Le 24 août, le « carticipant » Sébastien Brant (alias Pierre Schweitzer, architecte de formation, ingénieur développement dans le domaine du livre numérique, membre du bureau du MoDem Alsace et ancien candidat aux élections cantonales de 2011 sous la bannière Idées avec Lucia D’Apote, dans le quartier gare à Strasbourg) publie deux propositions complémentaires sur le site Strasbourg 2028.
Du petit hydraulique à la Petite France et à l’Abattoir
L’une concerne l’installation de « micro-turbines pour [produire de l’] électricité verte sous le pont de l’Abattoir« , l’autre plaide pour la création d’un « musée des Glaciaires et [de la] production hydroélectrique » à la Petite France, dans les murs de l’hôtel Régent, face à l’écluse et à la place Benjamin-Zix. Sur la fiche du pont de l’Abattoir (à côté de l’ENA), Sébastien Brant/Pierre Schweitzer développe :
« Les chutes de l’Ill sous le Pont de l’Abattoir pourraient recevoir des micro-turbines pour la production d’électricité « verte » [ndlr, entendre renouvelable, sans trop d’incidence sur le milieu naturel] permettant par exemple de recharger une flotte de voitures électriques en auto-partage. La passe à poissons sera réaménagée à cette occasion. »
Dans la foulée, à certains commentateurs sceptiques, Pierre Schweitzer répond qu’une « note de calcul précise a établi la capacité de production hydraulique de l’Ill à l’entrée de Strasbourg, tenant compte du débit de l’Ill, de la hauteur des chutes, du rendement des turbines, du débit réservé pour les poissons et la navigation, etc. Il en ressort que plusieurs centaines de voitures pourraient être rechargées chaque jour avec l’énergie de la rivière ».
Recharger 1 000 voitures ou éclairer 500 foyers
Ces calculs ont été réalisés en 2011, dans le cadre de la campagne des cantonales (à lire en 2ème partie du programme). Interrogé par nos soins, Pierre Schweitzer et Lucia D’Apote, sa colistière, croient encore au projet :
« Les turbines des Anciennes Glacières [ndlr, actuel hôtel Régent] ont fonctionné jusqu’à la fin des années 1980, c’est bien que le potentiel est là ! Actuellement, il serait néanmoins plus simple d’installer des micro-turbines sur le pont de l’Abattoir, qui est libre de toute construction. Nous avons rencontré le directeur d’Electricité de Strasbourg qui s’est dit ouvert à étudier le dossier, même si nous sommes conscients qu’aujourd’hui ES ou EDF sont plus intéressés par rentabiliser le parc nucléaire installé (mais vieillissant) que par investir dans le micro-hydraulique…
[Il n’empêche] dans nos calculs, en tenant compte des besoins de la navigation et des passes à poissons, le débit de l’Ill permettrait de produire soit de quoi alimenter environ 1 000 voitures en autopartage, soit tout l’éclairage public du canton gare, soit la consommation de 500 foyers hors chauffage. »
Seulement, plusieurs freins empêchent actuellement l’exploitation du débit de l’Ill à Strasbourg. Alors que divers entreprises (les Anciennes Glacières à la Petite France, mais aussi les Moulins Becker à la Ganzau, la papeterie Lana à la Robertsau ou l’usine de chocolat Suchard à la Meinau…) utilisaient naguère la force de l’eau pour produire de l’électricité, toutes ont cessé de le faire ces 20-30 dernières années.
Difficultés réglementaires : poissons, navigation, droits d’eau
Du coup, les barrages ont été progressivement démontés, conformément à des directives européennes de protection de la faune et de la flore, la navigation de tourisme s’est développée sur l’Ill à Strasbourg et VNF (Voies navigables de France) ne serait pas trop pressé de voir refleurir des turbines en ville. C’est ce que confie Pierre Ozenne, candidat sur la liste d’Alain Jund aux élections municipales (EELV) et ancien chargé d’études à la direction interrégionale de Strasbourg chez VNF :
« VNF est gestionnaire de l’Ill de Colmar à Gambsheim. A Strasbourg, on a pas mal de problèmes, avec des modifications à faire au Régent et à l’Abattoir pour une meilleure gestion des crues. Pour l’instant, on ne fait rien, parce que si l’on modifie quelque chose, ça va coûter très cher, notamment parce que ces barrages n’ont pas de passes à poissons, ce qui est illégal. Donc, même si l’idée de micro-centrales est très séduisante, le cadre réglementaire – les droits d’eau notamment -, les besoins importants de Batorama, le débit de l’Ill divisé en 5 bras à Strasbourg et les investissements qui devraient être consentis ne permettent pas de lancer ce type de projet tout de suite. »
Mais le jeune écolo de noter : « On y viendra peut-être si les prix de l’énergie continuent à augmenter. Il faudra alors faire un choix politique entre la nécessité environnementale de préserver la diversité piscicole et celle de produire de l’énergie ».
Le micro-hydraulique, pas encore la priorité de la CUS
De son côté, la collectivité (ville de Strasbourg et CUS) n’exclut pas non plus l’exploitation de petit hydraulique dans l’avenir, même si elle s’est d’abord concentrée sur la valorisation de sources d’énergie plus productives. C’est ce qu’explique Thierry Willm, chef du service énergie, réseaux et prospective à la CUS :
« Nous avons travaillé en priorité sur les projets d’envergure, comme les réseaux de chaleur à l’Elsau et à l’Esplanade [ndlr, et bientôt à Hautepierre ou au Wacken] alimentés par l’énergie fatale (perdue) de l’usine d’incinération, de la biomasse ou, dans le futur, de la géothermie profonde. Mais dans notre recherche d’autonomie énergétique, aucun levier ne sera négligé, ni le biométhane, ni l’éolien, le photovoltaïque ou l’hydraulique, actuellement sur le Rhin. Concernant le micro-hydraulique, nous n’avons entre nos mains pour le moment qu’une pré-étude de l’hôtel Régent datée de 2007. Si ce projet privé s’était fait, il aurait fourni une belle vitrine. Il n’est peut-être pas trop tard… »
Mais bientôt un élu en charge de l’énergie
Dans cette pré-étude du Régent, il est indiqué d’après le chef du service énergie que la rentabilité de la micro-turbine serait atteinte en 8 ans (calcul hors subventions publiques). Thierry Willm reprend :
« Même si nous avons notre ordre de priorités, dans les prochaines années, il faudra aussi exploiter des installations aux potentiels plus modestes, via, pourquoi pas, des initiatives privées ou citoyennes chapeautées par la collectivité. La part du nucléaire [dans la production d’électricité en France] va forcément baisser et l’on va devoir produire à l’échelle des quartiers, avec des hydroliennes ou des panneaux solaires, pour ne pas avoir à restructurer tout le réseau. »
Eurométropole dans quelques mois, la communauté urbaine de Strasbourg aura de fait une compétence élargie en matière de transition énergétique, avec autorité en matière d’organisation de l’énergie sur son territoire. Et, forcément, un élu en charge de cette question.
Avec la participation d’Eric Hamelin
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