Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

La démocratie locale, « urgence » oubliée du début de mandat

Premier rendez-vous du volet « démocratie locale » tant vanté par la nouvelle municipalité : le Conseil de la participation citoyenne. Covid oblige, le rendez-vous se fera en vidéo et par tchat, ce mercredi 4 novembre à 18h. Avec un ordre du jour plutôt chargé, et après un début de mandat où peu de choses ont bougé. Au point de susciter l’impatience.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


« Enfin ! » a subtilement noté la précédente adjointe à la démocratie locale, Chantal Cutajar, pour se réjouir de la réactivation du Conseil de la participation citoyenne. Cette instance ouverte à tous avait été initiée sous son impulsion lors du mandat précédent. Confinement oblige, cette première édition du mandat écologiste prévue ce mercredi 4 novembre ne se déroule qu’en ligne. Seule la maire Jeanne Barseghian (EELV) et son adjointe à la démocratie locale, Carole Ziélinski, parleront. « Il sera possible de poser des questions via un tchat modéré. Les questions et propositions seront traitées pendant ou après l’événement », indique le communiqué de presse.

Améliorer la démocratie locale faisait partie des trois « urgences » du programme écologiste avec l’environnement et le social. Mais entre l’installation de la majorité et la gestion de la situation sanitaire, le dialogue avec la population version écolo n’a pas encore pu être apprécié. « Je ne vois aucune décision du début de mandat qui a été soumise à une consultation », fustige l’élu d’opposition Pierre Jakubowicz (Agir). « Sur les arbres en pot, il aurait été possible d’associer les habitants sur des places moins prestigieuses, mais qui sont vraiment des lieux de vie des quartiers. Personne ne va se rafraîchir de la canicule, place Gutenberg ou place de la gare ! », s’agace-t-il. Le coup d’envoi de cette nouvelle page de la démocratie locale est donc très attendu.

Le chantier des conseils de quartier

La principale réforme va concerner la prise de décision à l’échelle micro-locale, avec le « pôle territoire » : 20 élus-référents de quartiers, et trois adjoints pour les encadrer, ont remplacé 10 adjoints de quartier. C’est l’action phare de ce début de mandat que cite Carole Ziélinski. « Nous nous retrouvons tous les lundis matins pour faire le point sur les remontées des élus de quartiers, dédoublés pour plus de proximité ». À ses côtés, Hervé Polesi s’occupe de la « coordination », tandis que Benjamin Soulet veille à « l’équité ».

« Les conseils de quartiers, où l’on s’engage pour six ans, ne répondent pas forcément aux attentes », relevait dans son entretien à Rue89 Strasbourg en juillet à Rue89 Strasbourg, Jeanne Barseghian. Les écologistes semblaient prêts à se débarrasser de cette instance, en s’appuyant sur des critiques assez justes, relevées dans les rapports des participants : manque de visibilité, d’autonomie et d’influence sur les décisions. Mais la loi impose ces conseils de quartiers dans les grandes villes. Ainsi que des conseils citoyens limités aux quartiers prioritaires (QPV) qui ont eu du mal à vraiment exister à Strasbourg, agissant un peu en doublon.

Quel sera donc le découpage (20 quartiers ou moins ?) et leur fonctionnement pour répondre aux critiques ? Interrogée mi-octobre, Carole Ziélinski répond vouloir d’abord soumettre ses propositions au Conseil de la participation citoyenne. En attendant, le découpage actuel interroge Pierre Jakubowicz. « On nous parle du besoin de mixité, mais on scinde Cronenbourg en deux et on sépare la Cité de l’Ill de la Robertsau. »

Dans les faits, il y a eu quelques moments de discussion avec les habitants. Une rencontre s’est par exemple tenue place Sainte-Aurélie, au sujet de l’insécurité aux abords de l’école. Les élus avaient été interpellés dès la campagne municipale. Depuis, « il y a effectivement plus de patrouilles de la police municipale, surtout à l’heure de sortie d’école l’après-midi », apprécie Guy D’Alex, un parent d’élève élu. C’était l’engagement de l’adjointe à la sécurité, suite à son insistance, à la fin de la réunion. En revanche, le rendez-vous suivant, prévu « avant les vacances de la Toussaint », n’a jamais eu lieu. « Nous n’avons eu aucune nouvelle, ni même pour nous dire que ce n’était pas possible tout de suite dans le contexte sanitaire, ce qu’on aurait compris », relève le parent d’élève.

En octobre 2017, le premier « sommet citoyen » avait réuni environ 300 strasbourgeois un samedi après-midi. Une époque où la distanciation sociale n’était pas nécessaire. (Photo : Fabien Nouvène / Rue89 Strasbourg)

Fracture numérique et premiers couacs

Les premières décisions présentées ce mercredi 4 novembre devraient donc un peu plus figer les choses. Mais quelle place sera donnée aux échanges ? Le comité d’éthique s’est auto-saisi car la retransmission « ne permet pas le débat en distanciel, ni la délibération, ni le vote ». Mais comme le déontologue n’a pas encore été renouvelé, il ne pourra pas émettre d’avis rapidement. La maire a répondu à ces citoyens impliqués qu’elle était consciente de la « fracture numérique », mais qu’elle ne voulait pas « mettre la démocratie locale sous cloche avec le reconfinement ».

Une délibération sur la démocratie locale doit être votée lors du conseil municipal du 16 novembre. Les textes devant être prêts une semaine à l’avance, il n’y aura donc que peu de temps pour amender les projets de la municipalité en fonction des échanges de la soirée. Sauf à la convaincre, par tchat écrit, de revoir et repousser.

