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Les écoles d’Eckbolsheim confrontées à un afflux d’enfants de migrants

Depuis la rentrée, les écoles d’Eckbolsheim à l’ouest de Strasbourg accueillent une cinquantaine d’enfants de migrants, vingt de plus qu’en juin. La mairie demande de l’aide pour les scolariser convenablement.

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Les écoles primaires et maternelles d’Eckbolsheim ont pris l’habitude d’accueillir des élèves de passage. L’aire d’accueil des gens du voyage situé sur cette commune à l’ouest de Strasbourg leur en envoie régulièrement depuis longtemps déjà. Et depuis quelques années, l’hôtel des Colonnes est utilisé pour loger des familles de migrants en demande d’asile. Leurs enfants sont aussi scolarisés à Eckbolsheim.

En juin, ils étaient une trentaine dans les écoles de la communes. Mais depuis la rentrée, ils sont une cinquantaine. Devant cette augmentation du nombre d’élèves dits « allophones », la mairie a décidé de tirer la sonnette d’alarme auprès de l’Etat pour que les moyens financiers suivent.

Des effectifs difficiles à anticiper

Le 21 septembre, le maire d’Eckbolsheim, André Lobstein (Les Républicains) a écrit au préfet pour lui demander des moyens pour accueillir les enfants correctement. Si de nouvelles inscriptions d’enfants allophones continuent de gonfler les effectifs cette année, la mairie craint de ne plus être en mesure de les accueillir. Les écoles tournent déjà avec une moyenne de 30 enfants par classe, en primaire comme en maternelle.

En cours d’année scolaire, elles prévoient déjà d’accueillir une douzaine de nouveaux élèves venus des nouveaux logements qui vont bientôt être habitables sur la commune. Faudra-t-il prévoir d’ouvrir de nouvelles classes à la rentrée 2018 ? Pas facile à anticiper : les enfants de familles de demandeurs d’asile, installées provisoirement à l’hôtel des Colonnes en attendant que leur situation évolue, peuvent rester quelques jours comme un an et demi.

Adaptation plus facile en maternelle

En pratique, les choses ne se passent pas si mal à l’heure actuelle, à en croire les directeurs d’établissements. À l’école maternelle du Bauernhof, une douzaine de petits accueillis est prise en charge sans moyen supplémentaire. À cet âge, l’apprentissage du français se fait vite et les enfants s’adaptent. Des tutorats entre enfants sont mis en place pour les accompagner dans les tâches quotidiennes. Les professeurs ont l’appui des formatrices et des ressources du Casnav, le centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des élèves issus de familles itinérantes et de voyageurs, pour développer des activités adaptées.

Les problèmes de langue se posent surtout avec les parents. Mais ils sont la plupart du temps accompagnés de traducteurs volontaires ou de famille pour les démarches administratives. Le Casnav fournit aux enseignants des documents bilingues pour leur expliquer le fonctionnement de l’école dans leurs langues. Pas toujours facile au début de confier son bambin de trois ans quand l’école n’est pas l’usage à cet âge dans le pays d’origine. Les déchirements affectifs sont plus courants pour ces parents que d’ordinaire, les enfants sont perdus les premiers jours. « Mais cela reste des difficultés que nous avons l’habitude d’accompagner en maternelle », relativise Marie-Isabelle Cachot, directrice de l’école maternelle du Bauernhof et adjointe en charge de la petite enfance à la mairie.

Deux heures d’accompagnement dédié par semaine en primaire

En primaire, les enjeux sont plus sensibles. L’objectif est que l’enfant qui arrive s’insère dans le système scolaire et soit capable de suivre le programme au bout d’un an. Pour l’heure, l’école élémentaire scolarise la trentaine d’élèves allophones arrivés en fin d’année dernière ou lors de cette rentrée avec le reste de leurs camarades. Depuis septembre, une enseignante dédiée les prend en trois groupes de niveau, deux heures chacun par semaine, pour leur apprendre le français. Le reste du temps, à eux et aux professeurs de se débrouiller grâce aux ressources du Casnav.

