Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Le personnel de la CUS sera amputé pour trouver 67 millions d’économies

Cela risque d’être le fil rouge du mandat 2014-2020. Les recettes de la CUS baissent, mais pas encore autant que les dépenses. L’exécutif songe à se séparer d’une partie du personnel. Environ 1 000 des 8 279 emplois dans la CUS sont amenés à disparaître en six ans. L’agenda social présenté aux syndicats mercredi 12 novembre s’annonce douloureux.

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D’après son président, 97% du budget annuel de la CUS est contraint. (Photo JFG/ Rue89 Strasbourg)

Depuis septembre, les efforts demandés aux services de la CUS pour dépenser moins deviennent visibles. Malgré son succès, le Velhop ne voit pas d’argent supplémentaire injecté pour pallier les longues listes d’attentes. Les écoles strasbourgeoises doivent désormais payer leurs déplacements en bus si elles veulent se rendre à la patinoire, les piscines ne sont plus gratuites pour les clubs. Les préavis de grèves se multiplient dans le service de l’Éducation et de l’Enfance. Les médiathèques sont concernées à leur tour avec 8 CDD qui ne sont pas renouvelés d’ici la fin de l’année, dont 6 sont des compensations de temps partiels.

Première raison à cela, l’État français baisse sa dotation aux collectivités territoriales : 3,7 milliards de moins en 2015 pour un total de 11 milliards d’ici 2017. À la CUS, cela se traduit par 10 millions d’euros de moins dès l’an prochain puis encore 10 millions de moins la suivante et rebelote en 2017. Sur la même période, la contribution au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales passe de 583 000 à 1,17 millions d’euros par an.

Au total, ce sont 67 millions d’euros de moins sur 3 ans, pour un budget annuel de 1,4 milliard d’euros. Une baisse plus forte qu’anticipée qui a incité les dirigeants à repousser le débat d’orientation budgétaire au mois de janvier pour un budget qui sera entériné en février seulement.

Une manifestation des employés du service de l’Enfance et de l’Education (document remis)

En attendant, chaque maire doit retrouver ses pénates et racler les fonds de tiroirs, tandis que chaque direction doit « rendre des postes ». Augmenter les impôts pour compenser cette perte n’est pas l’option privilégiée à ce stade, même si « rien n’est exclu » a indiqué mercredi le président de la CUS, Robert Herrmann (PS). Une superbe opportunité pour l’opposition de droite d’attaquer ? Très peu, car l’agglomération est dirigée par une coalition gauche / droite scellée après les élections municipales.

Le nettoyage, premier service privatisé

Une des sources d’économies selon l’exécutif de la CUS est de procéder à des « externalisations », mot jugé plus neutre que privatisation. Le service de nettoyage des bâtiments gérés par la collectivité est le premier concerné. Lors du précédent mandat, cette solution avait déjà été adoptée lors de la réouverture de la piscine du Wacken, un cas qui semble donner satisfaction. Pour leur réouverture, la Kibitzenau et bientôt celle de Schiltigheim se mettent au diapason.

Pour Laurence Siry, déléguée syndicale de la CFDT à la CUS, la propreté n’est plus la même depuis cette externalisation, ce qui a fait fuir des habitués. Jean-Daniel Moussay, président de l’association Piscine pour tous, ne constate pas de différence.

Il s’étonne en revanche de ne voir que des hommes ce qui met certaines dames mal à l’aise. De plus, l’apparition de vestiaires mixtes ne sont pour lui qu’une manière détournée de faire des économies et moins de nettoyage, plus que « de ne pas séparer les familles ». La propreté du musée alsacien et de celui d’art moderne a aussi été confié à des compagnies privées.

Laurence Siry, de la CFDT : « l’absentéisme peut être le fruit de personnes qui abusent et qu’on peut identifier » (Photo JFG/ Rue89 Strasbourg)

Les écoles sont aussi concernées depuis cette rentrée. Quatre établissements strasbourgeois sur 112 sont déjà nettoyés par des entreprises. En septembre, le premier adjoint (PS) au maire, Alain Fontanel, indiquait que l’objectif est d’externaliser « autour de 10 écoles ». Le compte serait plus proche de 16 pour Roland Siffermann, délégué du personnel de la CUS pour le syndicat UNSA. La municipalité jure qu’il ne s’agit que d’environ 10% des écoles et accuse certains syndicats d’avoir une réflexion « idéologique ».

