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Du théâtre dans un bidonville slovaque, une panne et 9000 km

Après une panne mécanique et un long séjour à Lviv, le Bulli est reparti vers Drohobytch avant de gagner la Slovaquie. Déjà 9000 km au compteur ! Après avoir travaillé sur la mémoire de Bruno Schulz, artiste juif polonais d’Ukraine, les reporters strasbourgeois sont allés à la rencontre les comédiens du « Théâtre du bidonville » près de Kosice.

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Le Bulli n’avait pas les proportions requises pour pénétrer dans l’atelier…dégonflages des pneus et « pèse-personnes » pour le faire descendre de quelques centimètres. (Photo Bulli Tour)

Découvrez ci-dessous les coulisses du Bulli Tour Europa, pour cette 13ème semaine sur les routes.

Nos reportages journalistiques se trouvent sur notre site.

1+1+1+1+1= 5 mécanos

La chronique du Bulli Tour Europa de cette semaine aurait pu porter sur les clés à molettes de tel garagiste ou sur le cambouis de celui-ci, meilleur que celui-là. Le Bulli est en effet passé par les mains de pas moins de cinq garagistes différents… avant de pouvoir repartir.

Une sombre histoire de boulons en somme. (Photo Bulli Tour)

Cela aura été l’occasion de réaliser plusieurs reportages sur le passé juif de Lviv et le timide renouveau actuel, à découvrir sur notre site mi août.

La concurrence des mémoires

Après une étape prolongée à Lviv, le Bulli est parti plus à l’ouest, vers la frontière ukraino-slovaque. La ville de Drohobytch a une histoire similaire à celle de Lviv. Tout d’abord cité de l’empire austro-hongrois, elle est ensuite devenue polonaise (entre 1918 et 1939) avant d’être rattachée à l’URSS. La ville a ensuite été occupée par les nazis en 1941. Elle retrouva le giron soviétique pour quelques décennies, au sein de la République socialiste soviétique d’Ukraine jusqu’en 1991.

Avant la Shoah, 17 000 Juifs vivaient à Drohobytch. 4 000 auraient survécu. Avec les années de communisme, les synagogues s’abimèrent. (Photo Bulli Tour)

C’est ici qu’est né l’auteur Bruno Schulz. Comme tous les juifs de Drohobytch, il fut enfermé dans le ghetto de la ville par les nazis. Bruno Schulz était enseignant de littérature, auteur, traducteur (les Polonais lui doivent les premières traductions des oeuvres de Franz Kafka) et artiste. Le chef de la Gestapo de Drohobytch lui commanda des fresques pour la chambre de ses enfants. Schulz s’exécuta, il réalisa des peintures murales sur le thème des contes de Grimm. L’Histoire les oublia. Quant à Schulz, il fut abattu lors du « Jeudi noir » (19 novembre 1942), où les nazis avaient l’autorisation de tuer tous les juifs qu’ils croisaient, en représailles à une tentative d’évasion. 265 personnes furent assassinées ce jour-là.

La ville ne compte plus que 150 Juifs. L’ancienne synagogue est en cours de réaffectation grâce à un mécène privé. Les travaux ont démarré début 2014. (Photo Bulli Tour)

Il ne reste aujourd’hui que peu de traces de cet héritage multiculturel à Drohobytch… En 2001, les peintures murales redécouvertes par hasard sont vendues par le maire de la ville au mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem. Une décision qui provoque la colère de Leonid Goldberg, passionné d’histoire. Le maire avait en fait agi seul, sans concertation aucune. Juteux marché, cette transaction lui rapporte un million de dollars ! Quelques temps auparavant,un mécène avait pourtant bien proposé 300 000 dollars pour conserver sur place les fresques… Les fresques sont aujourd’hui visibles en Israël seulement. Vous ne verrez que des copies en Ukraine, exposées dans un musée de la ville.

Le cimetière juif est à l’abandon à Drohobytch. C’est ici que Schulz aurait été enterré, dans une fosse commune. Visite guidée avec l’un des rares gardiens de cette mémoire enfouie : le journaliste Léonid Goldberg. (Photo Bulli Tour)

Leonid Goldberg, tente de faire vivre la mémoire de cet artiste juif, ukrainien et polonais…. dans l’indifférence presque générale.

« Chacun s’arrache la parenté de Schulz. Enfin, surtout Israël et la Pologne. Les Ukrainiens ne s’y intéressent pas et ne comprennent pas que c’est notre héritage multiculturel national dont il est question. Une poignée d’entre nous organise chaque année le « Festival de Schulz« , pour permettre à ces œuvres d’être connues. Mais il y a un héritage lourd du communisme : les Ukrainiens ne s’intéressent pas du tout à la mémoire juive car ils estiment que ce n’est pas leur histoire… c’est pourtant bien une part de la mémoire collective ukrainienne que j’essaie de sauvegarder.

