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Autour d’Uber et des VTC, un éco-système se met en place

Avec l’explosion des sociétés des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), système de transport rendu notamment célèbre par la société américaine Uber, un petit éco-système commence à se mettre en place à Strasbourg. Mais il demeure fragile

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Autour d’Uber et des VTC, un éco-système se met en place

Le transport rémunéré de personnes en voiture par un particulier est officiellement interdit (voir encadré), mais Uber ne renonce pas à ses ambitions. C’est désormais via son service de chauffeurs professionnels, UberX, que la société américaine compte accroître son activité en France. Lancée à Strasbourg en juillet 2015, UberX est disponible dans 9 grandes villes françaises. La majorité de l’activité se concentre en région parisienne (10 000 des 12 000 chauffeurs), mais à Strasbourg, une cinquantaine de chauffeurs utilisent l’application.

Contrairement aux taxis, les services de Véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) exigent une réservation. Autour de cette activité en croissance, un éco-système se met en place petit à petit. Parmi les secteurs concernés : la formation, la location, l’achat et même l’assurance. Désormais, 47 sociétés de VTC sont immatriculées dans le Bas-Rhin (pour 483 détenteurs de la carte professionnelle) et 90 dans la région Grand Est. Elles peuvent compter un seul conducteur ou plusieurs. D’après un chauffeur, une quinzaine ont été créées depuis le début de l’année 2016, soit autant qu’en 2015. La semaine du 11 avril, à une formation obligatoire sur la création d’entreprise à la Chambre de métiers d’Alsace, 5 des 18 participants montaient leur société de VTC.

Des écoles de formation

Conséquences de ce nouvel attrait pour la profession, il faut former ces chauffeurs et la loi évolue. Avant, il fallait juste attester de 250 heures de formation. Depuis le 1er avril, il faut aussi réussir un examen. À la rentrée, la formation devrait encore évoluer avec un « tronc commun » entre taxi et VTC.

Plusieurs sociétés ont alors implanté de nouveaux services à Strasbourg, où la demande est assez forte notamment dans l’Est en raison de la taille de la ville et de l’activité du Parlement européen. C’est le cas de la société messine Lorraine Sécurité Routière, qui forme des moniteurs d’auto-école, des chauffeurs de taxi et de VTC.

Le directeur Mario Cariolo explique son choix :

« Au début, beaucoup de chauffeurs venaient chez nous en Lorraine, mais il valait mieux qu’une personne se déplace à Strasbourg et nous avons ouvert une succursale. J’étais étonné qu’il n’y ait pas de société strasbourgeoise qui propose cela. Nous faisons aussi de la formation continue ou des équivalences. Ce que nous proposons est une formation longue (4 semaines). Depuis le 1er avril, il faut réussir un examen qui ne peut être passé que le premier mardi du mois et que nous sommes habilités à faire passer en présence d’un tiers, souvent un huissier. À la première session le mardi 5 avril, il y a eu 16 reçus pour 19 candidats. Cette nouvelle activité tombe bien pour nous car on avait une baisse d’activité sur la formation de moniteurs d’auto-école. »

Même décision à l’hiver pour Jean-Pierre Levet, chargé de formation à la société parisienne Bruseco :

« À Strasbourg, nous avons déjà des salles pour la formation avenue de Colmar, pas encore de services administratifs. Nous avons un formateur à Strasbourg et peut-être deux autres prochainement. Lors de l’examen d’avril, 10 de nos 11 élèves ont réussi. Pour nos clients, il y a l’indépendance du métier qui les attire, mais aussi des chauffeurs de taxis qui y voient un complément de revenu. L’activité strasbourgeoise représente 20% de notre chiffre d’affaire environ. »

Paris, vue depuis la banquette d'une voiture Uber (Photo Kirsten / FlickR / cc)
Paris, vue depuis la banquette d’une voiture Uber (Photo Kirsten / FlickR / cc)

Uber change d’attitude

Dans le cas de ces deux écoles de formations, les clients envoyés par Uber bénéficient d’une réduction. Le directeur du secteur Est (de Lyon à Lille) d’Uber France, Alexandre Droulers, explique le changement de stratégie :

« Quand Uber s’est lancé, il y a pu avoir cette image de cowboy américain qui ne respecte pas les lois. Maintenant, on veut montrer que ce n’est pas juste une application issue des États-Unis, mais que son activité a des répercussions dans les territoires et que l’on s’adapte au cas par cas. »

