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Géodis s’installe sur le dernier km, Strasbourg heureuse de laisser faire

N°1 du transport de marchandises en France, Géodis veut implanter à Strasbourg sa plateforme Distripolis, spécialisée dans « le dernier kilomètre de livraison écologique ». Cette filiale de la SNCF vient de signer un protocole avec la municipalité, qui s’engage à l’y aider. Décryptage d’un partenariat aux contours flous, mais précieux pour Géodis.

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Distripolis, plateforme de livraison du dernier kilomètre de Géodis, s'implantera à Strasbourg d'ici 2015. (DR)

Il y a des clubs dont on ne soupçonne pas l’existence. Par exemple, le « Club du dernier kilomètre de livraison » (pdf) créé par un certain Roland Ries, président du Gart (Groupement des autorités responsables de transport), en mai 2011. Objectif de ce club : réfléchir à des modes de livraison « propres » pour les centre-villes. Et pour montrer l’exemple, Roland Ries a signé le 12 janvier 2012 un protocole d’accord avec Géodis (à lire dans son intégralité ci-dessous), pour favoriser l’implantation dans la CUS de sa branche Distripolis, spécialisée dans la « logistique urbaine écologique ».

En résumé : pour le transport des marchandises de ses entrepôts en périphérie jusqu’au centre de Strasbourg, Géodis va utiliser des triporteurs à pédales ou des véhicules électriques (photo), plutôt que les habituels poids lourds ou camionnettes à essence bien polluants. Mais l’implication de la ville dans ce processus est pour l’instant minimale (un agent a en charge ce dossier parmi 12 autres…), ce qui fait craindre que seul les colis livrés par Géodis ne profitent de cette distribution écolo.

« Nous nous sommes engagés avant tout à mettre en place un groupe de travail (ndlr : qui ne s’est pas encore réuni) pour échanger nos expériences, Distripolis à Paris, nous à Strasbourg, et réfléchir à des aménagements de la réglementation pour favoriser les véhicules propres par rapport aux autres, commente Jean-François Lanneluc, directeur de la communication de la Ville et de la CUS. L’intérêt pour nous de signer cette convention avec Géodis, c’est que ce leader français propose d’investir de gros moyens dans le développement d’un service qui colle à nos objectifs. Pour Strasbourg, cette collaboration est un enjeu d’image. »

Le texte du protocole signé le 12 janvier par Roland Ries, maire de Strasbourg et vice-président de la CUS en charge du transport, et Pierre Blayau, directeur général de SNCF-Geodis :

Ronan Golias, chef du service déplacements de la CUS, assure le déchiffrage du texte :

« Ce protocole est semi-formel. Il s’agit d’une démarche entre deux partenaires : le n°1 français de la logistique d’abord, qui souhaite développer à Strasbourg son service de livraison « propre » en ville ; la collectivité ensuite, qui vient de voter en janvier son nouveau Plan de déplacement urbain (PDU), élaboré en concertation avec les acteurs de la place, dont l’un des objectifs est de limiter les émissions de gaz polluants en centre-ville. A noter que c’est Géodis qui est venu nous voir en nous disant : « Nous avons testé à Paris la livraison de marchandises sur le dernier kilomètre en véhicules « propres » ; on voudrait le faire maintenant à Strasbourg ». Nous avons répondu « bingo », on va vous y aider. »

Mais, entre le texte et la pratique, il y a un monde. Ronan Golias de reprendre :

« Oui, nous allons proposer un appui à la recherche de foncier, comme des pieds d’immeubles vacants, mais ça, nous le faisons pour toutes les entreprises qui nous le demandent. Oui, nous nous sommes engagés à faire évoluer la réglementation, pour la rendre plus favorable à cette chaîne logistique propre, mais ces évolutions bénéficieront à tous les transporteurs et coursiers. »

La collectivité s’engage à faire la pub de Distripolis

Donc en fait ce protocole ne sert à rien ? Il sert bien à Géodis quand même, puisque la collectivité s’engage à « mettre en valeur [sa] coopération avec SNCF Géodis sur Distripolis auprès des acteurs du commerce, du grand public et des acteurs institutionnels ». Et le transporteur sera heureux de pouvoir compter sur l’appui de la Ville pour « les demandes de subventions (pour investissements, travaux…) établies par SNCF Géodis ». Ronan Golias précise à ce sujet : « Pour ce qui est de l’aide à l’achat de matériel, nous avons orienté Géodis vers l’Ademe Alsace, qui accorde des subventions à ce genre de projets ». Rappelons que SNCF Géodis a réalisé un chiffre d’affaire de 9,4 milliards d’euros en 2011.

Si ce partenariat n’est qu’image et communication, il suscite néanmoins une interrogation : pourquoi avoir choisi de ne signer qu’avec Géodis plutôt qu’avec plusieurs opérateurs, dont une société locale, Ultimatum/Course éclair, récemment fusionnée avec le transporteur national Novea ? La société se dit pionnière sur le segment de la livraison en triporteurs et véhicules propres à Strasbourg… Explications embarrassées de Ronan Golias : « Contrairement Novéa 67, Géodis est présent sur l’ensemble de la chaîne du transport. Et puis c’est eux qui sont venus vers nous ».

« Nous n’avons pas compris que la CUS nous laisse de côté »

Pour Jean-Sébastien Ohmann, responsable de Novea 67, la pilule est dure à avaler :

« Le cyclocargo et le triporteur, on connait, on les utilise depuis 2009 à Strasbourg. Or Distripolis sera sur les mêmes engins que nous, qu’ils testent (depuis juin 2011, NDLR) à Paris. Nous avons du mal à comprendre pourquoi la Ville n’a signé ce protocole qu’avec eux, alors que chez Novéa 67, nous sommes dans cette démarche de green business et bénéficions déjà, contrairement à Géodis, d’une implantation en centre-ville. »

Malgré cette incompréhension, le créateur d’Ultimatum, une « boîte montée par quatre copains en 1999 », note néanmoins que le développement de Distripolis ne sera pas forcément un frein à son activité. « Ils feront peut-être appel à nous dans le cadre de ce protocole », espère-t-il.


#CUS

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