Ces externalisations, qui s’ajoutent à une réorganisation complexe en 2010 toujours mal digérée, et l’application des rythmes scolaires à la hâte, ce qui a demandé plus de travail sur le terrain, ont fait du service de l’éducation de la petite enfance « le point chaud » de la cette rentrée, avec déjà trois grèves depuis septembre. Il y a bien eu 7 demis postes dans la restauration scolaire ajoutés et 5 agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), mais cela ne compense pas le sous-effectif initial pour les syndicats.

L’absentéisme en question

Car pour la CUS, l’externalisation se justifie par un fort taux d’absentéisme des agents de la CUS, surtout dans le domaine du nettoyage. Un métier pour lequel les personnes chargées de l’entretien sont les premières au contact des microbes et plus susceptibles de tomber malade. Les syndicats, de toutes tendances, ne nient pas le problème comme l’explique Bertrand Blindauer, représentant du syndicat majoritaire, la CGT :

« Depuis 6 ans, nous avons demandé une expertise sur l’absentéisme. Il peut avoir des causes multiples comme le management ou les conditions de travail. Cette demande est toujours restée sans réponse. »

Même l’UNSA, qui n’appelle pas à faire grève en ce moment, contrairement aux deux syndicats majoritaires CGT et CFDT (60% à eux deux), regrette que cette question n’ait jamais été abordée, malgré des demandes répétées. En 2013, un rapport de la chambre régionale des comptes indiquait que le taux d’absentéisme chez les agents de la CUS est de 19%, soit 38 jours d’absence par an en moyenne. Sauf que cette étude additionne des situations très variées telles que les formations, les congés de maternité, les longues maladies, les accidents de travail, etc. Laurence Siry, comme beaucoup de syndicats, est aussi gênée par ce calcul :

« Il peut y avoir des personnes qui abusent dans certains services et on peut les identifier, mais les conclusions qui ont été tirées de ce rapport ont été de penser que tout le monde est concerné, ce qui n’est pas vrai et insultant pour les agents dévoués. »

Manifestation du personnel des médiathèques le 5 novembre (document remis)

Avant le premier mouvement de grève au service de l’Enfance et de l’Éducation du 29 septembre, Alain Fontanel et l’adjointe au maire à l’Éducation Françoise Buffet avaient indiqué à la presse que la question de l’absentéisme sera étudiée en profondeur, mais à ce jour aucun projet n’est sur la table. Peut-être qu’une rencontre entre l’exécutif de la CUS et les syndicats mercredi 12 novembre sera l’occasion de présenter les mesures de la municipalité sur cette question.

Des visions totalement opposée du service public

Pour les élus, le nettoyage n’est pas le cœur du service public, mais une annexe de celui-ci. Mais pour les syndicats, certains domaines ne peuvent être confiés au privé si l’on souhaite une certaine qualité, comme l’explique Laurence Siry :

« Je n’ai pas de problème à ce que l’on fasse nettoyer un bureau par une société. Si c’est nettoyé le matin, cela restera propre pour la journée. Mais dans le cas d’une piscine et de l’accueil d’enfants, il y a des exigences d’hygiène plus élevées. Les enfants passent du temps par terre, il faut quelqu’un en permanence sur place. L’entreprise passera à 8h le matin, mais ira faire autre chose ensuite et à 10h ce ne sera déjà plus propre. S’il faut maintenir un salarié du privé en permanence sur site, alors je ne vois guère où est l’économie… »

Les locaux de la CFDT, au rez-de-chaussée du bâtiment place de l’Etoile (photo JFG Rue89 / Strasbourg)

Lorsqu’à l’école Schwilgué, l’entreprise mandatée n’est pas intervenue le 20 octobre, les agents de la CUS ont dû être mobilisés. D’autres manquements avaient déjà été constatés. Pour les syndicats, même si le montant de la facture est plus bas, la privatisation entraîne soit une baisse de qualité, soit des coûts cachés comme les contrôles.