Pour les chauffeurs qui n’ont pas de voiture, Uber a aussi noué un partenariat avec les loueurs Europcar ou Drive for Me. Hors partenariat, Drive for Me, propose sur son site des tarifs autour de 1 000€ par mois pour une location sur 6 mois avec 5 000 kilomètres. Mais il est possible de louer chez d’autres entreprises, comme Djilali, chauffeur de Haguenau qui a établi une location de 3 ans avec un kilométrage annuel dans un garage de sa ville pour un tarif similaire. D’autres remises existent pour l’achat, sur 6 modèles étrangers. La gamme de véhicules autorisés sur UberX est plus large.

« Beaucoup de personnes de banlieue »

Autre retombée plus indirecte, celui du domaine des assurances. À Strasbourg, un partenariat est noué depuis décembre avec l’assureur généraliste Allianz. Pour l’agent général Olivier Pinon, cela a permis de signer « une dizaine » de contrats en trois mois :

« Je ne pensais pas qu’il y aurait un tel engouement. Parmi ces clients, il y a beaucoup de personnes issues de banlieue, qui n’avaient pas d’emploi et ont décidé de devenir chauffeur, du moins c’est l’impression que j’ai. Pour nous, ce sont les mêmes contrats que pour les taxis, avec des cotisations élevées, puisqu’en plus de l’assurance au tiers, il y a celle pour une utilisation fréquente du véhicule. »

D’après un sondage IFOP commandé par Uber, un quart des chauffeurs n’avaient pas d’emploi avant d’utiliser l’application. Parmi les prochains chantiers d’Uber à Strasbourg : nouer des partenariats avec des établissements et des entreprises.

Les taxis toujours mécontents, Taxi 13 lance son application

Dans ce contexte, les relations avec les taxis restent tendues. Le gouvernement propose que l’État rachète les licences qu’il avait délivrées gratuitement (il n’en délivre plus, ce qui a mis en place un système de revente de licences entre taxis – à Strasbourg, une licence peut valoir jusqu’à 170 000€), grâce à un fonds financé par une taxe sur l’ensemble des courses, VTC comme taxi. Si cela se fait, reste à savoir à quel prix les licences seront rachetées.

Malgré l’interdiction du service de chauffeurs amateurs UberPop en juillet, les enjeux restent les mêmes pour Haïm Attia, porte parole d’un syndicat de taxis :

« Nous n’avons pas de problème avec les chauffeurs de VTC en soi, il y en a qui travaillent en toute légalité sans qu’on se fasse concurrence. Mais ces plateformes permettent de faire de la maraude électronique ou d’autres se mettent sur des LOTI, c’est-à-dire du transport de groupes et font du transport individuel. Ces plateformes précarisent les chauffeurs, le tout sans payer d’impôts en France. Quant au rachat par l’État je n’y crois pas, c’est de la poudre aux yeux. »

De son côté, la centrale strasbourgeoise Taxi 13 (200 taxis) a réagi en lançant sa propre application. Comme Uber, elle permet de géolocaliser les taxis autour de soi et de savoir dans combien de temps il sera présent. Il est possible d’avoir une estimation du prix et de demander un véhicule qui accepte la carte bleue, ce qui étaient deux reproches fréquents des utilisateurs.

Des risques supportés par les autres

L’ingéniosité d’Uber réside dans le fait de faire reposer le risque économique sur ses partenaires. L’entreprise a trois employés et des bureaux à Strasbourg, mais ne paie pas la formation ou les véhicules des chauffeurs, qui sont en revanche libres de travailler pour n’importe quelle plateforme.

Depuis décembre, la société Le Cab est également présente à Strasbourg. Comme Uber, elle permet aux chauffeurs de travailler pour elle quand ils le souhaitent. Une différence est qu’elle propose des réservations 12h minimum à l’avance. Les tarifs sont similaires. Les chauffeurs de VTC peuvent aussi travailler directement pour des entreprises ou des institutions.

Uber (et son concurrent Lyft) n’ont jamais caché leur intention à long terme de mettre en circulation des voitures sans chauffeur sur leur réseau. Tels les cochers lors de l’arrivée de l’automobile, les chauffeurs de VTC pourraient alors avoir à se trouver un nouveau métier.


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