C’est à l’occasion d’une conférence de rédaction publique à Hautepierre qu’une habitante du quartier a attiré notre attention sur une pratique étonnante. Des particuliers ou entreprises extérieurs au quartier viendraient en voiture y déposer leurs ordures dans les poubelles semi-enterrées sur les trottoirs. Elle-même avait entendu et vu depuis sa fenêtre un déchargement de déchets à 3 heures du matin.
La situation géographique de Hautepierre est importante pour comprendre l’origine de ces dépôts dits « sauvages » : le quartier de l’Ouest strasbourgeois est délimité par des axes routiers, la D41 au nord et l’A351 – N4 au sud, qui le relient directement à la communauté de commune du Kochersberg (la CoCoKo), voisine de l’Eurométropole.
À Truchtersheim et dans les 22 villages aux alentours, l’enlèvement des ordures ménagères est tarifiée sur une base fixe, à laquelle s’ajoute un supplément par ramassage du bac au delà du huitième par période de six mois (1,5€ par ramassage supplémentaire), et par kilo de déchet au delà du 10ème (15 centimes par kilo). Cette redevance incitative est appliquée depuis 2017.
Du côté de l’Eurométropole de Strasbourg, c’est une TEOM (Taxe d’enlèvement des ordures ménagères) qui s’applique. Un taux fixe s’applique à chaque logement sur la base de sa valeur locative, à l’instar de la taxe d’habitation. L’idée d’une taxe au poids ou au volume a aussi tenté le conseil de l’Eurométropole. Mais son application aux particuliers a été écartée pour ce mandat, renvoyée à un lointain « horizon 2026 ».
Un effet de frontière entre collectivités
Taxer la quantité de déchets incite à les réduire ou pour quelques uns… à les jeter ailleurs. D’abord dans son village, en se promenant dans les rues d’Ittenheim, une commune de la CoCoKo à 10 minutes de Strasbourg, on peut voir des sacs poubelles domestiques déposées dans les rares poubelles publiques de la ville.
Suzanne Weber, gérante du Restaurant de la gare, l’a constaté :
« J’ai vu des gens déposer leurs poubelles dans celles ouvertes à la mairie et au cimetière. Pour ceux qui travaillent ou vont faire leurs courses à Strasbourg, c’est possible qu’ils en profitent pour y déposer leurs poubelles. »
Elle estime que la redevance incitative a fait baisser la facture de « certains », mais « pas tout le monde » selon les habitudes et le stade de la vie :
« En été, j’aime manger des fruits de mer, mais avec ça dans mes poubelles je suis obligé de les sortir chaque semaine. Pareil quand on a des enfants avec des couches : on sort plus souvent ses poubelles et ça fait grimper la facture. »
Plusieurs de ses clients confirment le développement récent de combines pour ne pas faire comptabiliser ses propres déchets. Sur l’écrasante majorité des bacs noirs, des cadenas rouges vendus 30 euros par le CoCoKo ont proliféré, afin de s’assurer que le voisin n’en profite.
Une pratique marginale
L’étendue du dépôt d’ordures ménagères par des habitants extérieurs à l’Eurométropole dans les bacs d’Hautepierre est difficile à mesurer. Une fois dans les conteneurs, l’origine des sacs poubelles est complexe à identifier. Pour autant, les institutions ne nient pas l’existence du phénomène.
« Nos services sur le terrain nous rapportent que des gens viendraient déposer des poubelles dans les containers de nos parcs locatifs », explique-t-on du côté du bailleur social Habitation Moderne. Même son de cloche du côté de la direction de proximité, même si la situation serait plus caractérisée au Hohberg à Kœnigshoffen, également accessible par l’ouest et la Nationale 4.
Pour autant, la pratique reste « marginale » et la combattre n’est pas la priorité. « C’est trop peu pour que l’on constate une augmentation globale de la quantité de déchets », ajoute Habitation Moderne.
Une sortie poubelle qui peut vous coûter votre voiture
En théorie, ceux qui viendraient déposer leurs poubelles à Strasbourg en voiture risquent gros, rappelle Aurore Bellouet, directrice de la proximité des quartiers d’Hautepierre et des Poteries :
« Aller déposer ses ordures ménagères dans d’autres poubelles que la sienne, dans sa commune, est illégal. C’est du dépôt sauvage, même dans les containers communs. Mais à moins de prendre les contrevenants sur le fait l’infraction est difficile à constater. »
Le dépôt de déchets en dehors des containers de sa commune est passible d’une contravention de 3ème classe, soit 68 euros. Mais si les déchets ont été transporté à l’aide d’une voiture, la contravention s’élève alors à 1 500 euros en plus de la confiscation du véhicule. Les services de la propreté ont même développé des techniques permettant de retrouver l’adresse des contrevenants à partir des sacs poubelles douteux, mais les amendes restent rares si les contrevenants ne sont pas pris sur le fait.
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