Citoyen impliqué dans ces instances de participation depuis 2018, Pierre Schweitzer reste « indulgent » en dépit de critiques :

« On peut mettre cela sur le compte de la découverte du Pacte de la démocratie et de ses règles. Mais nous n’avons par exemple pas reçu d’ordre du jour pour cette rencontre, alors que le règlement voté – y compris par Jeanne Barseghian lors du précédent mandat –, dit qu’il doit être construit avec ses membres. Par ailleurs, le comité d’évaluation du Pacte de démocratie ne s’est pas réuni depuis la fin 2019. D’autres instances ont pu continuer comme le Conseil de développement à l’Eurométropole mais pas celle-ci, pas plus que les conseils de quartiers… Il faut être vigilant, surtout qu’il est aussi question d’amender les règles du budget participatif. »

Une démocratie locale en suspens

L’un des premiers couacs concerne un projet lauréat portant sur un skatepark. Le porteur du projet initial avait proposé trois emplacements : la place de l’Étoile, le quartier Starlette / Citadelle et le Jardin des Deux-Rives. Étrangement, la mairie a quant à elle étudié la faisabilité du projet… au Heyritz. Pour finalement décider que la dépollution des sols rendrait le projet trop cher. Exit donc, le futur skatepark du Heyritz. Mais la Ville promet de consulter les associations concernées « avant la fin de l’année », alors que le dépôt de projet « saison 2″ arrive déjà à son terme. » Au début, les idées proposaient d’aménager plusieurs petits équipements dans plusieurs quartiers, mais ils ont été regroupés pour un grand skatepark central », se souvient un participant, qui craint de voir un projet dévoyé par l’administration.

Quant aux pétitions officiellement reconnues par la Ville, elles sont suspendues depuis les élections. Grâce à des campagnes de signatures de terrain, elles ont permis des interpellations en séance sur le recrutement de personnel en école maternelle et le grignotage de la « ceinture verte » en 2019. Lors de la campagne, toutes les listes s’engageaient à employer une Atsem par classe et à préserver cette ceinture verte. Carole Ziélinski estime que l’outil a « toute sa pertinence » et va donc le soumettre à ce Conseil de la participation citoyenne.

La page « participer.strasbourg.eu » ne renvoie que vers cinq concertations « en cours » (et 15 terminées), avec des durées d’échanges et de débats citoyens parfois un peu fantaisistes : « 665 jours » par exemple, sont laissés pour discuter d’une nouvelle école « Parc Naturel Urbain » à Koenigshoffen. Aucune concertation n’apparaît dans la catégorie « nouvelle » ou « à venir ». Tous ces éléments concourent à une certaine impatience chez les citoyens soucieux d’un renouveau démocratique à Strasbourg.

Pierre Jakubowicz est de son côté davantage inquiet par les pratiques du début de mandat et sur la place de l’opposition :

« Qu’il y ait un peu de temps pour réformer les règles c’est compréhensible. Mais en attendant, rien n’est décidé dans les instances démocratiques déjà en place. Sur la 5G, la maire a pris position pour un moratoire seule et depuis, la commission consultative de la charte sur les antennes relais n’a pas été réunie. Quand il y avait des difficultés avec les forains pour le Marché de Noël, j’ai proposé de réunir la commission foire et marchés, et cela n’a pas été fait. Pour le refus du prix de la démocratie, les associations européennes étaient réunies dans « l’Agora » quelques jours avant et cela n’a pas été évoqué. J’ai l’impression que cette liste se pense représentative de la population. Or aucune ne peut l’être et il faut forcément élargir la discussion. »

Le conseiller municipal espère que les nouveaux conseils de quartiers auront « des prérogatives sur les plantations d’arbres du Plan Canopée » ou sur la Zone à faibles émissions (ZFE).

Les conférences citoyennes bientôt amorcées ?

En juillet, Jeanne Barseghian détaillait à Rue89 Strasbourg un autre projet-phare du mandat, les « conférences citoyennes ». Sur une durée limitée, elles doivent aborder avec la population, une thématique précise. La maire donnait l’exemple de la Zone à faibles émissions (ZFE), l’exclusion des voitures les plus anciennes à l’aide de la vignette Crit’air. Mais finalement, elle a annoncé en conseil municipal – lors d’un débat sur la 5G – que c’est ce thème-là qui sera celui de la première convention, puisque le gouvernement n’amorce pas la discussion sur le sujet. « L’intitulé n’est pas arrêté, mais ce sera sur les usages du numérique », précise son adjointe, soucieuse d’élargir le thème.

Pourquoi ce choix qui ne touche pas directement aux pouvoirs d’un maire ? « C’est un sujet de société tout trouvé avec des implications locales, économiques, sociales et environnementales, à l’instar de notre programme. La ZFE ou les transports, sont des compétences de l’Eurométropole et mes missions sont sur le périmètre de la Ville », botte en touche Carole Ziélinski. Le format de cette première séquence de participation sera analysé de près pour éventuellement améliorer les suivantes.

Notons qu’à l’Eurométropole, une vice-présidence à la démocratie locale a été créée et confiée à Cécile Delattre, la maire (divers droite) d’Oberhausbergen le 15 juillet. Mais aucune grande action à ce sujet n’a encore été amorcée. Le premier arrêté sur la ZFE doit en théorie être signé avant le 1er janvier 2021, si les écologistes tiennent leur engagement de campagne.


#démocratie participative

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile