Quartier Port-du-Rhin à Strasbourg : 2 000 habitants et une seule médecin, la docteure Nabila Hamza. Après avoir grandi dans le quartier, elle y a installé son cabinet de médecine générale en 2010 « pour qu’il y ait au moins un professionnel de santé ici ». Pendant des années, le Dr Hamza accueillait sans rendez-vous. « Dès mon arrivée à 8 heures, il y avait déjà une file d’attente de dix personnes », raconte la généraliste qui a fini par instaurer des rendez-vous obligatoires tant la salle d’attente était régulièrement bondée et les tensions entre patients fréquentes. Nabila Hamza continue :
« Un médecin ne suffit pas ici. Il faut aider à l’installation et surtout accompagner les médecins qui s’installent dans des quartiers comme celui-ci. »
Trois quartiers strasbourgeois sont « zones d’intervention prioritaire »
Dans une nouvelle cartographie de l’offre de soins présentée mercredi lors d’une conférence de presse au Port-du-Rhin, l’Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est a comparé le temps d’accès à un médecin généraliste des habitants des quartiers de toute la grande région. À partir des données de l’Assurance maladie et des médecins libéraux, l’ARS a relevé que les quartiers Port-du-Rhin, Elsau et Cronenbourg sont des « zones d’intervention prioritaire ». Délégué territorial du Bas-Rhin pour l’ARS, Frédéric Charles explique cette nouvelle dénomination :
« Lorsqu’une personne a accès à une offre de soins convenable, elle peut bénéficier de quatre consultations chez un médecin généraliste par an. En dessous de 2,5 consultations par habitant et par an, on est dans une zone d’intervention prioritaire (ZIP), où les pouvoirs publics doivent aider à l’installation de médecins supplémentaires. »
Les aides pour les nouveaux médecins
Ces trois quartiers de Strasbourg bénéficient donc de plusieurs aides publiques à l’installation de nouveaux médecins généralistes :
- 50 000€ d’aide à l’installation versés par l’Assurance maladie,
- un revenu mensuel garanti par l’ARS la première année d’installation,
- 5 000€ par an versés par l’Assurance maladie pour une participation à la coordination des soins,
- une aide aux médecins accueillant un confrère nouvellement installé,
- ainsi qu’une exonération fiscale sur une partie de l’activité.
Dans ce zonage de l’ARS, les quartiers Hohberg, Ampère, Murhof et l’Est de Koenigshoffen sont considérés comme « Zone d’action complémentaire », éligibles à Fonds d’intervention régionaux (FIR). Ce sont des quartiers où l’offre de soins permet à chaque habitant d’avoir entre 2,5 et 4 consultations chez un généraliste chaque année. Les médecins qui souhaitent s’installer dans ces quartiers peuvent bénéficier d’une aide à l’installation de 50 000 euros mais pas d’un revenu garanti.
Mais l’argent n’est pas l’unique solution au problème de la raréfaction des médecins. Frédéric Charles de l’ARS croit beaucoup dans le dispositif « GE m’installe » :
« Dès qu’un projet professionnel émerge chez les étudiants en médecine, nous accompagnons les internes pour trouver des terrains de stage et travailler le compagnonnage par un médecin généraliste de ville et proposer des endroits où l’on a le plus besoin de médecins. »
« Il y a un vrai manque de médecins »
Adjoint à la Ville de Strasbourg en charge de la santé, le médecin généraliste Alexandre Feltz (Place publique) se félicite :
« Nous nous battons depuis plusieurs années pour que les quartiers prioritaires aient l’attention des pouvoirs publics quant aux inégalités de santé. Moins une personne a de revenus, plus elle a de chances de souffrir de pathologies. Nous sommes contents de voir que les aides de l’ARS s’appliquent enfin au manque de médecins au cœur des villes. »
Une maison urbaine de santé doit prochainement accueillir au Port-du-Rhin deux infirmières, deux orthodontistes, deux sages-femmes et deux médecins généralistes. En 2019, la présentation du projet évoquait une ouverture fin 2020… Son ouverture est repoussée au premier semestre 2024. Car le second médecin de la structure se fait toujours attendre. Le Dr Nabila Hamza ne peut que constater la difficulté à résoudre ce problème :
« Il y a un futur médecin intéressé mais il ne passe sa thèse qu’en 2024… Ça ne se bouscule pas au portillon pour venir ici. Mais je ne pense pas que ce soit lié à l’attractivité du quartier, où il y a une vraie mixité sociale désormais. Je pense qu’il y a un manque structurel de nouveaux médecins. Ces derniers choisissent des endroits plus agréables pour s’installer. »
Carte des déserts médicaux du Grand Est
La carte de l’accès aux soins du Grand Est montre les zones qualifiables de déserts médicaux. Pour les quartiers strasbourgeois, il faut passer sur les zones grises des quartiers prioritaires pour voir le détail des situations et des aides publiques.
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