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Cuisine politique : pourquoi la gauche du PS va peser sur les municipales de 2014

On pourrait croire que rien n’a bougé au PS du Bas-Rhin mi-novembre, quand Mathieu Cahn, 1er secrétaire fédéral du Bas-Rhin depuis 2005, a été réélu avec 68% des voix des adhérents. Seulement, à y regarder de plus près, les soutiens dont a bénéficié l’adjoint au maire de Strasbourg en charge de la vie associative sont tout sauf anodins. Et marquent l’ambition de l’aile gauche du PS de peser sur les municipales de 2014.

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Mathieu Cahn, 1er fédéral du PS 67, et Syamak Agha Babaei, 1er fédéral délégué (Photo Marie Marty)

La réélection de Mathieu Cahn au poste de 1er secrétaire fédéral du PS 67 n’a pas fait couler beaucoup d’encre en novembre 2012. Il faut dire que le suspense était nul, son opposant Jean-Michel Augé étant battu d’avance, alors que tous les autres candidats s’étaient retirés ou ralliés à Mathieu Cahn.

La guerre des blocs : le risque que personne n’a pris à un an des municipales

Or, à y regarder de plus près, des choses étonnantes se sont passées qui éclairent l’année politique à venir. D’abord, Mathieu Cahn, 37 ans, devient le 1er secrétaire fédéral au mandat le plus long de l’histoire locale du PS. Et ce, alors qu’il était a priori loin de faire l’unanimité. Usé par sept ans de direction locale et quatre ans en poste à la mairie de Strasbourg en tant qu’adjoint, l’apparatchik aurait pu se retrouver sur le carreau, sorti du jeu par le bas et « mort politiquement », avance-t-on. Paul Meyer, son nouveau porte-parole, rappelle le contexte :

« Avant 2012, sous la direction de Mathieu, la fédération était tenue, mais balkanisée. Il n’y avait pas vraiment de développement ni d’ouverture. C’était surtout une machine à délivrer les investitures. On était dans la paralysie et beaucoup de gens n’étaient pas satisfaits…

En parallèle, il y a eu une évolution sociologique au PS à Strasbourg : c’est la gauche décomplexée, celle de Martine Aubry, qui a gagné aux primaires en 2011, contre la « gauche molle » (ndlr, celle de François Hollande, soutenu localement par Mathieu Cahn ou par le maire Roland Ries). »

Conclusion : difficile mi-2012 pour Mathieu Cahn de ne pas compter avec le courant de Benoît Hamon – rallié au niveau national à la motion 1, celle de Aubry-Désir – auquel appartiennent les conseillers municipaux Paul Meyer et Syamak Agha Babaei. Difficile mais pas impossible, juge le 1er secrétaire, qui s’est octroyé d’autres soutiens. « Nous aurions pu gagner sans eux », clament-ils donc tous, « mais nous aurions été dans une situation de blocage ». Une guerre de positions à un an des municipales, un mauvais calcul que personne n’a souhaité faire.

Ries, Herrmann, Trautmann, pas de base mais une influence

Si bien que très vite, des alliances de circonstance, à défaut de convergences de vues sur le fond (les uns se réclament de la social-démocratie, les autres de la social-écologie), ont commencé à s’opérer. Mathieu Cahn, qui peut compter sur 20 à 30% des votes des adhérents, épaulé par les « Illkirchois », le député Philippe Bies et le président de la CUS Jacques Bigot, a engrangé les soutiens de Roland Ries, Robert Herrmann et Catherine Trautmann. Des grands élus qui n’ont pas de base militante importante mais une capacité d’influence certaine.

Et puis il a fallu se rabibocher avec Armand Jung, l’autre député PS du Bas-Rhin, très fortement implanté dans les sections de la gare et de Kœnigshoffen. Pour mémoire, le député Jung avait appelé à voter Syamak Agha Babaei en 2009, lors du précédent vote pour l’élection du 1er secrétaire, où déjà Mathieu Cahn briguait sa réélection. Ce dernier commente :

« Nous avions tous le même impératif en étant aux manettes à Paris et à Strasbourg : ne pas faire replonger le PS local dans des luttes comme entre 1998 et 2005 (sous les 1ers secrétaires Philippe Bies puis Stéphane Fraize), où le PS était à feu et à sang.

