Alors que le personnel des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) se mobilise pour dénoncer « la mort annoncée de l’hôpital public« , le directeur général, Michaël Galy essaie d’envoyer le signal contraire : la situation des HUS est serrée, mais selon lui, avec les aides de l’État, un recentrage interne, quelques mesures d’économies et la rénovation complète de l’hôpital de Hautepierre, les finances devraient reprendre une trajectoire positive. Michaël Galy a détaillé cette stratégie vendredi matin lors d’une interview accordée à la presse locale.
Rue89 Strasbourg : La visite du Premier ministre au Nouvel hôpital civil vendredi dernier a-t-elle apporté de bonnes nouvelles pour les Hôpitaux de Strasbourg ou est-ce que Jean Castex a simplement confirmé des arbitrages qui avaient déjà été rendus ?
Michaël Galy : En deux ans, les Hôpitaux de Strasbourg ont déjà activé trois fois en plan blanc, en réponse à la crise du Covid-19. Donc la visite du Premier ministre est d’abord une reconnaissance de l’engagement du personnel des HUS et de la place que l’hôpital occupe dans cette crise.
Ensuite, les finances des HUS héritent d’une dette excessive, en raison d’opérations immobilières financées par l’emprunt (NHC, Hautepierre 2, NDLR). Nous devons à nos créanciers 500 millions d’euros, ce qui est beaucoup trop pour un budget d’environ 1 milliard d’euros. Un hôpital est en difficultés financières dès que son niveau d’endettement dépasse 30% de ses ressources et nous sommes à 50%… Donc l’État a confirmé reprendre à son compte 188 millions d’euros de notre dette suite au Ségur de la Santé, ce qui représente 40% de la charge annuelle financière et nous rapproche d’un meilleur ratio. Le Premier ministre a également confirmé que l’État participerait à hauteur de 21 millions d’euros pour nos investissements, ce qui permettra de totalement financer la construction d’un nouveau site de pédo-psychiatrie en centre-ville, en remplacement du site de l’Elsau (voir notre reportage).
Une rénovation de Hautepierre 1 à venir
Mais surtout, le Premier ministre a demandé de poursuivre les études pour inscrire à l’agenda du Conseil national de l’investissement en santé (Cnis) la rénovation de Hautepierre 1. Remettre aux normes de sécurité et hôtelières ce bâtiment construit dans les années 70 est un projet à plusieurs centaines de millions d’euros… Il est évident que nous ne pouvions porter seuls cette opération, c’est une très bonne nouvelle qui n’était pas attendue. En outre, l’État nous apporte une aide exceptionnelle à notre trésorerie de 20 M€, ce qui nous sécurise pour la fin de l’année.
Parce que le déficit annuel des HUS est si important ?
Le déficit prévisionnel en 2021 est de 65 millions d’euros, donc on sera à peu près à 45 M€, j’attends encore des précisions sur les crédits de fin d’année, qui devraient réduire ce déficit encore un peu. Mais nous avons bien un déficit structurel compris entre 50 et 60 millions d’euros, soit 5 à 6% de nos produits. On considère qu’un établissement est en difficulté lorsque ses dépenses de fonctionnement dépassent de 2% ses recettes… Des mesures ont été mises en place pour lutter contre ce déficit en 2014 et les années suivantes, il y a eu beaucoup d’efforts mais ça n’a pas suffi… Le poids de notre dette pèse beaucoup, puisque les remboursements et les intérêts nous coûtent chaque année environ 50 millions d’euros.
« Beaucoup de bâtiments ne sont exploités qu’en partie »
Comment comptez-vous sortir les Hôpitaux de Strasbourg de l’endettement avec cette situation ?
Nous devons signer avant la fin mars un « contrat d’avenir » avec l’Agence régionale de santé. Il s’agit d’un cadre qui nous accompagne pendant cinq ans vers un désendettement. Le point d’orgue de ce contrat d’avenir doit être la validation par le Cnis de la rénovation de Hautepierre, ce qui permettra de relancer l’activité et donc les recettes.
Nous sommes présents sur cinq sites, et rien que sur le site de l’hôpital civil, il y a beaucoup de bâtiments pavillonnaires qui génèrent beaucoup de coûts de structure et ne sont qu’en partie exploités. Donc nous devons nous regrouper sur moins de surfaces. Je pense notamment au bâtiment de la Médicale B (médecine interne et gériatrie), qui ne répond plus aux standards hôteliers de prise en charge, ses équipes seront regroupées à Hautepierre dès que possible.
Est-ce que des économies sont prévues sur la masse salariale ?
La masse salariale des HUS est le premier poste de dépense, elle représente environ 630 M€ par an (9 000 personnels soignants et non médicaux, 3 000 médecins et internes). Dans le contrat d’avenir avec l’ARS, nous avons acté que les effectifs soignants affectés aux patients soient stables. En revanche, sur les fonctions support et notamment l’administration, 30% de notre personnel, nous réfléchirons à de nouvelles formes d’organisation à chaque départ en retraite.
« Le problème, c’est le recrutement »
Oui mais le personnel soignant demande surtout plus de moyens et plus de postes…
Certes mais le problème, c’est le recrutement ! Sur les infirmières principalement, nous manquons, du point de vue de la direction générale, environ 150 personnes sur les postes prévus ! On s’est rendu compte que 30% des infirmières recrutées n’étaient plus dans les effectifs de l’hôpital deux ans plus tard… Donc il faut qu’on s’améliore pour que notre personnel puisse allier les contraintes de la vie professionnelle avec leur vie personnelle.
Pour ça, on bénéficie déjà des améliorations salariales du Ségur et du Ségur 2 de la santé, qui ont respectivement augmenté notre masse salariale de 50 et 10 millions d’euros tout de même, la plus forte augmentation depuis les années 50. Ensuite, il faut qu’on arrête de rappeler les agents sur leur temps de repos lorsqu’il y a des absents. Pour ça, nous devons reconstituer nos effectifs pour disposer d’une réserve.
Recentrage sur les activités à Strasbourg
Nous avons le même problème de recrutement sur des métiers en tension, notamment sur les anesthésistes, les urgentistes et l’imagerie médicale. Mais sur les moyens, je rappelle quand même que les HUS sont passés de 800 médecins et internes en 2016 à 880 en 2021.
Que prévoyez-vous pour améliorer les recettes ? Il avait été question d’une aventure russe pour exporter le savoir-faire médical strasbourgeois (voir notre article)…
Quand un hôpital est en difficulté, il doit se recentrer. On ne peut rayonner qu’à partir de bases solides. Notre mission, c’est de soigner les Alsaciens. Avant la crise sanitaire, l’activité des HUS, qui représente 55% des recettes, était stable. La construction de Hautepierre 2, c’était justement pour développer cette activité, grâce à d’excellente prestations hôtelières et des blocs opératoires parmi les meilleurs d’Europe… Mais, inauguré en 2019, le bâtiment n’a pas eu temps de remplir son rôle avant que ne survienne la crise sanitaire. Donc l’objectif est de faire repartir un cercle vertueux : recruter plus d’infirmières et les garder pour rouvrir des lits et faire repartir l’activité qui était prévue dans Hautepierre 2.
L’autre piste, c’est d’améliorer nos produits de recherche. Nous sommes un peu en dessous des hôpitaux de notre catégorie sur cette ligne de recette et ce n’est pas normal, car nous sommes un centre universitaire et que nous bénéficions d’un écosystème scientifique et de start-ups de très grande qualité. Donc nous allons investir dans ce secteur, ce qui devrait produire des recettes supplémentaires dans 5-6 ans.
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