Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Du Théâtre Jeune Public au TJP : regards croisés sur 40 ans d’histoire

VIDÉO. – Année de fête pour le TJP, 2014 signe 40 ans d’histoire célébrée par Renaud Herbin, son nouveau directeur en complicité avec André Pomarat, le fondateur d’une structure ouverte à son public et à toutes les pratiques. Interview croisée, projets croisés.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Renaud Herbin, directeur du TJP CDN d’Alsace-Strasbourg depuis 2012 et André Pomarat, fondateur du TJP et directeur jusqu’en 1997 (Capture d’écran)

Nous sommes en 1972. André Pomarat est alors comédien permanent du Théâtre National de Strasbourg. Avec ses camarades de jeux, il a une intuition.

« À cette époque, à Strasbourg, il n’y avait pas de théâtres de recherche. Ailleurs en France, on voyait renaître les contes, on croisait des marionnettes, mais ici, il n’y avait rien de tout ça. Il nous fallait un lieu pour offrir à la ville ce genre de spectacles. »

Ils fondent alors l’association Arts et Loisirs qui se veut défendre de nouvelles formes de spectacles vivants. Lorsque la ville rachète le Temple protestant Saint-Martin, elle pense à André Pomarat, comédien largement reconnu pour son travail avec le Théâtre National de Strasbourg. Une confiance qui va se matérialiser en la nomination du comédien à la tête de ce nouveau lieu : la Maison des Arts et des Loisirs, créé en 1974, et d’une équipe, laquelle se remet en question chaque année pour offrir des spectacles  » à la lisière du théâtre « .

Renaud Herbin à André Pomarat : « je suis un de tes héritiers »

Poésie, mime, conte et arts du cirque se croisent dans la programmation de la Maison des Arts et des Loisirs (elle devient Théâtre Jeune Public en 92) qui sort régulièrement de ses murs pour venir à la rencontre du public strasbourgeois, notamment avec la création du festival Les Giboulées de la marionnette.

Ces préoccupations communes à Grégoire Callies, le successeur d’André Pomarat, se retrouvent par ailleurs dans les réflexions de Renaud Herbin, marionnettiste – c’est une condition sine qua none pour se voir nommé directeur du TJP –, et ce dès son arrivée en 2012.

Trois mots se retrouvent au cœur d’un nouveau langage inventé par le TJP : Corps, objet, image et viennent réunir toutes les émulations scéniques passées et à venir autour de la relation qui lie un comédien à ce qu’il tient entre ses mains, aux mouvements et aux arts visuels. Un spectacle n’utilise plus nécessairement qu’un seul medium mais peut receler de plusieurs identités artistiques, une pluridisciplinarité à laquelle le TJP a donc toujours été attaché.

Du « jeune public » aux spectacles pour tous

Dès 1974, André Pomarat a pour ambition d’ouvrir les portes du théâtre à tous les publics et notamment au jeune public. Alors qu’à l’époque, les moyens de création et de diffusion sont réduits pour les compagnies menant des expériences en ce sens, le futur Théâtre Jeune Public offre une place de choix aux spectacles s’adressant aux enfants, mais aussi aux adultes. Il explique :

« Je me souviens que lorsqu’on mettait des enfants dans un théâtre, le public craignait que leurs effusions ne troublent le bon déroulement d’une pièce. Mais j’ai tout de suite senti que les enfants avaient leur place dans un théâtre : leurs réflexions, leurs avis peuvent donner lieu à des discussions avec leurs professeurs ou leurs parents. C’est exactement le propos de la culture : débattre, échanger. »

Ce positionnement va encourager l’État à attribuer le label Centre Dramatique National (CDN) pour la jeunesse en 1990, attribution qui permet de stabiliser la structure (le label donne lieu à des subventions versées conjointement par l’État et les collectivités territoriales) et d’envisager sa pérennisation.

Le théâtre, langage universel, que Renaud Herbin continue de véhiculer en proposant des spectacles pouvant être vus et compris par la jeune génération comme par les initiés. En choisissant de perdre la signification des lettres TJP (Théâtre Jeune Public) pour l’appellation TJP – Centre Dramatique National d’Alsace-Strasbourg en 2012, il secoue le public d’habitués mais réaffirme son intention de proposer une programmation ouverte à tous les âges et en filigrane, d’insister sur l’implication de la structure en matière de création et de diffusion.

Les publics sont d’autant plus amenés à circuler entre les structures de la Ville avec la co-production de spectacles en 2014, notamment avec la présentation Showroomdummies #3 de Gisèle Vienne et Étienne Bideau-Rey par le Maillon-Wacken et le TJP ou Dragging the Bone en complicité avec Pôle Sud.

Un laboratoire pour les artistes

C’est l’une des premières volontés d’André Pomarat, qui, en montant l’association Arts et Loisirs souhaite accorder une plus grande liberté de création aux artistes qu’il invitera sur sa scène.

Un mot d’ordre : expérimentation, pourvu qu’elle mène à une plus grande ouverture du théâtre et au croisement des disciplines. Lorsque la Maison des Arts et des Loisirs affichera le label Centre Dramatique National dès 1990, cette volonté sera d’autant plus affichée par un cahier des charges clair qui débute par cette phrase :

« Les CDN constituent un réseau important en matière de reconnaissance du travail artistique d’un artiste. »

Les missions du TJP découlent donc directement de ce cahier des charges où l’on retrouve l’importance de la responsabilité artistique par la production, la présence artistique dans la ville, la diffusion des œuvres et les répertoires.

Avec l’arrivée de Renaud Herbin, ces tâches sont plus largement explorées mais aussi plus clairement affichées et ouvertes au public qui peut, par les Chantiers COI et les trois week-ends TJP (sorte de fabrique de théâtre) de la saison découvrir l’envers du décor de la création d’un spectacle et échanger avec les artistes.

L’idée est aussi d’accueillir des pièces en répétition et en création et de régulièrement encourager les échanges entre artistes. En 2014, le répertoire du TJP, comptant six spectacles, a été augmenté de deux créations : Profils de Renaud Herbin et Christophe Le Blay et Lombric de Marie-Pan Nappey et Joseph Kieffer.

André Pomarat et Renaud Herbin affirment travailler dans la même mouvance. Un héritage, une histoire, 40 années, un anniversaire dont on retrouve les traces entre les murs du TJP qui a cette année entamé une vaste collecte d’archives qu’il ressort à l’envi pour ses spectateurs. Le théâtre est aussi une histoire de mémoires.

Vidéo : Goodman & You

Y aller

Tous les spectacles prévus au TJP – Petite scène, 1, rue du Pont Saint-Martin à Strasbourg

Tous les spectacles prévus au TJP – Grande scène, 7, rue des Balayeurs à Strasbourg

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : tous les articles sur le TJP


#André Pomarat

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile