C’est l’heure de vérité pour le « Pacte de démocratie locale », initié il y a un an. L’expression de « démocratie en panne », qui avait irrité nombre d’élus strasbourgeois n’est plus utilisée. Elle est remplacée dans la communication par un simple « souhait d’évolution des pratiques » de la part des Strasbourgeois engagés.
Pétitions citoyennes
La délibération a le mérite de mettre en place deux nouveaux mécanismes concrets. Celui de « pétitions citoyennes » qui seraient reconnues officiellement. Elles seront hébergées sur un site dédié de la Ville de Strasbourg à partir de juin.
Dès 500 signatures, c’est le droit à l’information. Le ou les porteurs de la pétition bénéficient d’un entretien avec l’élu ou les agents responsables du dossier, voire le maire.
À 2 800 signatures, soit 1% de la population strasbourgeoise, c’est le droit à une interpellation dans l’hémicycle du conseil municipal. Les porteurs de la pétition ont trois mois pour recueillir leurs soutiens.
Les concepteurs du Pacte (la municipalité revendique jusqu’à 700 élus, agents et citoyens, malgré un enthousiasme limité à certains ateliers) ont adopté une définition large du citoyen strasbourgeois : « tout personne qui vit ou a une activité à Strasbourg », même ceux qui n’ont pas le droit de vote comme les étrangers ou les enfants.
Les détails techniques pour éviter de gonfler les statistiques avec plusieurs comptes seront détaillés plus tard. De manière assez logique, il faudra que les pétitions portent sur une compétence de la Ville de Strasbourg.
Débats sur le nombre de signatures
Selon des citoyens participants, le seuil de signatures a occasionné des négociations directement avec le maire lors d’une séance de travail en mars. Roland Ries (PS) trouvait la jauge un peu basse. Elle était même de 2 000 initialement. Il est vrai que nombre de pétitions locales sur différents sites ont dépassé ce cap.
Ce mécanisme n’engage que la municipalité à y apporter une réponse. Étant donné que l’opposition relaie déjà certains sujets de mécontentement, reste à savoir si cela va réellement changer les pratiques des élus dans le processus qui aboutit à une décision municipale.
Il ne sera par ailleurs pas possible de revenir sur une décision passée. C’est ballot (ou pratique si on fait partie de la majorité), les délibérations impopulaires sont souvent dévoilées au dernier moment et votées très vite. Et les commentaires négatifs ainsi que les protestations apparaissent souvent une fois que leurs effets concrets sont vécus, comme sur le stationnement.
Et budget participatif
Deuxième nouveauté, un budget participatif à hauteur de 1% du budget d’investissement, soit environ 1 million d’euros pour 2019. Le principe, ce sont des projets soumis par des citoyens et un vote pour déterminer lesquels la municipalité finance. Les détracteurs de ces dispositifs estiment qu’ils profitent aux associations et citoyens déjà très organisés politiquement et financièrement, au détriment de citoyens plus modestes et éloignés de la politique locale. À Paris, le montant est de 5% du budget investissement depuis son instauration en 2014.
Pour l’adjointe au maire en charge de la démocratie locale Chantal Cutajar, le Pacte est bel et bien une rupture dans les pratiques strasbourgeoises :
« Ce n’est pas une charte de plus ou une déclaration. Il y a une originalité dans la méthode. Aucune démocratie ne peut marcher sans confiance. »
Ce n’est pas l’avis de l’ancienne maire Fabienne Keller (Agir) et de Thierry Roos, qui a par le passé mené des pétitions très efficaces de manière rapide. Dans un communiqué, les deux élus d’opposition se demandent si ce ne Pacte n’est pas un « faux semblant » :
« L’idée est séduisante. Et elle aurait de quoi ravir les habitants si, une fois mise en œuvre, les sujets relevés faisaient véritablement l’objet d’une concertation et de discussions.
Mais malheureusement, la liste des exemples de dénis de démocratie locale est bien trop longue : des conseils de quartiers lassés de n’exister que pour valider la politique municipale au mépris du mécontentement des strasbourgeois sur la politique du stationnement en passant par la non prise en compte de l’exaspération des habitants face à la bétonisation excessive de la Ville.
Nous craignons d’assister une fois de plus à l’instauration d’un dispositif « vitrine » que la municipalité pourra agiter à sa guise pour prétendre qu’elle prend en compte l’avis des strasbourgeois. »
Le Pacte évoluera par la suite avec diverses délibérations en juin et en octobre. Les 10 élus « En Marche » n’ont d’ailleurs même pas attendu son vote pour appeler à aller plus loin dans une tribune aux DNA. Mais les propositions les plus concrètes sont de doubler le conseil municipal en langue des signes et d’avoir davantage recours aux consultations numériques (comme sur la rénovation des quais ?). Ambiance…
Un bâtiment construit « à blanc » pour les institutions européennes
Autre grosse délibération, le lancement d’un bâtiment de bureaux face au Parlement européen, dans le nouveau quartier d’affaires Archipel. Ce bâtiment est construit « en blanc », c’est-à-dire sans acheteur ou locataire déterminé, financé par l’argent public des collectivités locales.
Il est à destination en particulier du Parlement qui pourrait y installer une partie de son administration ou d’autres institutions européennes (Commission, agences). Du côté de l’administration, un manque de place pour les bureaux des assistants a notamment été soulevé et les élus strasbourgeois aimeraient bien que cet immeuble soit la réponse. Les élus y voient une opportunité pour renforcer Strasbourg au sein de l’institution du Parlement européen, qui continue de préférer Bruxelles malgré des travaux importants et imminents au siège belge.
Tout neuf, pas cher
Après les terrains bradés à un euro pour des mesures sécuritaires, il est cette fois question d’une « diminution de la charge foncière » payée par les collectivités si le Parlement daigne utiliser ces locaux neufs. L’Union européenne n’a pas de prix, mais l’opposition est rarement virulente sur ces dossiers.
Roland Ries conçoit qu’il y a « un risque politique » à ce que le bâtiment ne suscite guère d’enthousiasme chez les institutions. En revanche, si ces dernières devaient adresser une fin de non-recevoir, le maire se dit guère inquiet sur le fait que ces locaux trouvent preneur auprès d’entreprises privées. Il laisse « entre deux et quatre ans » aux eurocrates pour se montrer intéressés.
À ce sujet, le président de la République Emmanuel Macron sera à Strasbourg mardi 17 avril. Il doit signer notamment le nouveau contrat triennal (voir nos articles), qui acte pour environ 150 millions d’euros sur 3 ans de co-financements de projets européens à Strasbourg. Au-delà de l’argent, une prise de parole forte sur la question du siège du Parlement, régulièrement remis en cause, est attendue.
La route du Rhin et les athlètes, en interpellation
Les 46 points à l’ordre du jour seront suivis de deux interpellations. L’une porte sur la route de Rhin, dont Fabienne Keller a plusieurs fois critiqué l’urbanisme « sans cohérence » le long de cet axe très pollué. Elle demande quels espaces verts « de respiration » sont prévus.
L’autre interpellation, de Jean-Philippe Maurer (à nouveau LR) demande des comptes sur une piste d’athlétisme co-financée à Offenbourg en Allemagne en 2010, à destination de sportifs strasbourgeois.
À suivre en direct dans la vidéo en tête de cet article à partir de 15h.
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