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Début de la mue du zoo de l’Orangerie, les lynx s’en vont

Face aux critiques sur les conditions de vie des animaux, le zoo de Strasbourg, la Ville et les associations planchent sur un nouveau projet de « parc animalier. » Le consensus n’est pas facile à atteindre mais une chose est sûre : les lynx vont partir.

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Vous avez peut-être vu récemment de nouvelles cages apparaître devant les enclos du zoo de l’Orangerie à Strasbourg. C’était en fait les activistes de l’association Life 269 qui se sont enfermés pour sensibiliser les Strasbourgeois aux conditions de vie des animaux au zoo de l’Orangerie. Suite aux critiques à répétition sur la taille des enclos notamment, la Ville a fini par réagir.

Évoluer sur les bases du bien-être animal

Depuis février 2015, un groupe de travail est chargé de réfléchir aux évolutions possibles pour le zoo. Il rassemble des élus et l’association des Amis du Zoo, mais aussi d’autres associations comme Alsace Nature, la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) ou Code Animal. Christel Kohler, adjointe au maire de Strasbourg en charge de la « Ville en nature », explique les conditions préalables posées au groupe de travail :

« On souhaite conserver un espace de présentation des animaux. Mais la Ville a imposé un certain nombre de critères : le respect du bien-être animal, une orientation “faune européenne”, et une dimension pédagogique. »

C’est un minimum pour les associations de défense des animaux, pour lesquelles il est incompréhensible qu’un zoo proposant des enclos aussi petits soit encore en activité. Pour Chloé Kreppert, de l’association Life 269, observateur au sein du groupe de travail, le zoo de l’Orangerie est obsolète :

« Enfermer des animaux, c’est contre-nature, et c‘est un contresens écologique. L’argument des espèces à protéger, en fait cela ne représente que 20% des animaux. Et puis on ne préserve pas les espèces en les mettant dans des zoos ! Ces arguments sont fallacieux. Aujourd’hui, on fait du curatif et pas du préventif. Il faudrait plutôt créer des réserves naturelles. »

Les activistes de Life 269 plaident pour une fermeture totale du zoo (Photo Chloé Kreppert / Life 269 / Document remis)

Des processus judiciaires engagés

Les enclos qui abritent près de 470 animaux, vétustes et inadaptés, sont critiqués depuis plusieurs années : en 2013, l’association de défense des animaux Code animal a port » plainte contre le zoo pour non-respect de la loi relative à la détention d’animaux dans un établissement zoologique, notamment l’impossibilité pour les oiseaux de voler, et à propos du bétonnage des cages des singes et des lynx.

En 2016, le zoo avait fait l’objet d’un bras de fer entre la Ville et l’association des Amis du Zoo, qui gère le petit parc animalier : le versement de la subvention annuelle de 270 000€ avait été conditionné à des évolutions, notamment sur l’enclos des lynx, et sur la gestion financière de l’association. Changements qui n’ont pas vraiment été entrepris. Maintenant, la Ville et les associations planchent sur des projets pour réinventer complètement le zoo… ou pas.

Si tout le monde s’accorde pour “un” changement, le consensus est difficile à atteindre sur “quel” changement. Si l’adjointe Christel Kohler affirme que le groupe « a très bien travaillé », les discussions ont débuté avec des visions bien divergentes, entre les associations de défense des animaux qui ne veulent, pour certaines, plus de zoo du tout, et les Amis du zoo qui n’ont pour l’instant rien changé.

Quelque soit le projet retenu, la succession de petites cages ne sera plus de mise (Photo DL / Rue89 Strasbourg / cc)

Hamsters et putois pour réinventer le zoo ?

Malgré tout, des projets se dessinent. Le groupe a confié au cabinet de conseil Fox Consulting une expertise pour proposer une marche à suivre. Sur une centaine de pages, les consultants proposent de revoir complètement les objectifs du zoo. L’étude propose d’abord de réaliser de nouveaux locaux et des enclos moins nombreux, mais plus grands et permettant aux animaux de se soustraire aux regards des visiteurs.

Elle détaille ensuite les animaux qui pourraient être présentés. Ils ne pourraient être qu’issus de la faune locale et européenne. Pour les consultants, adieu les flamants roses et autres perroquets, bonjour les visons, chats forestier, grand hamster d’Alsace et autres putois. Aussi, l’étude préconise de proposer un vrai concept avec un scénario de visite et d’aménager des « salles pédagogiques », pour accueillir un public scolaire notamment, et permettre des échanges avec des professionnels.

Mais cette étude ne fait pas l’unanimité parmi le groupe de travail. Elle devait guider ses membres mais finalement, deux projets différents se dessinent et pourraient être soumis à la municipalité. Le premier est porté principalement par les associations Alsace Nature et la LPO, et l’autre par les Amis du Zoo…

Le rapport de Fox Consulting

Pour les écologistes, un espace interactif avec des espèces locales

Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, explique que leur objectif est de changer profondément le zoo pour un espace beaucoup plus pédagogique :

« Dans notre pré-projet, on resterait sur une présentation des animaux, mais dans une perspective qui prendrait bien en compte leurs besoins, qu’on expliquerait aux visiteurs. On ne peut pas montrer des vaches qui ne voient pas un brin d’herbe. L’objectif est de faire de l’éducatif. Ensuite, il ne faudra travailler qu’avec des espèces locales, expliquer aux gens la présence de la faune aux alentours, dire à quel endroit on peut voir tel animal, même dans le reste du parc. Ça pourrait être un focus sur le faucon pèlerin. »

