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Démâter : une bouffée d’air décalée au Syndicat Potentiel

Jusqu’au 7 mai, deux jeunes artistes basés à Strasbourg lient leurs univers pour donner naissance à un troisième monde à la lisière du fantastique. Au Syndicat Potentiel, ils livrent avec spontanéité leur création vidéo fraîchement et localement produite.

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Photographes, vidéastes ou les deux, Laurent Odelain et Delphine Gatinois se connaissent depuis longtemps. Ils n’en sont pas à leur première collaboration, et celle-ci s’est faite comme sur une envie soudaine, en un temps record. Début mars 2016, ils lancent un appel à participation pour quiconque aurait envie de performer et de donner corps à leur idée.

Deux créateurs d’images et de situations

Qu’est-ce qui relie ces deux artistes ? Au-delà du médium photographique, ils partagent un goût pour un léger décalage du réel. Aussi, la mise en scène fait partie de leur démarche : tout en laissant plus ou moins de marge au hasard, ils construisent leurs images au préalable, avec des gestes de plasticiens et de performeurs.

vue de l’exposition Démâter – au mur, Signares, photographies de Delphine Gatinois (photo CM/Rue89Strasbourg)

Delphine affectionne les costumes, et transforme radicalement des hommes, des chevaux ou même des palmiers avec des constructions en divers matériaux. Elle a réalisé plusieurs séries en Afrique, où elle interprète mythes et rituels traditionnels avec un esthétisme à la fois sophistiqué et dépouillé.

Laurent Odelain, Topique (extrait de la vidéo – 40min, 2011)

Pour Laurent, c’est le paysage qui sert de déclencheur à des actions photographiées ou filmées. Le milieu naturel s’étend autour d’un protagoniste – souvent l’artiste lui-même, qui va interagir en semblant obéir à une réaction libre, instinctive. Les objets y jouent aussi un rôle important en suscitant des actions :  lancer, frapper, ramasser… Ces performances sont guidées par le geste primitif et la reconnexion au naturel.

L. Odelain et D. Gatinois – Démâter (extrait de la vidéo – 37min, 2016)

Symbiose naturelle

Après une période de création plastique en atelier et l’élaboration d’une forme de synopsis, les artistes emmènent une petite troupe de volontaires dans les Vosges pour une journée de tournage.

Les seuls accessoires sont spectaculaires : d’immenses coiffes abstraites, aux tons rouges et jaunes, surmontent les corps anonymes habillés de noir. Le paysage a été soigneusement choisi, il est tout aussi important que les personnages : des sommets rasés, des bleus, des verts, des nuages à perte de vue sur lesquels se détachent les figures vivantes.

Les différentes formes de leurs casques pointent toutes vers le ciel, tandis que les corps crapahutent sur le sol tels des fourmis. A la fois liées et indépendantes, elles traversent de grands espaces, se déplacent en colonne non pas militaire, mais où chacun semble suivre ses propres pensées traduites en gestes. Elles créent des formes en mouvement, comme obéissant à quelque mystérieuse mission.

Dans des plans plus serrés, une ou deux créatures isolées évoluent, avec des errances, des parades, des combats silencieux. En se laissant happer dans la longueur du film, on ressentirait presque le vent, la température, l’odeur de l’herbe et de la terre. On résonne dans la même loi naturelle que ces insectes humains, dont les actions semblent d’une évidence impénétrable.

Vue de l’exposition Démâter : au sol, coiffes par L. Odelain et D. Gatinois / au mur, Horde/Barnum, composition texte et images de L. Odelain (photo CM/Rue89Strasbourg)

A la fois making-of, bases et témoignages du film, les coiffes sont posées au sol dans la première salle, dispersées comme des souches sur un sommet vosgien. Aux murs, deux exemples choisis des photos des artistes complètent l’esquisse d’un univers commun. Le titre Démâter désigne la totalité de l’aventure et de ses artefacts, comme un projet dans lequel on s’embarque avec la volonté de se laisser porter par les vents imprévisibles de la création, puis de sa présentation au public.

Au final, on ressort avec le sentiment rafraîchissant d’une balade sur les sommets, étrangement libératrice car elle a eu lieu dans monde parallèle mais bien réel.


#Art contemporain

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