La mandature précédente espérait un nouveau quartier d’affaires, la nouvelle municipalité promet plus de logements et d’espaces verts. Dans sa deuxième phase, le projet Archipel continue d’être un symbole des ambitions municipales.
Lors de son dernier mandat, le maire de Strasbourg Roland Ries (PS) avait répondu favorablement aux sollicitations du Crédit Mutuel et de la Caisse d’Epargne. Sur ce terrain vague situé entre le nouveau théâtre du Maillon et le vieux bâtiment du Rhénus, les anciennes halles du Parc des Expositions ont bien été rasées. Pour y mettre quoi ? Le long du canal, entre le parking Coubertin et la salle de la SIG, le Crédit Mutuel souhaitait développer un programme immobilier d’environ 24 000 mètres carrés. Plus au centre du quartier, le long du boulevard de Dresde, la Caisse d’Epargne, elle, comptait y installer son nouveau siège Grand Est.
Mais en novembre 2020, le Crédit Mutuel renonce finalement à son projet de bureaux, invoquant la crise sanitaire et le boom du télétravail. Un mois plus tard, la Caisse d’Epargne abandonne elle aussi son projet de siège, décrivant « un contexte externe fortement perturbé par la crise sanitaire ».
« Archipel 2 sera un vrai lieu de promenade »
Suite à ces annonces, le conseiller municipal d’opposition Pierre Jakubowicz s’est ému de ces désistements, dans une lettre à la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (EELV) : « Ces faits nouveaux questionnent l’équilibre du projet et sa mixité fonctionnelle. » L’élu Agir craint qu’Archipel 2 n’accueille plus assez de bureaux et autres entreprises du secteur tertiaire.
Pour les écologistes, l’abandon des projets des deux banques leur permettent de repartir à zéro sur cette vaste étendue. L’occasion de façonner un quartier avec leur prisme, encore plus vite que prévu. L’adjointe à la maire en charge de la ville résiliente Suzanne Brolly, se félicite de ne pas reproduire la première phase du projet, située de l’autre côté du boulevard de Dresde :
« Archipel 1 est trop dense, trop minéral. En haut des tours, la vue est belle. Mais y vivre c’est autre chose. Archipel 2 sera au contraire un vrai lieu de promenade, un lieu d’apaisement dans une ville dense et chahutée. Nous souhaitons développer une proximité intelligente, avec des espaces de nature qui permettent de s’évader à proximité de chez soi. Pour les cyclistes, nous créerons des axes agréables à traverser avec moins de confrontation à la circulation automobile. »
Suzanne Brolly, adjointe à la maire en charge de la ville résiliente.
D’une vocation économique prédominante
Dans les plans de la précédente mandature, Archipel 2 devait garder une vocation économique prédominante, avec 70 000 m² de bureaux contre 18 000 m² réservés à des habitations. Un parking de 250 places devait être construit, ainsi que deux programmes résidentiels de près de 18 000 m² et une crèche de 500 m².
Sur 11,5 hectares de terrain, 3,5 hectares étaient dédiés à un parc traversant la zone jusqu’à une maison éclusière au bord de l’Aar, la rivière qui borde le quartier. Au total, la part consacrée au bâti était de 32% de l’espace au sol, ce qui consistait déjà en une rupture avec l’Archipel voisin, bien plus compact.
une augmentation des logements et des espaces verts
La nouvelle municipalité compte exacerber cette rupture en réduisant encore la part dédiée au secteur tertiaire. Ainsi, la Caisse d’Epargne a transformé son projet de nouveau siège en logements qu’elle louera.
Quant aux Crédit Mutuel, Suzanne Brolly souligne :
« Le projet du Crédit Mutuel était très intéressant, il était en bois et se situait au niveau de la ceinture verte, proche des berges. Donc on va en profiter pour désartificialiser les sols, et créer un espace de nature. »
Sur le nouveau plan d’Archipel 2, le bâtiment du Crédit Mutuel a donc disparu, remplacé par une trame verte le long du Canal de la Marne au Rhin (à droite de la SIG Arena sur le plan ci-dessous).
Le projet de halle gourmande dans un immeuble de 8 600 m², avec du maraîchage sur le toit, est maintenu. Mais le projet de parking en silo (lot C) est aussi remis en cause, affirme l’adjointe, qui annonce un nouvel appel à manifestations d’intérêt (AMI) d’ici l’automne 2021 :
« On transforme complètement le permis d’aménager pour augmenter la part réservée à la pleine terre – qui permet de planter des arbres, et à la nature – en valorisant les berges. Au final, plus de 50% du bâti sera dédié au logement. C’est pour cela que nous n’avons pas touché au permis d’aménager pour les lots de logements sociaux, de locatif intermédiaire et de bail solidaire B, H et J (voir ci-dessous). L’AMI concerne toute la zone centrale des lots G, F, I, D et C. »
Suzanne Brolly annonce les critères qui seront scrutés par la Ville de Strasbourg face aux propositions des aménageurs : « Les projets architecturaux devront être exemplaires dans le choix des matériaux écologiques, les performances énergétiques, la végétalisation des sites et la réduction de leur emprise au sol. »
« Un lieu de vie des Strasbourgeois et des Schilikois »
Dans sa lettre à la maire de Strasbourg, l’élu d’opposition Pierre Jakubowicz craint aussi de voir le projet Archipel manquer « son développement pour renforcer sa dimension internationale et sa vocation européenne. » Suzanne Brolly rétorque :
« Il n’est pas décent de bétonner au nom de l’Europe, pour répondre à des enjeux économiques en omettant les enjeux sociaux et écologiques. Le quartier du Wacken restera un site où l’on va accueillir les institutions européennes (avec le projet Osmose, prévu pour servir de bureaux au Parlement européen, ndlr). Mais ce doit aussi être un lieu de vie des Strasbourgeois et des Schilikois. »
L’adjointe en charge de la démocratie locale Carole Zielinski prépare actuellement une consultation des Strasbourgeois et Schilikois autour de l’avenir du site Archipel 2.
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