Son pré-projet, l’association l’a travaillé avec le CNRS de Strasbourg (qui gère aussi le centre de primatologie de l’Université de Strasbourg, qui fait des recherches sur les macaques de Tonkean) :

« On ferait une sorte d’observatoire, avec nourrissage, etc. Tout en assumant que c’est le jeu, parfois l’animal est là, parfois pas. Le pôle lié au CNRS concernerait les corvidés et les macaques. Il faudrait modifier complètement la cage, même si le groupe va plutôt bien. On montrerait tout le travail de recherche : les stimuli, les liens avec l’homme… Ce serait une démarche de science participative. »

Pour les Amis du zoo, un « eurozoo »

En face, le projet des Amis du zoo, plus proche du service minimum, se concentrerait surtout sur un changement des espèces présentées, comme l’explique Nadia Messmer, actuelle responsable du zoo :

« Rien n’est encore acté, mais on s’oriente vers une présentation de faune européenne et on maintiendrait les macaques, qui sont attractifs pour le public et qui se portent bien. Au niveau des bâtiments, on est un peu coincé avec le bâtiment principal, avec le dôme, car c’est un monument classé. Mais on changera le reste, il n’y aura plus de succession de petites cages comme aujourd’hui et on mettra en place de grandes volières d’immersion. »

Ces projets sont encore susceptibles d’évoluer, d’autant plus qu’à la dernière réunion du groupe, vendredi 19 mai, les Amis du zoo ont indiqué vouloir se rapprocher d’Alsace Nature pour éventuellement proposer un projet commun.

Les Amis du zoo insistent, le parc est déjà en pleine évolution, et conscient des besoins des animaux selon Nadia Messmer :

« Même s’il y a des changements à faire, nous veillons au bien-être des animaux. Nous allons aussi changer la mini-ferme, dont la surface va être plus grande. Il y aura une salle d’exposition. Il y aura une plus grande volière pour accueillir tous les animaux de basse-cour. »

Pour les Amis du zoo, le bâtiment historique complique un changement complet des locaux (Photo DL/Rue89 Strasbourg/cc)

Les lynx, symbole du problème

Pour les plus critiques, ces aménagements sont loin d’être satisfaisants. À Code Animal, on considère que l’urgence est de sauver les deux lynx, dont les conditions de vie sont déplorables, comme l’explique Franck Schrafstetter, le président de l’association :

« Leur territoire est beaucoup trop petit et le sol en béton n’est pas du tout adapté. En plus l’animal n’a pas possibilité de se cacher. Il n’y a pas non plus de vraie enceinte, les gens peuvent balancer ce qu’ils veulent dans l’enclos et c’est dangereux. »

L’association est d’autant plus remontée qu’un parc animalier allemand, le Bärenpark Schwarzwald, a proposé depuis plus d’un an déjà, d’accueillir les lynx de l’Orangerie. Proposition relayée inlassablement par Code Animal :

« Maintenant, le Bärenpark Schwarzwald nous ont dit que si d’ici fin juin on ne faisait rien, c’en était fini des places réservées. Tout est dans les mains de la mairie et du zoo. Les Amis du zoo ont été contactés par le Bärenpark, ils n’ont jamais répondu. Nous sommes même prêts à organiser le déménagement. On n’a pas besoin d’attendre que les travaux du futur zoo soient entamés. »

Cette fois, l’acharnement a payé, car les Amis du Zoo viennent d’accepter de donner les lynx. Nadia Messmer confirme que des tractations sont en cours :

« Les lynx seront transférés cette année encore, peut-être cet été ou cet automne, il faut qu’on organise tout cela. C’est vrai que l’endroit où ils vont est chouette. »

Les lynx de Sibérie devraient bientôt être transférés dans un endroit plus adapté (Document remis)

Citoyens, à vos avis (enfin pas tout de suite) !

Rien n’arrête l’optimisme de Christel Kohler, qui affirme que le groupe de travail rendra bientôt publiques ses conclusions. Le projet final devrait être choisi en novembre. Mais avant cela, le grand public sera consulté, éventuellement sur les deux projets en cours, donc. L’adjointe explique le déroulement :

« Au cours de l’été, les projets proposés seront mis en ligne pour un recueil d’avis sur internet et en septembre, nous irons aussi à la rencontre du grand public au parc de l’Orangerie, dans les médiathèques et les autres parcs de Strasbourg. Il y aura des stands de présentation et un questionnaire sera mis en place. »

Dans le projet des Amis du zoo, les flamands roses et autres volatiles bénéficieront d’une « volière d’immersion » (Photo DL / Rue89 Strasbourg/cc)

Encore beaucoup de questions à régler

Malheureusement, l’idée d’un nouveau zoo potentiel semble encore loin. Car au-delà du concept, il faut réfléchir aux modalités concernant le personnel, les salaires, la nécessité de déplacer les animaux… Stéphane Giraud indique que quoiqu’il arrive, il faudra être pragmatique et se baser sur l’existant :

« Il y a bien sûr la question du financement de l’investissement et du fonctionnement. Mais ce qu’on essaye de porter, c’est la vision suivante : ne pas faire un projet hors sol, se baser sur les gens qui travaillent déjà sur le terrain, faire avec eux. »

Finalement, c’est Christel Kohler qui résume le mieux le challenge :

« Il y aura évidemment un modèle économique à inventer pour ce zoo. »

Au moins, d’ici là, les lynx auront sûrement déjà déménagé dans leur nouvelle maison.


#zoo de l'orangerie

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