a aucun sens de prôner d’acheter moins et de gagner de l’argent sur ce que les gens achètent à cause de moi. »
Son compte lui a permis d’être « plus avenante, moins timide » : « Je me filme et je le publie alors que je ne suis même pas capable de faire un exposé devant un amphi en psycho », confesse-t-elle dans un sourire. « Mon truc c’est de montrer que je ne suis pas exceptionnelle ; que si moi j’ai osé le faire, tout le monde peut le faire ».
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