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Déçus des Vitrines, des commerçants du centre lancent leur propre association

Alors que l’association des Vitrines de Strasbourg tient ce jeudi soir son assemblée générale, le mécontentement monte chez les commerçants du centre.  Sept d’entre eux viennent de créer une association alternative, Défis.

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« Ma poissonnerie marchait très bien jusqu’à la fermeture du centre-ville pour le marché de Noël de l’an dernier « , constate Stéphane Coiffet, qui a repris la boutique de poissons de la rue des Sangliers il y a un an. « Après la catastrophe du marché de Noël nous avons appris que les parkings du centre-ville étaient devenus payants entre midi et deux le jour même où ça a été mis en place, par nos clients « , se souvient de son côté Anne Aubriot, qui a ouvert l’an dernier la chocolaterie Pascal Caffet, rue des Orfèvres. « Nous avons perdu la clientèle de la pause déjeuner. » Pour ces petits commerçants, le dialogue manque entre les responsables politiques et associatifs sur le devenir du centre-ville.

Avec cinq autres commerçants, ils ont fondé fin août l’association Défis, « Défense et Initiative pour Strasbourg ». À la manoeuvre, trois anciens membres du bureau des Vitrines de Strasbourg, l’association historique des commerçants, dirigée par Pierre Bardet. On retrouve Michel Pirot, propriétaire de la chocolaterie Galler, ruelle des Pelletiers et ex-président des Vitrines évincé de l’association lors de l’assemblée générale de 2014 après 18 mois à sa tête ; Yves Lequen, trésorier à la même époque et propriétaire de la boutique Kickers, rue des Francs bourgeois, et Christine Lehmann, ex-secrétaire des Vitrines, de la boutique Pôles, Grand’Rue. Marie Burel du restaurant la Petite Mairie, rue Brûlée et Anne Siegel, d’AS Communication, complètent l’équipe des fondateurs.

La rue des Hallebardes un mercredi après-midi. (Photo : Claire Gandanger / Rue89 Strasbourg / cc)

« Le moral des commerçants du centre est au plus bas »

Pour Stéphane Coiffet, le constat était sans appel :

« Ni les Vitrines, ni la municipalité ne tiennent compte de l’avis des commerçants du centre-ville. Il y a un réel problème et il faut trouver des solutions. 100% des gens qui ont fait bouger les choses ont essayé. Si on ne fait rien, il ne se passera rien. »

Même son de cloche pour Anne Aubriot :

« J’ai assisté à différentes réunions à la mairie où j’ai vu évoluer d’autres associations. Je n’ai pas vu de prise en compte du commerce de manière pragmatique. »

Pour l’équipe, la situation est critique. Christine Lehmann résume :

« Aujourd’hui le moral des petits commerçants est au plus bas dans le centre-ville. Il faut savoir que certains travaillent plus de 50 heures par semaine et n’arrivent pas à se sortir un Smic. Nous subissons une réelle baisse de fréquentation et constatons que rien n’est fait pour rendre le centre-ville attractif pour les Strasbourgeois. »

Manque d’accessibilité au centre, manque de communication à l’égard des touristes étrangers sur les restrictions de sécurité après les attentats, manque de toilettes publics, manque d’imagination et de modernité pour attirer les touristes… Les récriminations de l’équipe vis à vis de la situation et les frustrations quant à l’action des responsables locaux pour améliorer la situation du commerce au centre sont nombreuses.

« Jouer collectif »

Pour tenter d’y remédier, les fondateurs de Défis veulent faire de leur nouvelle association un moteur qui fédère tous les acteurs du centre-ville. Associations de commerçants de quartier, médecins, avocats et autres professions libérales ou de service, et même habitants… Pour Michel Pirot, il est temps de « la jouer collectif » :

« Il y a des très belles associations de quartier qui font un travail remarquable dans leur périmètre, mais il manquait une association qui fédère tous les courants de commerçants du centre-ville. Nous  voulons relever tous les problèmes qui y handicapent le développement du commerce et des activités. Nous voulons faire de lui un pôle économique de premier plan face à toutes les agressions commerciales extérieures et les mutations de la société : contrainte de sécurité, de lutte contre la pollution de l’aire, cohabitation des piétons, des vélos, des voitures et des transports en commun… Par ailleurs, Défis est une émanation de commerçants du premier étage du centre-ville, mais nous n’oublions pas ceux qui sont aux étages au-dessus et qui partagent les mêmes problèmes. Ils sont les bienvenus dans l’association aussi. »

La Grand’rue un mercredi après-midi. (Photo : Claire Gandanger/Rue89 Strasbourg/ cc)

Un nouvel interlocuteur pour la Ville ?

