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« …Cupidon s’en fout », ou le refus de la conformité au Ballet du Rhin

Le Ballet de l’Opéra national du Rhin ouvre cette saison 16-17 sous le sceau de la distinction avec …Cupidon s’en fout. Le jeune chorégraphe Étienne Béchard, formé au Ballet Béjart de Lausanne, signe avec sa compagnie et les danseurs du Ballet du Rhin un spectacle audacieux. La poésie et l’humour y défient les effets de masse et le conformisme.

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Étienne Béchard cherche à « passer un message » à travers la danse. Même s’il reconnaît que le mouvement est un vecteur de sens moins évident que la parole. Avec la compagnie qu’il a co-créée à Bruxelles en octobre 2010, Opinion Public, il revendique le fait de parler de la société dans laquelle nous vivons. De la place de l’homme au cœur de celle-ci. En s’appuyant sur la formation classique des danseurs, mais aussi sur le cirque, le mime, la danse Hip Hop… Le refus d’être enfermé dans les codes est un cri de ralliement pour Opinion Public :

La compagnie Opinion Public a pour but d’être en perpétuelle évolution humaine et artistique, elle refuse et refusera les carcans idéologiques et partisans qui nuiraient à son épanouissement. Elle s’inspire et s’inspirera d’événements et de circonstances mais jamais ne figera sa vision…

Anna-Maria Maas dans « Cupidon s’en fout » (Photo JL Tanghe)

L’amour dans la résistance

« Il est des jours où Cupidon s’en fout » chantait Georges Brassens avec un humour teinté de mélancolie. …Cupidon s’en fout d’Étienne Béchard, travaillé en collaboration avec les autres membres de la compagnie, est une réflexion sur la possibilité de faire émerger des destins singuliers dans un monde standardisé et conformiste. En puisant dans les racines mêmes de ce monde effrayant, le ballet se constitue par l’amour. Il accepte et ingère les codes pour les détourner et les amener ailleurs. De là à penser que ces codes de conformité pourraient être, par transposition, ceux de la danse classique, il n’y a qu’un pas.

L’occasion de travailler, à la demande d’Ivan Cavallari, avec les 30 danseurs du Ballet du Rhin, était trop belle pour Étienne Béchard. Elle permettait de créer cet effet de masse critique, de donner au groupe un corps plus grand, monstrueux. Le groupe de danseurs, masse de mouvement coordonné, devient-il une machine à écraser les individus? Ou est-ce la seule issue, le choix de l’appartenance au groupe? L’amour et la figure du couple vient s’ériger comme un défi au groupe, à ses exigences et à ses lois. « L’amour a-t-il sa place ou Cupidon s’en fout ? » s’interroge le chorégraphe. En trois tableaux, saisons de la vie humaine, il distille l’esprit de rébellion de sa compagnie dans les Ballets du Rhin.

Un vocabulaire chorégraphique singulier

La compagnie Opinion Public se fait fort d’aller chercher des références chorégraphiques à différentes sources. Il s’agit de panacher les mouvements pour créer un vocabulaire chorégraphique singulier. Étienne Béchard propose aux danseurs du Ballet du Rhin de faire la part belle à la danse au sol et à l’exploration des portés aériens. Naviguant sans cesse entre ciel et terre, la danse prends ici des allures acrobatiques. Souvent, les corps des danseurs ondulent comme un banc de poissons, et la couleur sombre et bleue ajoute à cette sensation marine.

Si Étienne Béchard travaille régulièrement sur une base chorégraphique néo-classique, ses propositions vont aussi chercher l’inspiration ailleurs. On retrouve dans la gestuelle développée dans …Cupidon s’en fout des mouvements de danse Hip Hop, de mime, parfois même des clins d’œil au yoga ou à la capoeira. Cet éclectisme donne à la danse une vigueur complexe et teintée de surprises. Étienne Béchard active tour à tour humour et poésie par « petits points sensibles  » pour « chercher l’émotion » des spectateurs.

Hamilton Nieh et Monica Barbotte, premier couple de « …Cupidon s’en fout » (Photo JL Tanghe)

Les deux premiers tableaux optent clairement pour la dichotomie groupe / individus en couple, en référence au conformisme de la société humaine. Un couple, rebelle, vient défier l’ordre établi du groupe. On peut y voir des réminiscences de la chanson The Wall de Pink Floyd, tube rebelle et planétaire de 1979. Les briques, les uniformes, l’école, le professeur autoritaire et le groupe qui rappelle à l’ordre, tout y est. L’on perds un peu de cette mécanique simple et efficace en arrivant au 3ème âge. Les danseurs y sont plus marqués dans leurs individualités, par les costumes et les gestuelles. Le contraste avec le couple rebelle prends une autre teinte, plus diffuse et mélancolique.

Du neuf pour les danseurs (et les spectateurs) du Ballet du Rhin

Nul doute que cette exploration de codes variés et, pour certains, très loin de la danse classique, donne un souffle neuf aux danseurs du Ballet du Rhin. C’est sans doute cela qu’Ivan Cavallari est allé chercher en invitant Étienne Béchard à chorégraphier cette création. Les danseurs présentent dans cette pièce un travail différent, qui les emmène avec grâce hors de leur zone de confort – et étends aussi les horizons des spectateurs. Ce pas de côté permet d’apprécier encore d’avantage les qualités des danseurs du Ballet du Rhin – et, par la même occasion, celle des danseurs d’Opinion Public -.

La même audace éclectique vient animer les choix musicaux. On alterne entre une musique électro à résonances concrètes, mécanique brouillée, et des moments de lyrisme. Les morceaux lyriques font la part belle à la voix humaine, de la Casta Diva de Bellini à la verve tranquille de Georges Brassens. Ces choix, apparemment très contrastés, se rejoignent dans une certaine évidence, une sorte de reconnaissance populaire. Ils accompagnent, à leur façon, le message du spectacle, dans la même direction.

Un spectacle attendu

La salle de l’Opéra du Rhin était pleine pour accueillir la création d’Étienne Béchard. Un tonnerre d’applaudissements et des « bravos » sonores sont venus couronner la première représentation strasbourgeoise. Vous avez jusqu’à dimanche pour venir profiter de cette pièce à l’énergie fougueuse et positive.


#Opéra national du Rhin

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