Le conseil municipal du lundi 14 décembre ne devrait pas se terminer à deux heures du matin. Après le record de l’heure de fin la plus tardive le 16 novembre, l’ordre du jour de décembre compte moins de points (65), d’interpellations (4), et aucun invité extérieur.
Un débat budgétaire avec les citoyens… mais pas trop
Pour autant les débats devraient s’étirer dès le premier point, car il concerne le budget de la majorité écologiste pour 2021. Il s’agira du premier acte politique fort pour orienter les politiques des années à venir. Dans les milieux économiques notamment, on attend « un signal » comme l’indique ce chef d’entreprise alsacien :
« Beaucoup de choses ont été dites sur cette équipe, mais c’est là qu’on verra les choix d’investissement, d’endettement ou de fiscalité. »
Avant de livrer ses choix, la municipalité tient à organiser un « débat d’orientation budgétaire citoyen » avec les habitants de Strasbourg. Pour cette première, les ambitions sont extrêmement limitées. Selon la délibération, les objectifs se limitent à un peu d’information :
- Comprendre les rouages d’un budget local, c’est-à-dire les principales notions (fonctionnement, investissement, dépenses et recettes, équilibre du budget, etc.),
- Partager la notion de « bien commun » : les impôts (locaux ou nationaux) qui financent les services publics,
- Rappeler les politiques publiques portées par la ville de Strasbourg via ses compétences.
Après les fêtes de fin d’année, le temps d’échange avec la population sera très court. Les élus débattront à leur tour de ces « orientations » dès le conseil du 25 janvier. Puis s’ouvrira une « deuxième et dernière phase d’arbitrage » entre la maire, adjoints et adjointes pendant près de deux mois, avant un vote le 22 mars.
Quelles ambitions pour la restauration scolaire ?
Le sujet le plus important (point 27) concerne le marché de la restauration scolaire. Cela touche 18 000 enfants parmi les 25 500 scolarisés à Strasbourg. En 2017, il avait été renouvelé jusqu’à la rentrée 2021, avec comme grande nouveauté, la sortie progressive des barquettes plastique à usage unique. Désormais, 51% des repas sont réchauffés dans de l’inox, mais « le plus facile a été fait » note Soraya Ouldji, la conseillère municipale déléguée désormais en charge de cette question. En effet, pour les autres établissements, la bascule nécessite des travaux.
La délibération donne l’orientation générale, mais peu d’objectifs chiffrés. Plus précis, le cahier des charges sera ensuite publié sous un mois environ. Le marché ne durera qu’une année, mais sera renouvelable deux fois, c’est-à-dire jusqu’au mois de juin 2024 au maximum.
Soraya Ouldji détaille l’ambition « en deux temps » de la municipalité :
« Nous avons notamment comme objectif de sortir de la liaison froide pour la livraison des repas, qui est davantage source d’additifs et de perturbateurs endocriniens. Mais la priorité était que chaque enfant ait un repas chaud à la rentrée prochaine. C’est pour cela qu’on propose un marché court, mais qui peut se renouveler. Nous aurons donc du temps, jusqu’à 3 ans, pour entamer une évolution vers une alimentation plus saine, comme en installant des cuisines sur place ou de la liaison chaude si possible. Pour ce premier marché, la part d’aliments bio va néanmoins augmenter à 30%, dont deux tiers d’origine locale, contre 17,8 actuellement. Si l’offre augmente, nous avons un travail en parallèle sur la conversion des terres agricoles de l’Eurométropole, nous pourrons augmenter ce pourcentage, le cahier des charges sera soumis à modification. Il y aura aussi des critères sur le bien-être animal, le type d’œufs, des fruits et légumes de saison, des produits issus du commerce équitable. »
Cette ancienne membre de l’association Cantines sans plastique France, interlocutrice de la municipalité précédente et désormais élue en charge de ces questions, explique qu’un effort particulier sera mis « en priorité » pour la Petite enfance :
« Nous voulons d’abord trouver des solutions de cuisine sur place pour ces établissements, ce qui nécessitera plus d’agents, car c’est à cet âge que les enfants sont les plus perméables à la qualité de l’alimentation et aux perturbateurs endocriniens des barquettes plastiques réchauffées. Si nous y arrivons, nous pourrons les sortir du marché. »
Le marché des 46 cantines d’écoles va être séparé en 8 secteurs géographiques, soit le double du précédent. La municipalité estime que des sociétés plus petites que l’actuel prestataire, l’Alsacienne de restauration, seront en mesure de postuler. À la rentrée prochaine, la majorité va d’ailleurs faire réaliser un audit externe du ou des prestataires choisi(s) pour évaluer dans quelle mesure le futur cahier des charges sera respecté.
