À quoi sert encore un Conseil départemental, dont les marges de manœuvre financières sont réduites par l’État et dont la suppression est parfois proposée ? Quel est son impact concret pour les habitants d’une grande ville comme Strasbourg ?
32 pages de chiffres
C’est à cette question que les élus du Conseil départemental du Bas-Rhin, de la majorité « Les Républicains – UDI » et issus des cantons situés dans les 33 communes de l’Eurométropole, ont essayé de répondre mardi 31 janvier à l’occasion de la présentation du budget 2017.
Un document de 32 pages, à consulter sous cet article, fournit de nombreux chiffres pour l’année 2017, mais aussi pour les années passées et celles à venir. On retrouve évidemment les grands dossiers du Département à Strasbourg, comme le centre pédagogique Le Vaisseau, l’école européenne, la Bibliothèque nationale universitaire et le TGV…
Quelques chiffres sur la part de l’Eurométropole dans le Bas-Rhin
- 42% des logements des deux bailleurs sociaux départementaux (Opus et Sibar) sont situés sur le territoire de l’Eurométropole,
- 35 collèges sur les 91 du Bas-Rhin, 2,18 millions d’euros des « gros travaux » sur 22,8 millions au total,
- Un taux de pauvreté de 22,1% à Strasbourg, 17,8% sur l’ensemble de l’Eurométropole, contre 11,6% dans le Bas-Rhin,
- 71,2% des bénéficiaires du RSA (19 312 sur 27 112) habitent l’Eurométropole et 66% des personnes accompagnés vers des retours à l’emploi,
- 2,419 millions d’euros sont consacrés à l’aménagement du plan d’eau d’Eschau-Plobsheim,
- 32 131 bénéficiaires de la maison départementale des personnes handicapées,
- 8 250 bénéficiaires de l’allocation personnelle d’autonomie (APA), en établissement ou à domicile.
Un audit commandé par l’Eurométropole
Cette présentation intervient alors que le président de l’Eurométropole, Robert Herrmann (PS), a prévu de commander un « audit » sur les dépenses du Département. Robert Herrmann accuse le Conseil département du Bas-Rhin de privilégier les campagnes alors que l’Eurométropole lui apporte l’essentiel de ses ressources fiscales et concentre près de la moitié de ses habitants. Qu’un président d’une collectivité commande une étude sur les dépenses d’une autre est assez inédit.
La situation est d’autant plus cocasse que certains membres de la majorité au Département, font aussi partie de celle à l’Eurométropole, dans la coalition droite-gauche aux commandes de l’exécutif métropolitain. De quoi semer la zizanie.
Robert Herrmann s’était aussi accroché avec le Département autour de l’Adira, une agence de développement économique historique, créée par le Département du Bas-Rhin. Elle a été fusionnée l’année dernière avec l’agence économique du Haut-Rhin, mais les élus de la Région Grand Est aimeraient que l’Adira dépende de leur collectivité, titulaire de la compétence économique depuis la réforme territoriale.
Dans ce mini-combat institutionnel, Robert Herrmann avait demandé « plus de clarté », autrement dit, que les Départements cessent de financer une agence qui ne correspond plus à une compétence de leur collectivité. Ambiance.
Une question de point de vue
Mais pour le Département, si les élus strasbourgeois ont le sentiment d’être mal servis, c’est avant tout pour des raisons de présentation comptable, comme l’explique Sabine Gorkiewicz, déléguée à la direction générale du Conseil départemental pour le territoire de l’Eurométropole :
« Sur les lignes de budget en commun avec l’Eurométropole, il est vrai que certains crédits ont été supprimés, notamment car il y a eu un choix de se désengager de la culture. Nos financements pour l’Opéra du Rhin ou vers la Haute école des arts du Rhin (HEAR) ont diminué. C’était déjà le cas sous Guy-Dominique Kennel (président du CD 67 de 2008 à 2014), car il y a eu une forte hausse des dépenses sociales qu’il fallait assurer. Mais dans les comptes des projets à destination l’Eurométropole, de nombreuses actions du Département sur ce territoire n’apparaissent pas dans les comptes de l’Eurometropole : les collèges, le RSA, l’aide à des associations et à des événements que nous sommes les seuls à financer, etc. On n’a rien à cacher. »
Sur une présentation du compte administratif 2015, c’est-à-dire un document qui indique les dépenses réelles et non prévisionnelles comme dans les budgets et qui sépare les dépenses par lieu d’affectation, la répartition est ainsi notée : sur un budget total de 1,1 milliard d’euros, 326 311 815 euros très précisément ont été dépensés sur le territoire l’Eurométropole, un peu plus qu’en 2014 (321 921 744 euros).
À cela, il faudrait ajouter selon l’administration départementale une part des 46 millions d’euros des subventions d’investissements et de fonctionnement à destination de structures dont le siège est situé dans l’Eurométropole de Strasbourg, mais dont les projets ont lieu partout dans le Bas-Rhin.
L’audit ? « Une gabegie »
Lors de ses vœux à la presse plus tôt dans le mois de janvier, le président du Conseil départemental, Frédéric Bierry (LR), avait qualifié « d’acte belliqueux » l’audit commandé par l’Eurométropole et fustigé une « ingérence », parlant même de « gabegie d’argent public » à l’heure où l’Eurométropole augmente ses impôts et sa dette pour la troisième année de suite. Selon lui, les 326 millions dépensées correspondent à 54% des politiques publiques réelles, qui sont fléchées sur l’Eurométropole qui représente 43% de la population du département.
Pourquoi 54% alors que 326 millions correspondent à 29% du budget total ? Fréderic Bierry répond que les crédits imputables à l’administration générale ne peuvent rentrer dans le calcul.
Les factures d’électricité, frais postaux et surtout le travail d’agents administratifs bénéficie à l’ensemble du Bas-Rhin, Eurométropole comprise puisque c’est notamment là que se situe l’hôtel du Département, même s’il est quasi-impossible de quantifier quelle part revient à quel territoire…
Est-ce que cet exercice de transparence va convaincre Robert Herrmann d’annuler son audit ? « Les chiffres ont leur fait dire ce qu’on veut », craint Pascale Jurdant-Pfeiffer, élue UDI d’opposition à Strasbourg. En effet, les ratios ne seront pas identiques si les dépenses sont rapportées à la population, aux recettes fiscales, au nombre d’habitants, de personnes sous le seuil de pauvreté, etc. Et là, tout risque de dépendre de la commande…
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