L’enseignante dédiée fait partie du dispositif UPE2A, unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants. En septembre, le Rectorat a créé quatre nouveaux postes d’UPE2A dans des écoles élémentaires de l’agglomération de Strasbourg dont celui de l’enseignante d’Eckbolsheim. Elle est une enseignante itinérante, qui se partage entre Eckbolsheim et Lingolsheim. En tout, 18 enseignants UPE2A officient actuellement dans le Bas-Rhin, et en majorité dans l’agglomération de Strasbourg, pour suivre environ 380 enfants de primaire. En collèges et lycées, 17 autres s’occupent de près de 480 élèves.

L’école du Bauernhof à Eckbolsheim (Photo Google Street View)

Vers une classe spécifique ?

La plupart du temps les enseignants UPE2A ont des classes entières d’élèves allophones qu’ils envoient progressivement suivre des enseignement classiques. Mais Eckbolsheim n’en est pas encore là. Pour le moment, les enfants sont mélangés avec les élèves français et retirés quelques heures pour un suivi plus adapté. C’est déjà une victoire. L’an passé, l’école élémentaire d’Eckbolsheim n’avait à sa disposition qu’un enseignant remplaçant affecté à cet accompagnement une matinée par semaine.

Au printemps, le Rectorat va évaluer les besoins pour la rentrée prochaine, explique Thierry Dickelé, directeur académique adjoint et responsable du Casnav :

« Quand on va préparer la rentrée prochaine, on va évaluer s’il faudra de nouveaux dispositifs UPE2A. On peut alors faire évoluer des postes d’enseignant itinérant en classes fixes. Nous préférons toujours déplacer les enseignants plutôt que les élèves. »

En classes bilingues allemand… pour apprendre le français

En attendant, pour ne pas surcharger encore plus les classes, les écoles d’Eckbolsheim ont trouvé une variable d’ajustement. Une partie des enfants arrivés ont vécu auparavant en Allemagne et maîtrisent donc la langue. Ceux-là vont en classes bilingues français-allemand, tout simplement. Une solution un peu contradictoire, conviennent certains enseignants, puisque le but est qu’ils apprennent le plus vite possible le français.

Marie-Isabelle Cachot justifie ce choix pragmatique :

« Si on devait tous les mettre en classes monolingues, on aurait des classes monolingues de 40 élèves et des classes bilingues à 27. Ce serait déséquilibré. On les met avant tout là où il y a de la place. »

Inquiétude des parents d’élèves

L’augmentation du nombre de camarades allophones, qui ont besoin de plus d’attention des enseignants, inquiète certains parents d’élèves, reconnaît Christian Grandgirard, le directeur de l’école élémentaire :

« Certains craignent que cela ralentisse la progression de leurs enfants et qu’on ait du mal à gérer l’hétérogénéité de niveau entre les enfants. Mais je crois vraiment qu’en primaire l’enseignement est très cyclique, il se passe par la répétition tout au long du cycle. Donc chacun peut acquérir les choses à des rythmes différents. »

Ni cantine ni périscolaire pour ces enfants

Pour l’enseignant les rapports avec les parents migrants sont humainement très forts :

« On vit des rencontres très très fortes avec ces familles, qui sont dans un besoin de stabilité incroyable. L’inscription de leurs enfants à l’école est toujours une étape capitale pour elles. »

Au-delà de la scolarité, la mairie d’Eckbolsheim ne peut pas aujourd’hui répondre à toutes les demandes de ces familles. Il n’y a plus de place pour inscrire ces enfants en périscolaire par exemple, alors qu’il existe déjà une liste d’attente pour les habitants d’Eckbolsheim. Même difficulté pour la cantine, qui ne peut déjà pas satisfaire toutes les demandes. Un service qui soulagerait pourtant beaucoup ces enfants de migrants, souvent abonnés au pain fromage car leur parents ne peuvent pas cuisiner à l’hôtel.


#Eckbolsheim

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