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Des dizaines de nettoyeurs bénévoles dans les rues de Strasbourg, motivés par les Cleanwalks

Ils étaient une trentaine à s’être donné rendez-vous à la quatrième « Cleanwalk » de l’été ce mercredi 19 août. Le principe : consacrer une heure en début de soirée au ramassage des déchets abandonnés sur la voie publique. Reportage.

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L’ombre des platanes de la place du Marché-aux-Poissons en centre-ville, déserte en ce milieu d’été, réunit une petite trentaine de personnes. Équipés de gants, de balayettes, de seaux ou de sacs poubelle, ces hommes et femmes de diverses générations se retrouvent peu avant 19h ce mercredi 19 août dans le but de nettoyer un bout de ville. Direction les berges de l’Ill, en face du quai des Bateliers, jusqu’au pont Saint-Guillaume. C’est la quatrième fois cet été que Marie Furlan, une Strasbourgeoise de 27 ans, leur a lancé l’invitation.

Du centre-ville aux berges

À son arrivée, Marie, communicante pour un cabinet d’architecture, salue les participants. Elle retrouve des fidèles de la première heure et surtout des nouvelles têtes. Certains viennent après leur travail, d’autres sont en vacances. Après un rapide point sur le parcours de ce soir, les participants débutent leur procession après quelques minutes. Ils se dirigent en ordre dispersé sur la place du Marché-aux-Poissons, puis la terrasse Rohan.

Stéphane et Florian, regards tournés au sol, passent au crible les dalles en discutant. Ils ne se connaissaient pas avant cette marche, mais les deux jeunes adultes ont vite sympathisé. À la recherche d’un emploi dans l’économie circulaire à Strasbourg, Florian participe aussi à l’initiative « un jour un déchet » :

« Je ne connaissais personne à Strasbourg, j’ai découvert cette marche sur les réseaux sociaux. L’environnement est un sujet auquel je suis sensible. J’ai obtenu une licence dans ce domaine à Tours et je cherche un travail dans la valorisation des déchets. Avant ça, un service civique dans le développement durable m’avait permis de sensibiliser les plus jeunes. »

Florian à gauche et Stéphane à droite

Plus âgé, Stéphane quant à lui est familier du concept. La semaine précédente, il était présent à la cleanwalk de Berlin pour ramasser « capsules de bière et mégots » au bord de la Spree. En étant vu entrain de ramasser, il espère que « les gens qui jettent leurs déchets par terre, changent de paradigme ».

Simon, 5 ans est lui aussi venu apporter sa contribution. Les mains gantées, tenant un petit sac en plastique blanc, il travaille en équipe avec sa mère Madeleine:

« C’est Simon qui a voulu venir. On habite à Vendenheim (à 15km au Nord de Strasbourg, ndlr) près d’un centre commercial où les gens jettent leurs déchets par la fenêtre de leurs voitures. Il y a des masques partout c’est affolant. C’était important de venir pour Simon et c’est aussi une sorte de chasse au trésor pour lui. »

Simon, 5 ans, montre l’exemple

Après 10 minutes, la troupe investit le bord de l’Ill, leur véritable chantier. Accroupis, les participants fouillent les pelouses, passent la balayette sous les bancs et autour des riverains installés le long de l’eau.

Pour Marie Furlan, la collecte du jour n’est pas surprenante :

« On trouve principalement des mégots, des canettes de bière, des emballages en plastique, des bouteilles en verre que les gens abandonnent sur place. Le plus compliqué c’est de ramasser sur les pavés où des déchets restent coincés dans les reliefs. Pour ça, j’utilise une fourchette ».

Marie Furlan, organisatrice de la cleanwalk

Gants de cuisine roses, ou en latex blanc, pelle-balayette vert pomme, les nettoyeurs ne laissent pas indifférent. Deux amies, qui étaient venues se détendre sur les quais ont rejoint la procession.

« Ça m’a énervée, j’ai posté des story »

L’organisatrice Marie Furlan n’en est pas à son premier engagement. Elle est membre de l’association Zéro Déchet Strasbourg et tient un le blog Matcha de pâtisseries vegan.

Un déclic supplémentaire est intervenu après le confinement :

« J’habite près d’Aristide Briand dans le Neudorf. Le long des voies d’eau, il y a plein de déchets. Ça m’a énervée, j’ai posté des story (des images éphémères ndlr) sur les réseaux sociaux et des gens m’ont répondu en me disant: pourquoi tu fais pas une séance de ramassage ? »

Après quatre expéditions, sur la place d’Austerlitz ou au parc du Heyritz, Marie Furlan se réjouit d’une forme d’engouement. « À la première marche, fin juillet, on était 5 ou 6, ce soir on est presque 30, c’est énorme, on est visible ». Plus de 300 personnes suivent le compte Instagram et sur le groupe Facebook. L’objectif n’est pas tant de ramasser des tonnes de déchets, mais aussi de sensibiliser le public.

Dès 2008, des initiatives spontanées de ramassage ont vu le jour en Estonie, une pratique qui a pris de l’ampleur avec la « Génération Climat ». En 2019, la « World Cleanup Day », avait réunit 20 millions de « cleaners » répartis dans 180 pays. La prochaine est prévue le 19 septembre. Sans utiliser ce nom, une association comme Alsace Nature a par exemple organisé plusieurs nettoyages des berges à Strasbourg.


Marie Furlan espère inscrire l’initiative dans la durée

Avec sa pelle-balayette vert pomme, Alain assure pouvoir « ramasser jusqu’à 5000 mégots en 1 heure ». Ce Strasbourgeois revient d’un an entre deux continents :

« J’ai fait une crise de la trentaine puis j’ai passé un an à voyager et faire des cleanwalks dans toute l’Europe et l’Amérique du Nord. Le constat est partout le même, les rues sont sales. À mon échelle, je tente de proposer une alternative, comme ces cendriers de poche pour que les fumeurs ne jettent plus leurs mégots par terre. »

S’inscrire dans la durée

Les bénévoles affichent de larges sourires en remontant sur le Pont Saint-Guillaume. Tour à tour, ils amassent leurs sacs remplis de déchets puis toisent leur prise: un gros sac 10 kilos estiment-ils après avoir tout rassemblé. Faute de benne adaptée, le verre est retiré et le reste jeté dans la poubelle la plus proche.

À ce sujet, Marie Furlan a pris attache avec la nouvelle municipalité écologiste :

« Il faut plus de poubelles de tri et des conteneurs à verre dans l’espace public. On m’a répondu que ce n’était pas possible pour des événements ponctuels comme le notre. Mais ce n’est pas que ponctuel, c’est un problème quotidien. Dans certaines zones de Strasbourg, il y a 5 poubelles, puis plus rien sur 200 mètres. La nouvelle mairie a le temps de trouver des solutions, je les tague parfois dans mes story pour le leur rappeler. »

La cloche de la paroisse Saint-Guillaume retentit, il est 20h30 et la luminosité faiblit. « C’est du sport mine de rien », plaisante Stéphane. Les participants vont parfois boire un verre pour conclure la journée. Ils souhaitent continuer à donner un peu de leur temps tout au long de l’année, « même s’il sera sans doute compliqué de rassembler autant de monde en hiver », anticipe Marie.

Forte de ce succès, Marie a déjà planifié la cinquième cleanwalk. Mardi 25 août, c’est la place de la Gare qui sera passée au peigne-fin.

A l’issu du ramassage, les participants s’applaudissent et projettent la prochaine session

#Ill

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