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Des familles germanophones se mobilisent contre la fermeture de la section internationale allemande à Strasbourg

Le deuxième lycée franco-allemand de France a ouvert ses portes à Strasbourg en septembre 2021. Le rectorat a donc décidé de fermer la section internationale allemande qui fait figure de doublon pour les enfants de 11 à 18 ans. Mais cette section concerne aussi des élèves de maternelle et de primaire qui se retrouvent sans alternative convenable selon les parents.  

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Les parents d’élèves ont reçu l’annonce de la fermeture de la section internationale (SI) allemande mi-janvier, par mail. Alice Canet, mère de deux petites filles franco-allemandes de 1 et 3 ans, exprime sa colère : « On ouvre un lycée spécialisé, ce qui est très bien, mais on ferme toute la section internationale, y compris les classes de maternelle et de primaire. Personne ne se rend compte qu’il y aura un vide de huit ans ? », s’offusque l’avocate qui a initié une pétition « pour le maintien de la section internationale à Strasbourg ».

La jeune mère s’est installée à Strasbourg en 2013 avec son mari allemand. L’une de ses filles est déjà scolarisée en section internationale allemande en maternelle. Elle souhaiterait que sa cadette puisse suivre le même cursus : 

« Nous avons toujours voulu que nos enfants aient les deux langues et les deux cultures. Elles parlent français avec ma famille et moi, allemand avec leur père et sa famille. Strasbourg est un lieu idéal pour une famille binationale et la section internationale nous a toujours accompagnés dans cette démarche. C’est une richesse que nous ne voulons pas perdre. »

Alice Canet est avocate de profession. C’est elle qui a rédigé les courriers pour interpeller les différences instances au nom des parents d’élèves en SI. (Photo ACC / Rue89 Strasbourg / cc)

Qu’est-ce qu’une section internationale (SI) ?

Selon le dernier décompte de 2017, il y a 377 sections internationales en France (dont 35 en langue allemande), réparties dans 224 établissements. Ce dispositif a été mis en place en 1981 avec 19 pays différents pour permettre aux enfants étrangers ainsi qu’aux Français bilingues de suivre une éducation en deux langues et liée à deux cultures. Les enseignements y sont dispensés par des professeurs français, formés en France et par des professeurs étrangers formés dans leurs pays respectifs. 

À Strasbourg, il est possible d’intégrer une section internationale (SI) dans huit langues différentes, dans des établissements publics ou privés. La fermeture concerne les classes de l’école Vauban, seule école publique de la région à proposer une section internationale allemande. Cet institut a aujourd’hui encore la particularité de commencer l’enseignement en bilingue paritaire dès la maternelle. Une spécificité introduite en Alsace à l’école publique en 1992.

Le report vers le privé ne convainc pas

À partir de la rentrée de septembre 2022, les cours de la section internationale de Vauban seront pris en charge par le nouveau Lycée Franco-Allemand (cursus LFA) qui, malgré son nom, dispense une formation de la 6e à la Terminale. Les plus jeunes élèves germanophones n’auront donc plus de parcours dédiés. Ils devront se tourner vers les classes bilingues, comme le déplore Alice Canet :

« Les classes bilingues concernent les personnes qui souhaitent apprendre une nouvelle langue. Les enfants ont parfois quelques bases, mais pas d’avantage. Dans la section internationale, les élèves pratiquent déjà la langue au quotidien, ils peuvent jouer ensemble en parlant allemand, entretenir les deux cultures et les deux types de mentalités avec des pédagogies différentes. »

Alice Canet, parent d’élève

Si la fille plus âgée d’Alice Canet devrait pouvoir poursuivre sa scolarité en SI allemande, elle fera partie de la dernière classe à bénéficier de ce dispositif. Pour sa petite sœur, les solutions sont très floues. Alice ne pourra pas scolariser sa deuxième fille à Vauban, puisque ce n’est pas leur établissement de secteur. « En plus de l’alternative bilingue qui ne me convient pas, je ne vois pas comment je vais gérer le fait d’avoir mes enfants dans deux écoles différentes et éloignées », appréhende l’avocate.

Si des dérogations de secteurs ont été évoquées, celles-ci ne sont pas pour l’instant assurées. Une solution serait donc de placer ses filles dans une école privée, ce à quoi elle se refuse : « Le coût est trop élevé et, en tant que fille d’instituteur, c’est important pour moi de soutenir un enseignement accessible à tous. »

Pétition et rencontre avec un député

Cette situation, qu’elle qualifie d’impasse, l’a poussé à lancer une pétition qui compte aujourd’hui plus de 2 630 signatures. Avec d’autres parents, Alice Canet a également envoyé des lettres ouvertes au rectorat du Bas-Rhin, à la mairie, à la région, ainsi qu’au ministère de l’Éducation nationale.

Dans leur lettre à la rectrice, les représentants des parents de l’Apelevis (Association des parents d’élèves des établissements à vocation internationale de l’académie de Strasbourg) regrettent que cette décision ait été prise de manière « unilatérale, sans concertation ». Ils ajoutent que « le système international franco-allemand apporte entière satisfaction aux parents et enseignants des enfants concernés. »

Lettre envoyée par les représentants de parents d’élèves de l’Apelevis, à destination de la rectrice d’Académie du Bas-Rhin. DR

Par la suite, des parents d’élèves ont rencontré le député Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation qui avait publié, en 2018, « 8 propositions pour un enseignement bilingue ambitieux au service du territoire ». L’élu LREM a pu constater « une réelle inquiétude des parents ». Il demande au rectorat de « prendre ce sentiment en considération » et estime qu’ »un rendez-vous est nécessaire pour faire le point. »

Une rencontre des parents d’élèves avec le directeur de cabinet de la rectrice Sébastien Mathey et le directeur académique des services de l’éducation Jean-Pierre Geneviève a été fixée au lundi 21 février. Les parents mobilisés attendent des réponses sur un choix qui leur semble « déconnecté de la réalité ». Ils soulèveront aussi le problème du manque d’enseignants étrangers dans l’académie de Strasbourg. Les défenseurs d’un enseignement polyglotte espèrent surtout qu’on leur proposera une alternative proche pour les plus petits, c’est-à-dire un enseignement dispensé par des professeurs d’origine allemande, dès la maternelle et sans limitation de secteur.

Sollicité à plusieurs reprises, le rectorat n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.


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