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Deal au Lidl, guetteurs et hausse des prix… Le trafic de stups s’adapte au confinement

Fortement impactés par le confinement lié à la pandémie du coronavirus, les dealers adaptent les prix et les modes de livraison.

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« + » Kévin (tous les prénoms ont été changés) attend ce message depuis plusieurs jours. Le symbole envoyé par SMS indiquerait que son grossiste de cannabis vient de recevoir une livraison. Le jeune dealer en aurait bien besoin : il vient de vendre 800 grammes d’herbe en trois jours. En temps normal, il écoulerait une telle quantité en plusieurs mois. « Mais là, j’ai plein de nouveaux clients, certains habitent en dehors de Strasbourg et ils veulent des 100 grammes parce qu’ils n’ont plus rien là-bas… »

D’ordinaire, Kévin se féliciterait de ces commandes plus nombreuses. Sauf qu’avec la pandémie de Coronavirus et le confinement, les contrôles policiers sont bien plus fréquents et la pénurie guette…

Contrôle des attestations de déplacement à l’entrée du quartier de l’Elsau dans l’après-midi du samedi 28 mars. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

« Je me suis déjà pris une prune, c’est fini »

Kévin a très vite senti le risque accru du deal en période de confinement. Quelques jours après l’allocution présidentielle du 16 mars, il est interpellé au volant et écope d’une amende de 135 euros pour défaut d’attestation de déplacement. « Les gens ne comprennent pas que je ne veux plus me déplacer en dehors de Strasbourg. Je me suis déjà pris une prune, c’est fini », affirme le dealer.

Pour Rachid, vendeur de cannabis et de cocaïne, c’est le même changement de stratégie. Finis les SMS de commande avec adresse de livraison. Désormais, le Strasbourgeois invite dans le hall de son immeuble ou devant le Simply du quartier « avec attestation pour les courses », précise-t-il. De même, Kévin a récemment donné rendez-vous au milieu des rayons d’un Lidl.

Côté tarif, le jeune dealer de cannabis envisage d’augmenter le prix du gramme de beuh à 10 euros. « Vu les risques que je prends, je devrais vendre les 10 grammes à 100 balles au lieu de 90 », affirme Kévin, qui craint que ses stocks s’amenuisent à partir de la semaine du 6 avril. Si son grossiste parvient à le fournir, « en écoulant un kilo, je peux me faire mille balles de plus que d’habitude », espère-t-il. Tout dépend du « très très gros qui me vend. Il doit me dire lundi (30 mars, ndlr) si ça continue d’arriver d’Espagne… »

Masques, gants et hausse des tarifs

A Strasbourg, depuis le début du confinement, certains dealers de rue portent des gants bleus et masques chirurgicaux. Les vendeurs de cocaïne et d’héroïne utilisaient déjà ces accessoires en intérieur, notamment pour éviter d’inhaler la poudre, ou de tousser dessus. En temps de pandémie, les dealers gardent leurs outils de travail à l’extérieur. Sans doute craignent-ils d’être contaminés par les consommateurs de drogues dures, surnommés « zombies » par de nombreux jeunes trafiquants.

« Le trafic tourne au ralenti »

Avec la fermeture des frontières de plusieurs Etats européens, la baisse des quantités de drogues importées en France semble certaine. Aussi, la pression policière s’est accrue avec les contrôles liés au confinement sur tout le territoire : « Dès que vous êtes dehors, vous êtes suspects et donc contrôlés », rappelle un responsable local du syndicat de police Alliance. Selon lui, « il y a clairement moins de vendeurs dehors, le trafic tourne au ralenti. »

Pourtant, plusieurs dealers interrogés par Rue89 Strasbourg semblaient bien moins soucieux des stocks de drogues que du nombre de clients. Lors de la première semaine de confinement, Rachid a perdu un quart de sa clientèle. Un ancien dealer de cocaïne commente : « S’il n’y a plus de fêtes, c’est mauvais pour les affaires. » Pour l’approvisionnement, c’est « comme d’hab », affirme Rachid : en voiture pour plus d’un kilo de stup’ avec des guetteurs ici et là pour alerter en cas de contrôle.

Une réorientation du trafic

Même son de cloche du côté de Lasri (le prénom a été modifié), proche de plusieurs jeunes vendeurs strasbourgeois : « Ici, personne ne s’inquiète des stocks », assure-t-il. Selon un douanier basé dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur cité dans le journal Libération, « les contrôles ont quasiment disparu (…) Personne ne veut prendre de risques avec les stups. Les autoroutes, en ce moment, c’est « open fret » sur toute la France. »

Incertain sur sa clientèle comme sur son approvisionnement, le marché des stupéfiants entame une mutation qui inquiète les autorités. Les dealers avec un stock assuré feront de gros bénéfices. Les autres se retrouveront sans revenu, ni chômage partiel. Selon Le Monde, les trafiquants pourraient aussi se réorienter temporairement vers d’autres secteurs criminels. Dans les colonnes du journal, un responsable communication du syndicat Unsa Police évoque « le braquage de commerces et de distributeurs de billets. »


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