Une réduction à l’essentiel
Très tôt dans les années 60, au côté d’artistes tels qu’Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni, Buren questionne les limites de la peinture. Il développe un vocabulaire plastique réduit à l’essentiel et utilise des bandes verticales invariablement espacées de 8,7cm qu’il définit comme étant son « outil-visuel ». L’artiste intégrera alors sur l’ensemble de sa carrière la notion d’in situ. Depuis, ces deux éléments combinés sont devenus sa signature.
Au MAMCS, les carreaux de couleurs rappellent ses « cabanes éclatées« mais également son passage en 2012 à Monumenta (Galeries Nationales du Grand Palais à Paris). L’artiste proposait aux visiteurs de déambuler sous une forêt de cercles translucides de couleur.
1500m2 de carreaux colorés
Sur les 1500 m2 de verrière du Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, la cadence des couleurs et des bandes apportent quelque chose de différent. Mais quoi ? Les points de vues sont démultipliés. En fonction de l’heure, la lumière ou la saison (en hiver l’effet sera considérablement différent) l’œuvre se métamorphose et bouleverse l’architecture même du musée.
Notons toutefois que le résultat – aussi intéressant qu’il soit – fonctionne davantage quand le soleil frappe les surfaces colorées alors projetées au sol : la couleur explose. Lorsque le temps est maussade l’effet est moins grandiose.
Si l’œuvre se découvre à l’intérieur du musée, Daniel Buren nous invite à la regarder depuis l’extérieur. Celle-ci coexiste avec la suite de Fibonacci de Mario Merz. Comme si Mario Merz laissait sa place à Buren le jour pour reprendre ses droits à la nuit tombée. Buren n’a précisément pas le monopole de la verrière.
Un jeu de construction grandeur nature
Dans la salle d’exposition temporaire, le visiteur croise une trentaine d’éléments de bois peints construits, assemblés les uns sur les autres. L’expérience est à la fois physique et psychique. Dans une symétrie quasi parfaite, cette composition alterne entre un blanc presque éblouissant et une palette de couleurs (rouge, bleu, rose, vert, jaune, orange et violet). Les bandes alternées de 8,7 cm, son « outil-visuel » emblématique, sont discrètes mais visibles sur l’intérieur des modules en forme d’arche.
Daniel Buren joue sur la profondeur et sur la bipartition. Les formes géométriques (parallélépipèdes, cylindres, cubes, pyramides etc. ) rappellent le jeu de construction pour enfants. Un jeu qui permet de construire des tours, des ponts, des maisons, des villes et des villages entiers. Les cubes s’encastrent, s’assemblent, donnent la possibilité de multiplier les créations. Cette proposition ressemble à un village, un peu labyrinthique. Buren construit une « cité » dans laquelle nous sommes amenés à nous déplacer.
En plus d’une construction, l’artiste orchestre une chorégraphie pour ses visiteurs. Nous devenons, de façon éphémère, les danseurs de cette construction. Cette installation rappelle les heures, qu’enfants, nous avons pu passer à jouer au jeu de cubes. Reste une certaine frustration : les cubes nous servaient à construire, mais également à détruire – pour finalement mieux reconstruire – . Il est possible d’éprouver alors une insatisfaction face à l’œuvre de Daniel Buren. L’enfant se délecte de l’effondrement, de la destruction de sa construction et agit pour sa réparation.
Si le titre « Comme un jeu d’enfant » donne l’eau à la bouche et évoque une certaine simplicité, une dimension ludique et du plaisir d’édifier, de créer, on regrette la dimension un peu trop décorative, un peu trop « jolie » de sa proposition. L’exposition apparaît comme une proposition charmante (un peu trop) face à un désir inassouvi mais pas inavouable de participer à la création d’une œuvre en situation.
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