Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

De la cire, de la mousse et de la fumée pour la nouvelle saison du TJP

Renaud Herbin présente une saison 2016 / 2017 du TJP à Strasbourg en cohérence avec son chantier de rénovation entamé en 2012. Elle est à destination de tous les publics, des tout-petits aux adultes. Elle explore le rapport de l’humain à la matière – naturelle ou artificielle, liquide ou solide, marionnette élaborée ou élément brut.

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D’emblée, le directeur du TJP Renaud Herbin mentionne qu’il est le seul à diriger un centre dramatique national en tant que marionnettiste. De ce constat découle le ciment de la saison 2016/2017 du TJP : le façonnement, par l’humain, de la matière / marionnette – et vice-versa. La cire, l’eau, les fluides liquides ou gazeux, l’image, les objets, les formes : tout est prétexte à création, pour sortir, selon l’artiste, du « dualisme, de l’opposition entre l’inerte et le vivant. »

Rappelant les conclusions du Congrès géologique international qui vient de se tenir au Cap, Renaud Herbin souligne l’entrée de la planète dans « l’anthropocène ». C’est le moment où l’humanité est devenue « une force géologique à part entière », qui façonne le monde, autant que celui-ci la façonne. Selon Renaud Herbin, le théâtre se doit de raisonner avec l’actualité :

« On ne peut plus considérer l’interprète humain comme seul en scène, il est en partage, en négociation avec l’inerte sur le plateau. […] Il y a là quelque chose à creuser dans la représentation du monde, qui repose aussi la question de l’animisme. »

« Les hautes herbes » (Photo Gwendoline Descamps)

Pour commencer, Renaud Herbin

Renaud Herbin se veut rassurant, et plaisante : « je vous rassure, je n’ai pas l’intention d’occuper toute la saison avec mes pièces ! » Il faut dire que celle-ci commence par un gros focus sur les créations du directeur du TJP. « L’occasion », dit-il, « de montrer l’actualité de [son] travail », après un passage au Festival d’Avignon cet été et une tournée qui va l’amener de Thionville à Ljubljana.

C’est donc lors d’un « week-end » partagé avec les artistes Bérangère Vantusso et Célia Houdart que Renaud Herbin va présenter Milieu. Un spectacle de marionnette à fil manipulée à distance, fragile à l’extrême dans un environnement mouvant.

« Wax » (Photo Benoit Schupp)

La présence de Renaud Herbin se poursuit par Wax, proposition en création actuellement et destinée à une longue tournée. A partir de 3 ans, le spectacle est un « éloge de la tâche, de ce qui déborde, qui est imprévisible », et produit quantités de « Mannele » en cire.

Rencontrer l’au-delà

La forme de la marionnette permet de recréer un monde en changeant d’échelle, de jouer avec les ordres de grandeurs, les perspectives et le temps. Tout peut se distendre à merci. Plusieurs des spectacles de la saison s’inspirent de l’écriture cinématographique pour faire passer la scène ailleurs, dans une autre dimension plus propice encore à raconter des histoires.

Ainsi Je n’ai pas peur active une scénographie simple mais ingénieuse pour parler d’une cavale initiatique :une rencontre entre deux enfants dans une maison abandonnée. Ce sont aussi des histoires de fantômes et de morts que l’on retrouve dans Tria Fata, Les ombres blanches et Poudre noire, parfois foutraques, parfois plus inquiétants, mais défiant le rapport à la matière et à la densité.

White, de l’écossais Andy Manley, est un événement à Strasbourg tant Renaud Herbin a « du lutter pour réussir à le faire venir ». Deux clowns blancs sont prêts à tout pour protéger leur monde immaculé et uniforme… Qui ne manquera pas de se faire attaquer par des couleurs intrusives.

L’au-delà fantomatique va jusqu’à l’évanescence totale avec Evaporated Landscape une expérience sans interprète  – si ce ne sont les bulles, la fumée, la mousse et la lumière, à partir de 6 ans.

