C’est l’histoire d’une dégringolade, celle de la gauche, et d’une ascension, celle de l’extrême-droite. Le parti socialiste et la gauche s’attendaient certes à des élections difficiles, plombés par une impopularité record du gouvernement, mais peut-être pas à ce point, même en Alsace. Si l’on excepte Strasbourg intra-muros, la gauche a disparu de la carte. Dans le Haut-Rhin, elle risque d’être carrément absente de la future assemblée départementale alors qu’elle y comptait 10 élus sur 31. Si au second tour le FN n’y place aucun élu, il n’y aura plus d’opposition dans ce département !
Tout avait pourtant bien commencé, avec une abstention en baisse par rapport aux élections cantonales précédentes, ce qui pouvait laisser augurer une mobilisation de l’électorat. Dans le Bas-Rhin, la gauche résiste certes à Strasbourg, mais elle a perdu deux cantons où elle disposait pourtant de conseillers généraux sortants, Raphaël Nisand a été éliminé à Schiltigheim et Claude Froehly à Illkirch-Graffenstaden. Ce qui fait dire à Guy-Dominique Kennel, ancien président (UMP) du conseil général du Bas-Rhin, que « l’étau se resserre » autour de Strasbourg :
« Les résultats sont un motif de satisfaction pour moi. Je note que la droite arrive partout en tête, sauf là où l’union n’a pas été possible au premier tour. Des divisions qui ont eu pour effet de placer le Front National en tête, j’espère qu’on saura en tirer les leçons pour l’avenir. Je ne suis guère surpris que le Front National progresse, il profite tout simplement de l’effondrement du PS, qui n’a même pas présenté de candidats dans tous les cantons, ce qui est tout de même étonnant. »
Auto-satisfecit à Strasbourg
Les élus socialistes ne se sont guère étendus sur les raisons qui les ont poussés à ne pas présenter de binômes partout. Mais il est clair que le message a été très mal reçu. De son côté, le maire (PS) de Strasbourg, Roland Ries, préfère voir la situation dans sa ville :
« La majorité municipale est présente au second tour dans tous les cantons strasbourgeois. Globalement, on observe à Strasbourg de bien meilleurs résultats que ce qui se dessine en Alsace et même en France. C’est une reconnaissance du travail accompli par des élus de proximité depuis plusieurs années. »
Mathieu Cahn, premier secrétaire du PS du Bas-Rhin, met cette déconfiture sur le dos du « contexte national » et sur la « division de la gauche », c’est à dire sur les écologistes :
« Quand la gauche est divisée, on le voit, on le paie. Une partie d’Europe-Écologie Les Verts ne voulait pas d’alliance avec nous, eh bien voilà le résultat : dans le Haut-Rhin, il n’y aura plus aucun représentant de la gauche à l’assemblée départementale. »
Pour Alain Fontanel, premier adjoint (PS) au maire de Strasbourg et candidat à Strasbourg-4 (Robertsau), l’Alsace « amplifie le mouvement national » :
« Les scores de la gauche sont très inquiétants pour l’avenir, notamment pour les élections régionales en décembre. Nous n’avons pas su trouver le discours porteur auprès des électeurs de gauche d’Alsace. Il faudra qu’on tire les leçons de ce scrutin. »
La gauche éliminée du Haut-Rhin
Victime des triangulaires entre la droite et le FN, les candidats de gauche n’ont pas pu se maintenir au second tour (il est nécessaire de disposer de 12,5% des inscrits, une condition difficile à remplir compte-tenu du faible taux de participation) à deux exceptions : Pierre Vogt et Marie-France Vallat en ballotage défavorable à Wittenheim avec 25,2% face à un FN à 39,4% et l’écologiste Henri Stoll avec Nadège Florentz dans le canton de Sainte-Marie-Aux-Mines. Mais avec 29,26% des voix, ils arrivent en 3e position derrière la droite et le FN, alors qu’ils bénéficiaient déjà de l’union de toute la gauche.
Maire de Kaysersberg réélu en 2014, Henri Stoll n’en revenait pas dimanche soir lors de son passage à France 3 Alsace :
Même à Mulhouse, il ne s’est pas trouvé un binôme socialiste pour garder le PS au second tour. La poussée du FN a été irrésistible, surtout dans le Haut-Rhin où le parti frontiste sera présent dimanche dans les 17 cantons et en tête dans 4 cantons !
Unser Land bien présent, puis absent
De son côté, le parti régionaliste Unser Land réalise d’importants scores, entre 10 et 15%. Un résultat dont peuvent être fiers les porteurs de ce mouvement, qui n’existait pas il y a un an et qui, contrairement au PS, est parvenu à proposer des candidats dans presque tous les cantons d’Alsace. Ils peuvent également remercier les élus de droite, qui ont subtilement joué la carte identitaire pour s’opposer à la réforme territoriale lors des débats à l’Assemblée nationale en 2014. Pour autant, Unser Land ne sera pas présent dans les futurs conseils départementaux, aucun de ses candidats ne peut se maintenir.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : (re)voir la carte des résultats du premier tour
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