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Interdictions de manifester : « La préfecture connait parfaitement le droit, elle joue avec les mots »

Membre du Syndicat des avocats de France et de l’Observatoire strasbourgeois des libertés publiques, Florence Dole rappelle quelques principes fondamentaux s’appliquant aux manifestations dans l’espace public.

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Mise en scène militaire. Sur Twitter, le compte de la préfecture du Grand Est et du Bas-Rhin est alimenté de clichés de Josiane Chevalier, passant en revue pompiers, policiers, CRS ou gendarmes. La préfète paraît prête pour partir en guerre. L’opération de communication vise à étaler l’étendue du dispositif de sécurité mis en place pour encadrer la mobilisation contre la réforme des retraites. Depuis l’usage de l’article 49-3 de la Constitution vendredi 17 mars, des manifestations spontanées se répètent fréquemment à Strasbourg.

Florence Dole, avocate et membre du Syndicat des avocats de France. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc

Engagée auprès de l’Observatoire strasbourgeois des libertés publiques, l’avocate Florence Dole nous précise quelques points de droit à propos des manifestations.

Une manifestation doit-elle être acceptée par la préfecture, pour être légale ?

Non, il n’y a pas d’autorisation à avoir, puisqu’il s’agit d’une liberté fondamentale : la liberté d’expression collective des opinions. La manifestation est seulement soumise à un régime déclaratif, les organisateurs doivent prévenir la préfecture trois jours avant. En de rares exceptions, la préfecture peut établir un arrêté interdisant la manifestation déclarée, motivé par quelque chose de grave, comme le risque sanitaire pendant la période du Covid par exemple.

Participer n’est pas une infraction

Est-ce illégal de participer à une manifestation spontanée, qui n’a pas été déclarée au préalable ?

Le fait de participer à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction, on ne s’expose à aucun risque juridique. Pour être arrêté, il faut qu’il y ait le constat d’une infraction. Même en manifestation spontanée, les manifestants ne font que l’usage de leur liberté fondamentale de s’exprimer.

Depuis la loi anti casseurs d’avril 2019, les forces de l’ordre peuvent procéder a des contrôles d’identité et à des fouilles préventives sur les personnes, aux abords de la manifestation. Ils peuvent aussi confisquer ce qu’ils estiment dangereux en manifestation.

Est-ce que l’on risque quelque chose, si on est en possession de sérums physiologiques ou de lunettes de protection par exemple ?

Le Conseil d’État s’est prononcé sur le fait qu’avoir sur soi des objets de protection, comme le sérum physiologique n’était pas constitutif d’une infraction. Pour le masque, il peut contrevenir à l’interdiction de dissimuler son visage. En revanche, si des objets estimés dangereux par les forces de l’ordre sont trouvés, alors leurs possesseurs peuvent être arrêté pour port d’arme illégal.

L’attroupement change le régime

Dans un communiqué, la préfecture explique pourtant que les participants « s’exposent à des risques ». Des risques juridiques ?

La préfecture connait parfaitement le droit, elle joue avec les mots. Malheureusement, beaucoup de manifestants connaissent mal le droit entourant les mobilisations.

Légalement, comment s’opère le passage d’une manifestation vers l’attroupement ?

C’est très normé, tout cela est défini par le code de sécurité intérieur. Si la personne désignée comme responsable du maintien de l’ordre (un policier) constate que la manifestation n’est plus pacifique, qu’il y a des troubles à l’ordre public, à ce moment là, il communique ses observations à la préfecture, puis déclare qu’il s’agit d’un attroupement. Les forces de l’ordre doivent alors effectuer deux sommations au haut-parleur pour ordonner la dispersion. Si l’attroupement est toujours constitué, elles peuvent alors procéder à une dispersion par la force.


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