« Pas dogmatique »
À l’initiative de la mobilisation contre le tout-plastique fin 2016 et partie prenante du « groupe de travail » avec les élus et élues, Ludivine Quintallet est satisfaite des premières inclinaisons :
« Soraya Ouldji n’est pas dogmatique, avec une réflexion sur la qualité des aliments et surtout la chaîne de production, du champ à l’assiette, pour tenir ces objectifs. Avoir un marché plus court me paraît une bonne chose. Cela évite qu’on nous réponde que les choses sont décidées pour 4 ans et qu’on ne peut plus rien changer. Le groupe de travail sera vigilant à ce que ce mandat permette une transformation de la restauration scolaire vers un mode de préparation moins industriel – en liaison froide, les repas sont préparés 4 jours à l’avance voire plus ! – plus sain et plus durable. »
Associée aux discussions depuis cet été, l’association Assiette végétale est de son côté moins convaincue par les orientations. Son co-fondateur Cyril Ernst explique :
« Le discours est surtout focalisé sur la part de nourriture locale à augmenter, mais pas la composition de l’assiette. Or, le transport des aliments n’est responsable que de 6% des émissions de gaz à effets de serre, alors que les produits laitiers, la viande et les œufs en représentent 83%. Pour lutter contre le réchauffement climatique, la Ville aurait dû introduire une proportion de protéines végétales dans les apports protéiques. Aucun menu n’est durable si cette question n’est pas prise en compte. Nous œuvrerons pour que la majorité développe les protéines végétales dans son prochain marché. »
Lors de la campagne électorale, Jeanne Barseghian avait promis de proposer deux repas végétariens par semaine. Cette fréquence reste d’un par semaine pour les prochaines années. Pour Soraya Ouldji, il convient d’abord d’améliorer la qualité de ces repas « hyper transformés et pas plébiscités », avant de tenir cet engagement lors du « deuxième marché ». Lorsque les quatre repas (standard, sans porc, halal et végétarien) sont proposés, les plats végétariens ne sont commandés que par 5% des écoliers.
Les illuminations de Noël reconduites
Autre point important (point 14), la municipalité reconduit telles quelles les illuminations de Noël, co-financées par l’association de commerçants « Les Vitrines de Strasbourg », qui récupère 320 000 euros. Le montant est le même que celui de l’année dernière et supérieur à ce qui était voté au milieu du mandat précédent (300 000 euros). En 2019, l’actuel premier adjoint en charge des Finances, Syamak Agha Babaei, avait voté « contre », en désaccord avec les Vitrines sur l’arrêté anti-mendicité, retiré par la nouvelle équipe.
À l’époque, Jeanne Barseghian (EELV), conseillère municipale, avait exprimé « des manques », « des réserves » et des « propositions pour l’avenir ». « Des efforts ont été faits en matière énergétique pour améliorer la performance de ces illuminations, mais il y a encore des gaspillages », avait-elle déclaré. Mais elle avait ensuite cité d’autres aspects de l’opération « Strasbourg capitale de Noël », telles la patinoire en plein air, les terrasses chauffées, l’exportation à New York… Une intervention « hors sujet » avait estimé son prédécesseur Roland Ries. Ces propos avaient aussi beaucoup énervé Pascal Mangin (LR), qui siège toujours dans l’opposition et parlait en même temps que le tour de parole de la candidate écologiste lors d’un « débat » chaotique (revoir la séquence). « Démago ! », avait-il notamment lancé à l’encontre de la candidate. Des tels propos de part et d’autres seront-ils reproduits maintenant que Jeanne Barseghian est aux commandes ?
Sécurité, communication et trains de nuit pour finir
Parmi les autres points saillants, figure une mission d’information de six mois sur « l’avenir du bâtiment de l’Opéra » (point 4) qui n’est plus aux normes de sécurité.
En fin de séance, Jean-Philippe Vetter (LR) interpelle la majorité sur la sécurité des conducteurs de bus et tramways. Au début du mois, une série de violences, menaces et caillassages a notamment entrainé une interruption de ligne vers l’Elsau. Lors du précédent conseil, un échange sur la sécurité avait précédé une dizaine de jours d’extrême tension entre majorité et opposition, via réseaux sociaux interposés (lire notre article). L’esprit de Noël permettra-t-il un peu plus de concorde ?
De son côté, le groupe LREM questionne à nouveau la majorité sur la 5G, le soutien aux étudiants ou encore « le paradoxe de la communication ». Faisant référence à des publications sur les réseaux sociaux (décidément), Nicolas Matt estime que des membres de la majorité sont « restés dans un militantisme de bas-étage ».
Enfin, Catherine Trautmann (PS) propose une motion pour que Strasbourg soit davantage concernée par la relance des trains de nuits en Europe. Selon la Deutsche Bahn et la compagnie autrichienne, Strasbourg est bien sur le trajet du Paris-Vienne, ce que les autorités françaises ne confirment pas. L’occasion de tirer les choses au clair.
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