Le « rez-de-chaussée » est plongé dans l’obscurité, des néons rouges posés au sol éclairent l’espace et créent une atmosphère surfant entre intimisme, chaleur, inquiétude et angoisse : de grands portraits sont mis en lumière de cette façon on les distingue difficilement, on ne comprend pas sur quelle étrange matière ils sont mais, comment sont-ils réalisés ? Mohammed El Mourid présente ici les œuvres qu’il a réalisées lors d’une résidence du Ceaac en Corée d’avril à juin 2011. Les photographies sont reproduites sur des peaux de chèvres donnant une impression d’images à la fois anciennes et intemporelles, ce qui ajoute à l’étrangeté de la scénographie : ambiance à découvrir.
Montez ensuite jusqu’à l’espace occupé par Dorothy M. Yoon : lumineux, éclairé, les œuvres sont dans des tons plutôt pâles, choc que ce passage entre ces deux espaces, ces deux types d’œuvres, ces deux artistes. Je pourrais vous dire que je suis désolée de ne pas vous parler de l’exposition « Doppengängler », de vous avoir peu parlé de Mohammed El Mourid parce que je vais plutôt vous parler de ce coup de cœur que j’ai eu pour le travail de Dorothy M. Yoon, mais je ne le suis pas vraiment…
Cette jeune artiste coréenne présente deux types de travaux : des petits tableaux réalisés au point de croix et de grandes photographies.
L’activité du point de croix peut étonner, elle a un petit côté désuet, poussiéreux, ce sont nos grand-mères qui en font (dans l’imaginaire commun, ce qui est faux, nous sommes bien d’accord), c’est une activité féminine, etc. voilà ce que l’on peut entendre à ce sujet. D’autres artistes tels Annette Messager ont utilisé cette technique dans des œuvres la « dékitchisant » au passage.
Dorothy M. Yoon inscrit au point de croix des insultes dans de nombreuses langues, les fils utilisés par l’artiste sont de couleurs différentes et pas un seul cadre n’est identique : « merde ! Putain ! Shit ! » etc. C’est ce qui est écrit, c’est drôle et surprenant. Mais, ces injonctions on les dit comme des automates, on n’y réfléchit plus, on les utilise à toutes les sauces et là on les voit et on se rend compte qu’il s’agit d’un abus de langage, on utilise des termes que que l’on galvaude alors qu’ils ont des significations qui ne sont pas anodines.
Puis, il y a ses grandes photographies : atmosphère fantastique dans une ambiance classique. Dorothy M. Yoon revisite le portrait classique ancien occidental, ses mises en scène et même ses costumes mais elle portraiture des asiatiques. Elle utilise aussi les « kitscheries « asiatiques que l’on peut voir sur les tableaux des restaurants chinois : les costumes, les tissus nacrés, etc. et les détourne.
Mais, au lieu de trouver des geishas modernes aux pommettes roses, l’œil aguicheur, sous une ombrelle, elle nous montre des femmes si semblables qu’elles pourraient être jumelles s’embrassant passionnément. Cette série porte le nom de Rococo n° 33 et porte bien son nom : Dorothy M. Yoon nous entraîne dans un univers baroque où les identités fondent les unes dans les autres.
Dorothy M. Yoon est une artiste coréenne qui est en résidence pendant 3 mois au ceaac, cette exposition est le résultat de ce travail : ces œuvres sont à découvrir et elles nous entraînent dans un monde d’ambiguïtés où l’on s’interroge sur l’identité de ce que l’on voit. À découvrir jusqu’au 2 décembre.
Y aller
Du mercredi au dimanche de 14h à 18h, au Ceaac, 7, rue de l’abreuvoir à Strasbourg. Tel : 03 88 25 69 70.
Expositions « Disarray » de Mohammed El Mourid et « Rococo n°33 » de Dorothy M. Yoon jusqu’au 2 décembre.
Exposition « les séparés – Doppengängler » jusqu’au 6 janvier 2013.
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