Mon point de départ est le Quai Schoepflin. Je passe le barrage policier et militaire qui me permet d’entrer dans la Grande Île et ce sans encombres ni fouilles. J’arpente la périphérie du vieux Strasbourg, à l’intérieur du périmètre de bouclage. Je me dirige vers le quai de Paris. Je choisis de parcourir ma boucle du centre dans le sens anti-horaire, direction les Ponts Couverts. La rue est quasiment déserte, ça change. Seuls quelques bus de la CTS circulent, mais la rue reste globalement vide de tous véhicules à moteur. Je me permets des foulées sur la route, chose impossible en temps normal et j’arrive à la Petite France que je trouve charmante sans aucun véhicule.
Regagner sportivement le centre ville.
D’un point de vue sportif, le cœur de la ville piéton est, je dois l’avouer, très confortable. Ma méfiance naturelle des “chauffards” ou autres cyclistes qui déboulent n’a là plus lieu d’être. Je gagne petit à petit la rue du Vieux Marché aux Poissons. Ça se complique : les rues sont noires de monde, bondées de touristes venus pour les fêtes de Noël qui, avec mon short et mes baskets fluos, me regardent comme une attraction touristique.
Aujourd’hui pas d’odeurs champêtres que je peux rencontrer lorsque je m’entraîne dans le Kochersberg, ni d’odeurs de forêt que je rencontre lorsque je cours sur les sentiers vosgiens, mais des senteurs de vins chauds, choucroutes à emporter, et autres marrons chauds. Après un subtil slalom entre les visiteurs de la ville, je me retrouve à la hauteur de la rue des Veaux à nouveau bien plus isolée.
Fuir l’atmosphère en courant
L’atmosphère est particulière, la situation est particulière, ce chemin de course est particulier. M’entraîner ici me met quelque peu mal à l’aise lorsque je repense aux tragédies qui ont poussé à la mise en place des mesures de bouclages. Mais cela me fait finalement du bien pour me détacher de toutes ces horreurs et je me dis qu’il faut continuer à vivre. Courir dans Strasbourg fait partie de ma vie.
Je boucle la boucle -d’un peu moins de quatre kilomètres – en longeant les quais de l’Ill dans un silence inhabituel, perturbant, à la limite du pesant. Courir ici , comme ça, a une saveur très spéciale. Je ne considère par ces rues vides comme un privilège, encore moins une chance mais simplement une triste conséquence et je ne m’y sens pas à l’aise.
D’habitude quand je mets mes baskets aux pieds, je parviens à faire le vide, à décompresser mais ici, je ne parviens pas à me détacher: chacune de mes foulées me remémore trop la raison de cette étrange situation. Ce climat est trop anormal à mon sens : habitué à tirer mes entraînements en longueur, je me contente de cet unique tour et de rentrer chez moi sous le regard des militaires armés mais souriants.
Drôle d’ambiance.
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