Élections syndicales le 4 décembre

Pour Roland Siffermann, il n’y aura pourtant plus jamais d’embauche d’agent d’entretien à la CUS :

« Il ne faut pas faire croire à certains agents, qu’ils vont perdre leur emploi. Les fonctionnaires sont titulaires de leur grade, mais ils ne sont pas propriétaires de leur poste. La privatisation du ménage on n’y échappera pas. En tant que syndicat, on souhaiterait bien sûr qu’il y ait plus de moyens pour le service public, mais en tant que citoyen, on ne souhaite pas payer plus d’impôts, c’est une position presque schizophrénique. La municipalité nous a indiqué qu’il était possible de discuter sur les aménagements pour éviter les accrocs sur le terrain et nous voulons travailler dans ce sens. Par contre, nous sommes très attentifs à la situation des contractuels et aux CDD non renouvelés. Est-ce justifié et quelles difficultés cela pose sur le terrain aux titulaires qui doivent en faire plus, avec moins de moyens ? »

Le genre de position qui vaut à l’UNSA d’être accusé de « suiveur » par les autres syndicats. Bien que les tensions soient fortes, les syndicats sont très divisés car le 4 décembre, les agents votent pour les élections de leurs représentants. Avec actuellement 9 syndicats, difficile de coordonner les actions en pleine campagne électorale. La CGT, CFDT, FO, et SUD ont tout de même porté plusieurs actions communes :

« Nous ne sommes pas d’accord sur l’attitude à adopter dans ce conflit, notamment sur le nombre de jours de grève, mais nous sommes d’accord sur les constats », explique Laurence Siry.

« Étant donné la situation, nous n’avons pas le temps de nous occuper des élections. Quelle meilleure campagne que montrer comment nous défendons les employés aujourd’hui ? » répond Bertrand Blindauer.

Les vacataires des musées doivent former ceux qui vont prendre leur boulot

Autre critique, plus partagée, les syndicats reprochent de ne pas savoir à quel rythme les externalisations et réorganisations se déroulent. La seule information à ce jour est que le budget du personnel doit être exactement le même en 2020, malgré l’inflation, l’augmentation des besoins ou les augmentations dues au glissement vieillesse technicité (GVT). Roland Siffermann pense qu’une partie importante des réductions de personnel seront faites dès cette année, quand d’autres redoutent que le pire est à venir. Là encore, les arbitrages de la CUS seront présentés aux syndicats le 12 novembre et peut-être rendus publics. Alain Fontanel, en charge du dossier, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Jeudi 6 novembre, les vacataires chargés de l’accueil du public des musées de Strasbourg ont été reçus, à leur demande, pour faire le point sur la situation. Le personnel administratif, embarrassé, a dû leur annoncer que les vacations allaient disparaître car la légalité des ces contrats est contestée. Avant de partir, les vacataires sont même tenus de former les étudiants qui doivent les remplacer à l’avenir. Là encore, aucune date n’a été annoncée et les 25 vacataires se retrouvent dans l’expectative. Certains travaillaient pour la CUS depuis 19 ans.

Bien que riveaux aux prochaines élections syndicales, CGT et CFDT manifestent ensemble. (document remis)

Autre annonce qui a semé la panique : le fait « qu’au minimum 50% des ATSEM seraient remplacés ». Le genre de terme qui ouvre à interprétation. Le chiffre sera-t-il de 90%, 70% ou restera-t-il « au minimum » ? Jusqu’à janvier, aucun CDD n’est renouvelés et les embauches gelées. Et ça, c’était avant que le budget soit repoussé.

Le 1er janvier, la CUS deviendra la deuxième « métropole » française, avec Lille-Tourcoing-Roubaix, ce qui doit lui donner plus de compétences. Sans budget afférent et avec plombée par des décisions qui risquent de mécontenter ses agents, les annonces triomphantes risquent de devoir patienter.


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