Leonid Goldberg est un des rares passionnés de Drohobytch à s’engager pour faire connaître la mémoire de Schulz. (Photo Bulli Tour)

Découvrez le témoignage de Leonid Goldberg mercredi 13 août via notre site.

Le Bulli quitte définitivement l’Ukraine, après plus de trois semaines de reportages entre Odessa, Kiev et Lviv. Il gagne l’Europe en arrivant en Slovaquie.

Le théâtre du bidonville

Moldava nad Bodvou est une petite ville slovaque de 11 000 habitants. Quelque 2 000 Roms y sont recensés, soit 20% de la population. Mais seule la moitié d’entre eux habite vraiment la ville. Les autres sont concentrés dans un bidonville à deux kilomètres de là.

Le bidonville existe depuis plus de 20 ans. Les travaux d’aménagement font cruellement défaut. (Photo Bulli Tour)

Il faut quitter la grande route goudronnée et passer par un chemin de terre pour s’y rendre. Sur place, deux vieux immeubles fatigués, sans fenêtres ni portes. Les canalisations des eaux usagées sont bouchées ou ont explosé il y a longtemps. On enjambe les flaques. La situation sanitaire y est dramatique.

Plus d’un tiers des Roms vivant dans le bidonville sont de jeunes enfants. (Photo Bulli Tour)

Adam Ganik est un jeune réalisateur américain. Il a découvert le bidonville lors d’une mission de bénévolat en 2009.

« Je suis venu il y a cinq ans ici pour construire des baraques. Je suis plutôt attristé de voir que rien, depuis, n’a changé. Ici, 70% d’entre eux voudraient travailler. En ville, 90% des gens pensent qu’aucun ne veut gagner de l’argent. Il y a un profond malentendu. La misère dans laquelle ils vivent est malheureusement cyclique. Sans aide extérieure, ils ne peuvent pas s’en sortir. »

Pas beaucoup d’activités pour les enfants… Une ONG (ETP Slovakia) leur propose des ateliers artistiques. (Photo Bulli Tour)

C’est ici qu’Irma Horvathova a crée le « Théâtre du bidonville » en 2010. Ils sont dix comédiens autour de cette mère de famille de 41 ans — la plupart sont des membres de sa famille — et rejouent leur quotidien à travers des pièces documentaires racontant tantôt la vie quotidienne dans le bidonville, tantôt les discriminations envers les Roms. Chacun participe à l’écriture des dialogues et des chansons. Irma témoigne :

« Ce n’est pas facile de raconter nos réalités. Notre dernière pièce parle de la mort d’un de nos jeunes ici qui snifait de la colle. Sa disparition a fait prendre conscience aux autres qu’il fallait arrêter ça. Ici on fume parce que ça coupe la faim. Comme on n’a pas grand chose, pas de travail, pas de quoi bien manger, on sniffe… et on oublie qu’on a le ventre qui gargouille. Mais avec le théâtre je veux qu’on raconte tout cela, que nos jeunes découvrent qu’il y a d’autres chemins pour s’en sortir. »

Irma est tombée amoureuse de la littérature quand elle était à l’école. Elle a réussi à transmettre cet amour à sa fille qui participe elle aussi à l’aventure du « Slumdog Theatre ». (Photo Bulli Tour)

La plupart du temps, leurs pièces sont jouées dans la baraque du bidonville appelée « centre culturel ». Mais parfois aussi, elles sont données à l’extérieur, dans des festivals slovaques. Une seule fois ils sont partis jouer… à Bratislava puis à Bruxelles.

Le « centre culturel » est le seul lieu calme où répéter. L’été, quand les fenêtres sont ouvertes, les enfants assistent aux répétitions. (Photo Bulli Tour)

Lenka Orsagova travaille pour l’ONG ETP qui travaille auprès des Roms du bidonville.

« C’était une super expérience pour eux d’aller jouer ailleurs, surtout à Bruxelles. Mais ils ont été choqués car ils n’étaient, pour la plupart, jamais sorti de Moldava nad Bodvou. Ils rient encore de leur indigestion suite à un repas de fruits de mer qu’on leur avait servi en Belgique. Avec ce voyage, ils ont vu le monde et ont pu montrer le leur. »

Lenka travaille à ETP Slovakia depuis seulement quelques mois. L’ONG est investie dans plusieurs bidonvilles des environs. (Photo Bulli Tour)

Notre reportage sur le Slumdog Theater sera visible sur le site du Bulli Tour Europa à la fin du mois d’août.

Le Bulli quitte la Slovaquie pour gagner la Hongrie et Budapest.


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