L’audience concernant l’occupation d’un immeuble de 54 appartements rue de Bourgogne, par une centaine de sans-abris depuis décembre 2021, a eu lieu vendredi 13 mai. Le propriétaire de ce bâtiment emblématique de la Meinau, l’agence In’li Grand Est, demande l’expulsion immédiate des personnes pour pouvoir le démolir. Maître Sophie Schweitzer, qui représente les 18 squatteurs assignés à comparaitre devant la juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg, réclame quant à elle, un délai d’expulsion.
Les occupants n’étaient pas présents dans la salle d’audience. Après une petite dizaine de minutes de plaidoiries, la juge des contentieux a annoncé que la décision sera rendue le 29 juillet. « C’est une bonne nouvelle », assure Me Sophie Schweitzer :
« En général, ces décisions sont rendues en deux semaines, là on a deux mois et demi. Cela laisse encore du temps aux occupants. Si la juge décide d’octroyer un délai, on peut imaginer tenir jusqu’à la trêve hivernale de fin 2022. »
« Des personnes ont demandé un hébergement d’urgence à plus de 100 reprises »
Me Antoine Bon, avocat d’In’li Grand Est, considère aussi que le délai est particulièrement long :
« Même si la décision du 29 juillet est l’expulsion immédiate, la procédure peut prendre du temps. Nous serions dans l’obligation de recourir à la force publique, par le biais de la préfecture, qui devra alors organiser les opérations et trouver, du moins je l’espère, une nouvelle solution d’hébergement pour les personnes. »
Ce dernier estime que « les autorités semblent se satisfaire de ce statu quo », et que la seule solution pour que des hébergements soient proposés est justement l’expulsion, qui « obligerait l’État » à prendre en charge les squatteurs. Pour Me Sophie Schweitzer, rien n’indique que l’État proposera des solutions d’hébergement :
« Plusieurs personnes ont justifié d’avoir demandé un hébergement d’urgence à plus de 100 reprises au 115, sans solution proposée. Elles n’avaient donc d’autre choix que d’occuper cet immeuble. »
L’État est effectivement censé héberger inconditionnellement toutes les personnes qui le demandent, mais il ne le fait pas à Strasbourg. L’avocat d’In’li Grand Est a par ailleurs relevé « des problèmes de sécurité » inhérents à « l’occupation illicite du bâtiment ». « Plus on attend, plus il y a des risques », a-t-il déclaré, évoquant des déchets entreposés, des dégradations commises sur des circuits électriques, l’impossibilité de mettre en place une maintenance dans les conditions actuelles, ou encore des risques d’incendie.
In’li Grand Est veut porter un nouveau projet immobilier sur place
Me Sophie Schweitzer a rétorqué que les appartements étaient très bien entretenus par les occupants, et que In’li Grand Est n’avait fourni aucune preuve que les dégradations constatées avaient été réalisées par ces nouveaux habitants. En février, Rue89 Strasbourg publiait un article sur les incertitudes quand à l’identité des auteurs des dégradations sur le système électrique ayant causé un déficit temporaire de chauffage et d’eau chaude.
L’avocate des squatteurs a également demandé à la juge de prendre en compte la situation humanitaire dramatique des occupants du squat :
« Il s’agit de demandeurs d’asile déboutés, de personnes en demande de titres de séjour et de personnes ayant des titres de séjour mais pas de solution d’hébergement. Certaines travaillent et se disent prêtes à payer un loyer mais n’ont trouvé aucune solution de logement. »
De nombreuses familles, parfois avec des nourrissons, ont trouvé refuge dans l’immeuble. Après la destruction du bâtiment, In’li Grand Est projette de construire, avec d’autres bailleurs, 350 logements sur plusieurs ensembles. « Aucune date n’est avancée » pour le début des travaux de construction, a précisé le responsable juridique du propriétaire, présent à l’audience. Interrogé sur la nature du projet, il a rappelé qu’In’li Grand n’est pas un bailleur social et que les logements proposés par cette entreprise ne seront pas des HLM.
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