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La Coop, c’est fini

Avec la cession à Carrefour de 129 magasins de proximité, Coop Alsace achève sa liquidation comme groupe de distribution régional. De 3 500 employés fin 2011, le groupe n’en aura plus que 240 en avril et ces derniers seront dans une situation précaire.

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Le magasin Coop rue d’Obernai à Strasbourg, avant sa transformation (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Le 6 mars, les dirigeants de Coop Alsace ont rendez-vous au comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) à Paris avec leurs créanciers pour signer la cession de 129 magasins au groupe Carrefour. Le conseil d’administration a finalement donné son aval pour cette opération samedi. Ce faisant, l’Union des coopérateurs d’Alsace se séparera de la dernière activité de distribution qui lui restait, la proximité.

En juin 2013, Coop Alsace avait déjà cédé au groupe Leclerc les 66% de parts que le groupe alsacien détenait encore dans Hypercoop, la société gérant les 6 hypermarchés et les 22 supermarchés sous enseigne Leclerc et les 40% dans Hypercoop Foncière, la société propriétaire des murs. Le distributeur breton a tout acheté, il possède donc à 100% les murs et les fonds de commerce et doit selon sa stratégie diviser cette société en autant de structures indépendantes que de magasins.

Entre 600 et 900 emplois supprimés en deux ans

Il ne reste donc plus à Coop Alsace qu’une activité résiduelle d’une quinzaine de magasins dont le groupe ne sait que faire, quelques cafétérias, une boucherie industrielle et une plate-forme logistique surdimensionnée à Reichstett. En terme d’effectifs, Coop Alsace est passé de 3 500 employés en novembre 2011 à moins de 300 aujourd’hui. Environ 1 750 personnes ont été transférées à Leclerc et 452 salariés devraient rejoindre le groupe Carrefour. Entre 600 et 900 postes ont été supprimés en deux ans lors de trois plans sociaux.

Pour Christian Duvillet, président du conseil d’administration de Coop Alsace, il n’y avait pas moyen de faire autrement :

« Certes, le groupe Coop tel qu’il existait va disparaître mais le plus important était de sauvegarder les emplois. C’était mon objectif et j’estime avoir mené les choses convenablement. Carrefour a mené un audit sérieux, magasin par magasin, et s’est assuré de leur viabilité. Le groupe va investir dans tous ces magasins, les rénover et assurer une formation au personnel. C’est un important plan de relance à l’échelle de l’Alsace. »

Outre les fonds de commerce, Carrefour achète aussi les murs là où la Coop était propriétaire. Les futurs magasins en ville seront rapidement siglés Carrefour (market, city…) tandis qu’une marque Coop subsistera à côté de Carrefour dans les villages.

La relance avec Casino, qui y a cru ?

En juin 2013 pourtant, Christian Duvillet déclarait « croire » dans un plan de relance de la proximité, avec Casino comme fournisseur mais au sein de Coop. L’idée était déjà de rénover les magasins, de changer leurs horaires et leurs produits pour les aligner sur les besoins d’aujourd’hui (voir nos articles sur ces annonces). Des centaines d’heures de travail, de formation et d’études ont été investies dans ce plan. Une source proche du dossier fulmine :

« Les dés étaient pipés dès le départ. Christian Duvillet n’a jamais cru à ce plan. C’est vrai qu’il nécessitait une importante trésorerie, de quoi absorber des pertes pendant encore trois à cinq ans, mais c’était possible. Il nous a fait bosser dessus d’arrache-pied, mais il s’est foutu de nous. »

En fait, Carrefour n’a jamais perdu le contact avec Christian Duvillet depuis que celui-ci a pris les commandes de la Coop à l’automne 2011. Le groupe de distribution de Boulogne-Billancourt attendait le bon moment pour s’implanter dans toutes les bourgades d’Alsace et l’occasion lui a été donnée lorsque Casino a refusé d’entrer au capital de Coop Alsace, comme l’explique Christian Duvillet :

« A partir de ce moment, j’ai eu le sentiment que nous n’avions pas de saines relations avec Casino. J’ai toujours dit que je ne voulais pas être dépendant d’un seul interlocuteur. Carrefour était naturellement présent dans le périmètre dès qu’il a été question de vendre la proxi. »

Le président recevait aussi de drôles d’alertes à répétition sur l’approvisionnement par Casino : références erronées, livraisons retardées, dates de péremption des produits limites, etc. Des réglages sont nécessaires dans les premiers mois, certes, mais après plusieurs semaines, ces erreurs sont devenues suspectes.