Défis entend s’imposer comme un interlocuteur incontournable de la Ville :

« C’est faux de dire que la ville ne fait rien, mais il reste des tas de chantiers.  Notre association veut accompagner de manière positive ses efforts. La Ville ne peut pas tout régler seule mais elle a les moyens pour nous accompagner. Nous sommes demandeur d’actions beaucoup plus engagées envers le commerce de proximité. Et rien n’est possible sans concertation. »

Les fondateurs de Défis ont retenu trois dossiers brûlants sur lesquels ils veulent être une force de propositions : Noël 2016, la politique de mobilité du centre-ville avec la gestion des stationnements disponibles et la politique tarifaire, et l’adaptation des événements commerciaux du centre aux nouvelles contraintes de sécurité après les attentats.

Jumelages européens

Pour optimiser la recherche de solutions, Michel Pirot souhaite établir des jumelages entre Défis et des associations de commerçants des grandes capitales européennes. Grâce à ses réseaux, des premiers contacts sont déjà pris avec Bruxelles et Madrid, « deux villes qui ont elles-mêmes dû faire face directement à des attentats ».

Pour Stéphane Coiffet, l’urgence est aussi de mettre en place une plateforme de concertation entre les acteurs du centre :

« Au-delà de la politique, nous pourrions facilement mettre des outils à la disposition des artisans et des commerçants pour que chacun fasse partie des débats. Je souhaite par exemple que la date de la braderie soit décidée à la majorité. »

Après les Vitrines, une volonté de transparence

À les entendre, on en oublierait presque que les Vitrines de Strasbourg tiennent aujourd’hui ce rôle d’interlocuteur de la Ville pour les commerçants du centre, et que Pierre Bardet et ses deux secrétaires s’y consacrent à plein temps.

Michel Pirot balaie les confusions :

« Nous voulons aujourd’hui avancer. Nous voulons occuper un terrain resté vierge dans le centre et qui n’a rien à voir avec le fait de se mettre en avant dans de l’événementiel. Défis ne sera pas une association de type les Vitrines bis. Les fonctions que Christine Lehmann, Yves Lequen et moi-même y avons exercées nous servent désormais d’expérience pour la suite. »

Christine Lehmann et Michel Pirot, anciens des Vitrines. (Photo : CG / Rue89 Strasbourg / cc)

De leur passage aux Vitrines, les trois commerçants ont tiré des leçons. Michel Pirot détaille :

« Nous sommes déjà assaillis de gens qui veulent adhérer. Nous avons tenu une assemblée constitutive à 7 le 20 septembre. Nous sommes tous dans le comité de direction de l’association pour trois ans. D’ici la prochaine assemblée générale prévue en 2018, on va étoffer ce comité par cooptation d’adhérents et de membres soutiens pour avoir un groupe de base. Nous voulons distinguer clairement les adhérents, qui ont le droit de vote, les membres de soutien, qui pourront donner des avis consultatifs et les mécènes et les partenaires. Nous voulons garder notre indépendance et serons garants d’une totale transparence. Les adhérents doivent avoir tous les procès-verbaux des réunions du comité de direction. »

Le président promet d’adosser au comité de direction de Défis à un comité technique consultatif constitué d’experts : avocats du droit de la consommation, spécialiste de la pollution de l’air, experts en comptabilité et assurances, etc.

Des commerçants soulagés

Du côté des commerçants, la confirmation de la rumeur de l’arrivée de Défis suscite l’intérêt et même le soulagement. Isabelle Meyer, patronne du salon de thé Christian, rue Mercière confie :

« Je suis très sensible à une telle initiative. Pour moi les Vitrines étaient une association par défaut, c’est comme s’il n’y  avait rien. Je n’y suis d’ailleurs pas adhérente. Elle n’est là que pour prendre de l’argent aux commerçants. Je viens justement d’interpeller Alain Fontanel (premier adjoint au maire, ndlr) pour lui dire que préférerais traiter dorénavant en direct avec la Ville plutôt que de rester derrière cet intermédiaire. »

Plus loin, un bijoutier confie :

« Il faut absolument faire revenir les gens dans le centre-ville. Je suis adhérent des Vitrines mais je ne suis pas marié avec, s’il vient autre chose, pourquoi pas. »

Chez les commerçants rencontrés, le traumatisme de Noël 2015 et l’épisode de la grande braderie de cet été – qui a eu lieu dans un centre-ville complètement bouclé par la police et inaccessible en tramway – revient sur toutes les lèvres.

La rue des Orfèvres un mercredi après-midi. (Photo : Claire Gandanger / Rue89 Strasbourg / cc)

#centre-ville

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