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Coop Alsace : le plan de la dernière chance

Encore très endettée, sans plus rien à vendre, la Coop Alsace engage aujourd’hui la dernière phase de sa réorganisation. Le distributeur alsacien va supprimer 258 emplois, pour se recentrer sur les magasins de proximité, qui seront plus ouverts et proposeront des sandwichs « made in Elsass » à midi.

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La devanture du magasin Coop de la rue Lauth à Strasbourg (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Le PDG de Coop Alsace, Christian Duvillet, doit présenter aujourd’hui son plan de réorganisation du groupe de distribution alsacien. C’est le plan de la dernière chance. Il ne reste déjà plus grand chose du réseau coopératif né en 1902, qui a su mêler le dynamisme de la grande distribution aux petites épiceries de village. Après avoir cédé les 6 hyper et les 22 supermarchés Rond Point à Leclerc, il ne reste à Coop Alsace que les quelque 140 magasins et supérettes, ainsi qu’une boulangerie et une boucherie obsolètes.

Les relations de Coop avec ses filiales au 31 août 2012.

Pour juger de la cure d’amaigrissement opérée, il faut se rappeler qu’en novembre 2011, le groupe Coop alignait 3 425 salariés, ce qui en faisait le 2e employeur privé d’Alsace. Après le transfert de 1 755 d’entre eux à Hypercoop, la filiale gérant les hypermarchés avec Leclerc (voir infographie ci-dessus) et le premier plan social en 2012, entraînant le départ de 387 personnes, la Coop ne comptait plus que 952 salariés fin 2012.

Mais ce n’est pas encore assez, le réseau de distribution perd environ 2 M€ tous les mois. Pour parvenir à un équilibre en 2014, Christian Duvillet engage ces jours-ci la 3e phase de son plan de restructuration, qui doit amener la Coop vers 694 salariés. Le transport (48 personnes) sera externalisé, la boulangerie sera arrêtée (15 personnes), l’administration centrale réduite de 31 personnes, la logistique de 57 personnes. L’entreprise ne s’occupera plus que des 144 magasins de proximité, qui composeront l’essentiel de son chiffre d’affaires. Mais le réseau, 80% de la masse salariale, devra se séparer de 93 personnes en 2013. Ainsi le magasin de Soufflenheim perd deux employés sur six, Illzach perd deux employés sur sept, Ribeauvillé perd un employé sur deux… (Voir la liste des suppressions de postes dans le réseau de proximité).

Un suicide, 4 tentatives

Un nouveau plan social est en cours, disposant d’un plan de départs volontaires mais qui ne compte seulement que… 12 candidats. Normal, les candidats potentiels sont déjà partis en 2012. Du coup, l’ambiance est crépusculaire dans cette entreprise où chacun se demande quand il va recevoir sa lettre de licenciement. Un employé du magasin de Wingen-sur-Moder s’est suicidé, retrouvé chez lui dans la nuit du jeudi 6 au vendredi 7 juin. Les ressources humaines de la Coop ont recensé quatre autres tentatives de suicide.

Par tradition, l’entreprise coopérative avait une vocation sociale, prête à accueillir des personnes « difficilement employables ailleurs » selon le mot d’un cadre de la Coop. Mais l’entreprise n’a pas su faire évoluer ces personnes, qui se retrouvent aujourd’hui en panique. Comment l’aurait-elle pu d’ailleurs puisque l’entreprise elle-même ne s’est pas adaptée aux changements dans la distribution durant des dizaines d’années ? Quant aux employés de la Coop passés chez Leclerc, ils vivent un enfer. Beaucoup abandonnent.

Les dirigeants montrés du doigt

Ce plan de réorganisation particulièrement drastique passe d’autant plus mal que les dirigeants de la Coop ne semblent pas solidaires des difficultés de l’entreprise. Lors d’une réunion extraordinaire du comité central d’entreprise le 24 mai, les délégués syndicaux ont demandé à voir les dépenses engagées par leurs cinq directeurs et ils n’ont pas été déçus. Certains voient leurs allers-retours hebdomadaires vers Narbonne ou vers la Bretagne pris en charge, d’autres voient leurs loyers strasbourgeois remboursés… Alors que certains de ses employés dorment dans leur voiture, la Coop a engagé 90 000€ de frais pour ses cinq directeurs en 2012 et déjà 45 000€ en 2013.

Pour une entreprise dont l’endettement est encore de 20,8 M€, dont 10 à payer en août, un tel train de vie au sommet peut surprendre. Les cadres intermédiaires, longtemps muets, commencent à grincer des dents et apprécient mal de ne jamais pouvoir joindre leurs directeurs les lundis et les vendredis. L’un d’eux commente :

« Au vu de leurs salaires, on apprécierait qu’ils affichent un peu plus d’entrain pour sauver la Coop. On a parfois le sentiment de voir des liquidateurs arriver de leur paradis en milieu de semaine à Strasbourg pour en repartir aussitôt, considérant qu’il n’y a plus rien à faire sauf prendre un chèque. Il y a beaucoup à faire pour redresser la Coop, à commencer par mettre fin à cette culture du laisser-aller qui gangrène toutes les couches de cette entreprise. »

Les syndicats se sont aussi interrogés sur le nombre d’études et les montants engagés dans des missions de consulting. En 2011, la Coop a dépensé 2 056 260€ en consultations extérieures, et 1 328 691€ en 2012, principalement au bénéfice des cabinets Kea et Partners, Eight Advisory (conseil en restructuration) et Paul Hastings (avocats en droit des affaires). Selon ces cabinets, un retour à l’équilibre est possible en 2014, à condition que le plan social soit rapidement bouclé.

Autre condition du retour à une trésorerie positive, la vente par la Coop du reste de ses parts dans Foncière Hypercoop, c’est à dire les murs des super et des hypermarchés alsaciens. Les cabinets en espèrent 16,7 M€ pour la Coop.

Un redressement « made in Elsass »

Parallèlement à la réduction des effectifs, Christian Duvillet prévoit de relancer la Coop grâce à un plan de repositionnement des 144 magasins de proximité (ils étaient 177 en 2010). Après avoir reçu un coup de peinture et les produits Casino au dernier trimestre 2012, les magasins sont divisés en deux catégories : 114 épiceries de moins de 400 m² et 30 supérettes de 400 à 1 200 m². Les chefs de magasin et gérants mandataires sont invités à proposer des horaires d’ouverture plus larges, plus tardifs et surtout à rester ouverts entre midi et 14h.

L’objectif étant de vendre des « sandwichs alsaciens » (voir ci-contre) dans les zones urbanisées, et de recruter une nouvelle clientèle : les jeunes et les « chrono-actifs ». Ce concept de restauration rapide sera déployé dans 18 magasins tests, qui disposent déjà d’un four pour la cuisson du pain.

Le bio et les produits locaux seront aussi mis en avant dans les magasins Coop, tels que les viandes labellisées « Burehof« . L’objectif global étant de puiser dans l’attachement des Alsaciens à leurs marques et leur terroir pour renforcer la particularité et l’attractivité des magasins Coop. Le plan de développement prévoit aussi l’installation de services, tels que l’affranchissement postal et permettre aux magasins de recevoir des colis, ainsi que de servir de point de dépôt pour des pressings.


#Alsace

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