Expérimenter : fluides et numérique

Danser le flamenco avec l’eau et la vapeur pour partenaires, ou manipuler l’impression sur tissu par voie corporelle : Aurélien Bory poursuit l’exploration de différents territoires avec Stéphanie Fuster, du TJP au Musée d’Art Moderne et Contemporain (attention performance à date unique au musée). Renaud Herbin évoque « comme une espèce de tableau magique »…

Les hautes herbes d’Arnaud Louski-Pane s’attaque aussi à la manipulation des fluides, plutôt sous format gazeux, pour créer des situations et des images surprenantes de poésie. Dans Fruits of labor ce sont les vibrations de la musique en live qui définiront les contours de la performance de la belge Miet Warlop. « Une artiste importante, qui dégage une telle liberté, presque de la folie » selon Renaud Herbin.

Le mouvement de l’air, accueilli avec le Maillon et les Migrateurs, élabore, dans la foulée d’Hakanaï présenté la saison dernière, des interactions entre les danseurs et les images par le biais des technologies numériques, à partir d’un logiciel un tantinet magique créé par Aurélien Mondot. Une « technologie pointue au service d’un univers sensible », dira Renaud Herbin. C’est un univers plus low tech mais aussi plus loufoque qu’Alessandro Sciarroni présente avec Joseph Kids – en lien avec le festival Extrapôle, Pôle Sud et le Maillon.

« Le mouvement de l’air » (Photo Romain Etienne)

Comment l’on devient ce que l’on devient

Et si on se mettait à la place d’un enfant de 10 mois? La proposition de Sous un ciel bleu sans nuage est une expérience immersive, à envisager seul ou en famille, dès l’âge de… 10 mois donc. On pourrait aussi se mettre à tout faire du point de vue d’un architecte doublé d’un cambrioleur? C’est l’invitation de David Séchaux, artiste strasbourgeois, avec Archivolte.

« Leeghoofd » (Photo Clara Hermans)

Et si on se construisait à partir de tout ce qui nous tombe sous la main? Objets, associations d’idées, mots réels ou inventés, fantaisies dégénératives… Burlesques, drôles, inattendus :  ce sont les itinéraires proposés par Leeghofd (la « tête vide » ou « l’idiot » en néerlandais) et Quelles têtes? d’Yvan Corbineau et Elsa Hourcade.

Des chantiers ouverts

Pas de Giboulées cette saison, puisqu’il s’agit d’une biennale, mais des rencontres destinées aux professionnels et aux écoles d’art en juin, qui se termineront par un week-end d’ouverture au public. La saison 2016/2017 du TJP est parsemée d’occasions, pour les publics, de rentrer en lien et en partage d’expérience avec les artistes.

Les « week-ends », qui reviennent régulièrement pendant l’année, concentrent plusieurs spectacles et des moments de rencontre. Renaud Herbin les définit :

Ce sont des îlots, pour avoir le temps d’arpenter les propositions avec un invité. Des espaces poreux à l’actualité, pour décrypter et nommer le monde, à l’attention des adultes et des enfants.

L’occasion de retrouver Eve Ledig, une grande dame du TJP qui s’attaque à la question des sœurs avec Fratries, Carine Gualdaroni, très présente sur la saison, mais aussi Simon Delattre, en travail actuellement sur la grande scène du TJP pour la création à venir, Poudre noire, et le britannique Tim Spooner avec The voice of nature.

« MIO« , création surprise et participative sous forme de parcours dans la ville… (Photo Maudreano)

Une séance d’essai pour les 15-20 ans la semaine prochaine

La présence d’artistes au long cours permets d’envisager des expérimentations communes avec les amateurs, petits et grands, mais aussi avec les professionnels. S’adressant aux familles, aux adolescents ou aux adultes, les chantiers COI (Corps-Objet-Image) permettent de pratiquer et de découvrir le théâtre, ponctuellement ou toutes le semaines selon les formules.

Il est à noter qu’une première séance d’essai ouverte aux adolescents de 15 à 20 ans a lieu jeudi 15 septembre, de 18h à 20h (pour toutes les informations sur les chantiers COI, cliquez ici).


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