Toujours 20 millions d’euros de pertes en 2013

Et puis il y a la pression des banques. Fin novembre 2013, le compte de résultat estimé faisait encore apparaître un déficit de 20,4 M€ sur un chiffre d’affaires de 150,2 M€. Tout ça a œuvré en faveur de la solution Carrefour pour la proximité au détriment d’une relance interne.

Quant au futur des 236 employés qui restent chez Coop Alsace, rien n’est encore déterminé. Il s’agit de :

  • 15 personnes au siège,
  • 52 employés en CDI dans les 15 magasins non repris,
  • 45 personnes dans les cafétérias,
  • 71 personnes à la boucherie,
  • 57 personnes dont 10 chauffeurs à la logistique.

Pour les magasins non-repris, l’approvisionnement par Casino devrait perdurer encore. Une étude attendue pour le mois de mars devrait donner quelques pistes, mais Coop Alsace ne pourra pas garder des magasins déficitaires. Le groupe pourrait se séparer de ceux dont il ne possède pas les murs et tenter de séparer les activités, pour en céder certaines, dans les surfaces qu’il possède.

L’avenir de la logistique est aussi incertain car Carrefour n’a pas l’intention d’utiliser Reichstett pour alimenter ses futurs Carrefour City / Market / Express. Les anciens magasins Coop seront alimentés depuis Moncel-Lès-Lunéville (Meurthe-et-Moselle) où seront d’ailleurs transférées 20 personnes de Coop Alsace, si elles acceptent le déplacement. Un contrat d’alimentation des supermarchés Leclerc court jusqu’en août 2015, mais sans volume minimum.

La boucherie attend ses nouveaux débouchés

Quant à la boucherie, il était question de la vendre au charcutier Pierre Schmidt de Weyersheim. C’était le « projet knack ». Un temps intéressé, l’industriel ne donne plus de nouvelles malgré d’intenses tractations à l’automne 2012, sous l’égide de Sodica, durant lesquelles Coop Alsace est allé jusqu’à fournir certaines recettes de saucisses et la liste de toutes les compétences de ses bouchers-charcutiers… Christian Duvillet évoque désormais un plan de relance pour la boucherie :

« L’industrie de la charcuterie alsacienne n’a pas les moyens d’acquérir notre boucherie. Donc on va changer la marque et le packaging pour proposer des nouveaux produits régionaux à Leclerc et à Carrefour. Tout ça est déjà en train de se mettre en place. »

Par ailleurs, Coop Alsace devrait se séparer dans les prochains mois de son impressionnant siège historique, rue de la Coopérative au Port-du-Rhin, au profit de la Ville. La vente doit rapporter entre 6 et 8 millions d’euros au groupe alsacien.

Du côté des syndicats, ou de ce qu’il en reste, on reste dubitatif sur les opérations en cours et futures. Laurent Hobel, délégué syndical FO, soupire :

« C’est une politique de liquidation à l’amiable depuis le début… Et on sait très bien que Carrefour ne gardera pas tous les employés repris, ils ne sont soumis à aucun engagement. Le désastre social est bien là, mais il a été caché par ces opérations de cessions. »

Quant à Philippe Spitz, coprésident de l’association de soutien aux Coop d’Alsace, il est très amer :

« Sur les 129 magasins repris par Carrefour, il y en a la moitié qui ne sont pas rentables. C’est de l’esbroufe, dans quelques mois, on apprendra la fermeture de ces magasins, au compte-gouttes… Et on aura assisté à la mort d’un monument de l’économie sociale alsacienne et à la spoliation de 170 000 sociétaires. Il aurait pu en être autrement. Notre plan B n’a jamais été étudié. J’en veux aux élus régionaux qui n’ont jamais voulu nous entendre ni agir. »

Les magasins devraient tous être transférés à Carrefour au 1er avril 2014. Le montant de cette cession n’a pas été dévoilé. Quant à Christian Duvillet, il indique qu’à la signature finale du contrat avec Carrefour, il aura « fait son temps » à Coop Alsace.

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