« C’est rageant pour nous, en EHPAD (Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes, ndlr), de découvrir que des patients que nous n’avons pas réussi à sauver, auraient pu être pris en charge par les cliniques ». Pascal Meyvaert, médecin généraliste et coordinateur dans deux EHPAD à Gerstheim rappelle lors d’une conférence de presse les absurdités auxquelles certains médecins ont du faire face pendant la première vague de l’épidémie. Avec d’un côté des praticiens submergés de patients mais en manque de matériel, et de l’autre, des professionnels en possession de stocks importants mais désœuvrés.
En effet, à partir du 16 mars, toutes les opérations chirurgicales ont été suspendues. Les chirurgiens se sont donc retrouvés sans patients, mais avec du matériel de protection qui pouvait servir dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, et qui aurait été très utile à des praticiens qui en manquait.
Une gestion moins hospitalo-centrée des crises futures
Pour l’URPS ML Grand Est, cette situation est la cause d’une gestion trop « hospitalo-centrée » des épidémies. Les médecins dénoncent notamment des situations ubuesques créées par la politique du « tout hôpital » :
« Au mois de mars, j’ai signalé à l’ARS que je disposais du matériel pour prendre en charge des patients Covid. Le lendemain, nous avons reçu des patients en relais, mais nos respirateurs ont été réquisitionnés et envoyés au CHU de Reims. On nous les a rendus, deux mois plus tard, toujours sous cellophane, faute de personnel supplémentaire pour les utiliser ! »
Docteur Bernard Llagonne, chirurgien orthopédique à Épernay
Des médecins libéraux qui se sont sentis tributaires de décisions politiques et sanitaires, parfois nuisibles à la santé des patients. Ce sont notamment 40 à 50% des médecins généralistes de l’Union qui n’ont pas travaillé de mars à mai. Des effectifs qui auraient pu soulager les hôpitaux surchargés, mais qui n’ont jamais pu travailler à l’hôpital, pour des raisons administratives.
« On a fait venir des médecins de ville pour prendre en charge les patients Covid qui nous avaient été confiés. L’ARS a dit oui, mais la délégation locale a dit : « non, c’est illégal. Faites des contrats de travail. » Nous étions en guerre. »
Docteur Bernard Llagonne
Développer une gestion locale avec les médecins de ville
Dans cette organisation défaillante, c’est notamment le manque de concertation avec les territoires, en particulier le Grand Est – deuxième région de France la plus touchée par l’épidémie –, qui est montré du doigt :
« Beaucoup de confrères ont été contaminés faute de masques, parce qu’ils avaient été redistribués de façon égale aux hôpitaux de toute la France. Mais tous les territoires n’étaient pas égaux face à la Covid-19. »
Docteur Guilaine Kieffer-Desgrippes, Présidente de l’URPS ML Grand Est et médecin généraliste à Strasbourg
C’est pourquoi l’URPS ML recommande une gestion territoriale pour la deuxième vague et les crises futures. Une communication locale qui permettrait un meilleur dialogue entre tous les acteurs de la santé et une véritable culture de gestion de crise. « Aujourd’hui, il n’y a que les pompiers qui savent le faire. C’est un vrai manque au sein des soignants et des instances dirigeantes », explique Pascal Meyvaert.
Les médecins libéraux du Grand Est ont demandé de mettre fin aux messages appelant à contacter le 15 plutôt que les médecins de ville. Ils souhaitent que soient diffusés des appels à consulter son médecin traitant qui, selon la gravité des cas, aiguillera vers les professionnels les plus adaptés. Pour Guilaine Kieffer-Desgrippes, il faut rétablir la confiance entre les patients et les généralistes : « les médecins se sont organisés pour gérer les patients mais les patients ont toujours peur ».
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