Des portraits, du fioul, et un baril en guise d’accusation. Sur un parking situé à trois-cents mètres du Parlement européen, vingt-quatre militants écologistes alignés brandissent à bout de bras et en silence des cadres contenant la photo officielle d’Emmanuel Macron ce mercredi matin. Dernière sortie en plein air pour ces portraits enlevés dans les mairies dans le cadre de l’opération « Décrochons Macron ».
Lancée en 2019 par Action Non-Violente Cop21 (ANV COP21), cette campagne visait à laisser un mur vide en mairie, pour dénoncer l’absence d’une politique efficace de lutte contre le réchauffement climatique de la part du gouvernement français. « C’était juste après l’Affaire du siècle, rappelle la strasbourgeoise Zoé Mary, porte-parole d’ANV COP21. Deux millions de personnes s’étaient mobilisées pour attaquer l’État en justice en raison de son inaction climatique, mais Emmanuel Macron avait répondu en disant qu’il ne changerait pas de cap politique ».
« Macron englué dans les modèles du passé
Dans le froid strasbourgeois, une partie des 151 portraits récupérés sont plongés dans du (faux) mazout, dans un baril portant l’inscription « Macron Guilty ». Il est 10h. Le chef de l’Etat doit s’exprimer devant le Parlement européen en fin de matinée, pour dérouler la feuille de route de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Zoé Mary s’empare d’un micro.
« Dans ce discours, il ne manquera pas de se présenter à nouveau comme un champion de la Terre. C’est absolument inacceptable. Nous sommes aujourd’hui venus faire le véritable bilan d’Emmanuel Macron. Le bilan de quelqu’un qui est coupable de sabotage climatique. Nous voulons lancer l’alerte sur son discours trompeur, son manque total de crédibilité. Il fait partie des coupables de l’aggravation du dérèglement climatique et il n’est plus possible de le laisser agir. »
Un militant s’avance, un cadre à la main, et le plonge dans le baril. « Pour symboliser un président Macron englué dans les modèles du passé, dans une vision périmée du monde, nous avons choisi de mazouter son portrait », poursuit Zoé Mary avant de laisser la parole à Pauline Boyer pour Greenpeace. Cette dernière poursuit le bilan, « catastrophique sur la transition énergétique, que ce soit en termes de retard dans le développement des énergies renouvelables, d’abandon des promesses de sortie du charbon d’ici la fin du quinquennat, ou la division par deux du nombre de passoires énergétique en France ». Elle regrette « qu’aucune véritable politique de sensibilisation à la sobriété énergétique, au questionnement de l’usage que nous faisons de l’énergie et de son développement n’a été posée ».
Un lobbying français en faveur du nucléaire
Par la voix de sa porte-parole, Greenpeace dénonce également le lobbying français dans l’élaboration de la taxonomie européenne, qui vise à distinguer les énergies polluantes des vertueuses. Cette classification permettra de flécher les investissements financiers dans le développement d’énergies propres. Or, « Depuis quelques mois, la France a pris la tête d’un lobby en s’alliant avec des pays pro-gaz pour inclure le gaz fossile et le nucléaire dans cette taxonomie, dénonce Pauline Boyer.
« Assimiler ces énergies polluantes aux énergies qui permettraient une vraie transition reviendrait à détourner de l’argent qui devrait être au contraire utilisé pour sortir des énergies fossiles. Emmanuel Macron ne sauve pas le Climat, il prend l’Europe en otage pour sauver le nucléaire ».
Frédéric Amiel, porte-parole des Amis de la Terre, est le dernier à prendre le micro. En dépit de ses participations à des sommets internationaux et des prises de paroles, le chef de l’Etat a, selon lui, « mené une politique internationale de soutien perpétuel aux énergies fossiles et continué à soutenir, avec tous les moyens de la diplomatie françaises, les projets de Total en Ouganda par exemple, ou ceux de grands pipelines traversant l’Afrique de l’Ouest. Il a surtout refusé de s’engager sur la fin des énergies fossiles ».
Tandis que la prise de parole se termine, les portraits sont noircis un à un dans le baril. À l’entrée du parking, un groupe important de CRS se prépare à intervenir. Il est 10h15 lorsqu’ils lancent une première sommation pour mettre fin à cette « manifestation illégale ». Les activistes ne résistent pas et quittent les lieux escortés par les forces de l’ordre. Les portraits sont abandonnés sur le bitume. Une image qui doit illustrer le sentiment de ces militants écologistes vis-à-vis du quinquennat d’Emmanuel Macron.
Chargement des commentaires…