Nous avons beaucoup discuté entre nous, il y a eu des réunions, des allers et retours, du tricotage permanent, pour finalement arriver à l’évidence : il fallait se rassembler pour conserver la ville et personne d’autre que moi ne pouvait porter ce rassemblement. »

Syamak Agha Babaei confirme :

« Avec cet accord, nous avons la volonté de sortir des années où tout le monde se tapait dessus. On n’est plus aujourd’hui dans une logique d’élimination des uns et des autres, comme ce qui s’est fait au PS ici depuis 40 ans… »

Victoire par procuration d’Armand Jung et du MJS

Noble ambition. Partagée peut-être par d’Armand Jung et son poulain l’adjoint au maire, conseiller général et député suppléant Eric Elkouby, pour qui l’opération aussi est belle. En apportant le soutien de ses sections, Armand Jung montre qu’il faut compter avec lui à Strasbourg, et donc à la mairie où, se plaindrait-il, Roland Ries ne l’invite pas assez… Les deux hommes seraient en froid depuis quelques années sans raison identifiée, sinon un « faisceau de récriminations », note un socialiste.

Du côté de la gauche du PS, chez Syamak Agha Babei (son blog), Paul Meyer et leur réseau MJS (mouvement des jeunes socialistes), on a également pu savourer cette alliance au goût de victoire. Le premier prend le titre de 1er secrétaire fédéral délégué jamais concédé dans le Bas-Rhin auparavant. « Un signe de faiblesse de celui qui le donne, juge un cadre PS, et une rupture complète avec la méthode Cahn précédente. Aujourd’hui, le 1er fédéral doit partager les fichiers et les ordres du jour… C’est une révolution ! »

Le second, Paul Meyer, connu pour ses petites phrases sur les réseaux sociaux, prend le poste de porte-parole et la coordination de la « fédé ». Carrément un coup d’Etat ? Oui… et non. Mathieu Cahn se rassure :

« Après avoir conclu un accord, il fallait que chacun trouve sa place. Or aujourd’hui, même si peu de gens croient dans cet attelage, je vais faire en sorte que ça marche. Syamak par exemple, instrumentalisé en 2009 par Armand Jung, qui avait appelé à voté pour lui contre moi, est aujourd’hui dans un accord politique.

Ceux qui croient que je suis pris en sandwich entre Paul et Syamak oublient qu’ils n’ont pas trouvé d’autre candidat à mon poste et ne veulent pas que ça marche. Aujourd’hui, je peux affirmer que j’ai l’équipe la plus forte sur laquelle j’aie jamais pu compter. »

La nouvelle direction roulera pour Roland Ries

Cahn plus libre qu’il ne l’a jamais été ? Si certains militants le croient, c’est une mauvaise blague pour ceux qui se moquent en coulisses de cette alliance improbable entre gauches « molle » et « décomplexée ». Ceux qui ne voient pas forcément d’un bon œil cette nouvelle direction toute disposée à appeler Roland Ries à se représenter en 2014. Le député Philippe Bies et Olivier Bitz, chef de file du PS au conseil municipal de Strasbourg, se sont par exemple déjà exprimés en faveur d’une nouvelle candidature du sortant.

Il n’empêche, cette nouvelle direction ne cache pas ses ambitions : développer sa base, faire du PS un acteur plus visible dans la ville en déménageant son siège de Neudorf vers le quartier gare, monter un projet pour 2014 et « discuter avec toute la gauche et plus seulement avec les Verts », martèle Syamak Agha Babaei. Et surtout… peser sur la constitution de la liste d’ici la rentrée 2013.

Même si « aucune promesse n’a été faite » assurent les différents protagonistes, l’objectif est clair : figurer sur la « short list » (les 12 ou 15 premiers sur 65 places au conseil municipal) qui seront élus même en cas de défaite de la gauche en 2014. Si l’on y ajoute une pincée de Verts et une autre de société civile, le compte est vite fait et les pronostics faciles à faire.


#Armand Jung

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