Le feuilleton de l’incinérateur revient en Conseil de l’Eurométrople avec une séance spéciale. Depuis que de l’amiante ait été détectée en 2014, c’est déjà le troisième avenant au contrat d’exploitation. L’usine appartient à l’Eurométropole mais c’est la société Sénerval, filiale du groupe Séché, qui l’exploite depuis 2010. La délibération prévoit un arrêt total pour 2 ans et demi des fours, qu’il faut complètement désamianter. Deux autres avenants plus détaillés suivront en 2016.
Pendant ce temps, le déchets strasbourgeois continueront d’être brûlés voire enfouis ailleurs en France, en Allemagne ou en Suisse (comme depuis 2 ans pour tout ou partie), pour un coût estimé à 100 000 euros par jour. Une dégradation volontaire et un accident ont émaillé les travaux de désamiantage depuis 2014.
« Toutes les hypothèses ont été envisagées »
Pour le président de l’Eurométropole Robert Herrmann (PS), toutes les hypothèses étaient envisagées :
« Si on arrêtait le contrat, il fallait de toute façon désamianter l’usine lors de sa destruction et en construire une nouvelle, ce qui aurait pris 3 à 4 ans. Ensuite, soit on finance cet équipement nous-mêmes et c’est 250 millions d’euros, ce qui n’est pas prévu dans nos budgets, soit on la fait construire par un opérateur privé et il faut se mettre d’accord sur le prix de l’énergie revendue ensuite pour amortir cette dépense. »
Quant à la cinquantaine de salariés, une activité de tri devrait être maintenue sur site pour qu’il n’y ait pas de licenciement.
« Ne plus changer » la taxe augmentée
L’enjeu est désormais que tout ceci pèse le moins possible sur les finances locales et par ricochet sur les impôts locaux. Alors que l’augmentation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) devait être provisioire pour faire face à la situation (4% en 2015 ; 2,5% en 2016), il est désormais simplement question « de ne plus la changer », dixit le président de l’Eurométropole.
Le coût total de l’opération attendu
Lors de la séance de ce vendredi 3 juin, l’opposition risque de demander des comptes sur cette situation, dont elle reproche le manque de transparence. Le coût total de l’opération sera dévoilé dans l’hémicycle. Pour Robert Herrmann, il faut être prudent et séparer le coût des travaux de désamiantage (15 millions d’euros), de celui des détournements de déchets et l’indemnisation de l’entreprise Sénerval pour les pertes subies.
Pour l’année 2015, le total est estimé entre 23 et 27 millions d’euros. Il réfute en tout cas l’idée que deux ans ont été perdus sur ce dossier « Ce fut fut un temps d’analyse, de réflexion et de travaux ». Critiqué sur la durée de la délégation, l’Eurométropole répond qu’il y a eu 50 millions de travaux de modernisation supportés par l’entreprise Sénerval, qu’il fallait amortir sur une durée lognue. Avant la délégation, l’usine n’était pas capable de produire de chaleur à revendre.
Des répercussions au-delà des déchets
Malgré ces dépenses non-prévues, la collectivité espère encore que sur l’ensemble des 20 ans de la durée de la délégations de service publique, les recettes équilibrent toutes les dépenses actuelles. Quand l’incinérateur fonctionnera, l’Eurmétropole paiera 56,27 euros la tonne brûlée auprès de Sénerval, contre 100€ en moyenne pour les collectivités qui ne sont pas propriétaires de leurs installations.
Les répercussions dépassent le cadre des déchets, puisque la chaleur, le gaz et l’électricité produits par l’usine alimentait des bailleurs sociaux, des habitants et des les entreprises du port autonome. Pour Robert Herrmann, un des enjeux sera que les prix ne s’envolent par à la réouverture :
« Pour le moment, on a une fenêtre favorable pour les entreprises, car le prix du gaz est faible, car il est indexé sur le pétrole. On s’assure que les prix d’énergie soient les mêmes à la réouverture. Une hausse impacterait leur compétitivité. »
Vers une démarche de réduction des déchets
En attendant, l’Eurométropole va essayer de réduire ses déchets pour limiter les dépenses en détournements. Pour la vice-présidente en charge des déchets François Bey (PS) cela passera par « un changement de mentalité de nos concitoyens ». Certes, mais il faudra plus que ça, et la collectivité a remporté un appel à projet « Vers un territoire zéro déchet ».
L’objectif de réduire les déchets de 7% entre 2010 et 2015 (soit 1,4% par an) a été atteint, il faut désormais passer à 10% en 2020. Seuls 15 « axes » sont connus (prévention, amélioration du tri, etc) mais leur transposition concrète est encore à un horizon lointain. Une personne sera en tout cas recrutée pour 3 ans, afin de faire vivre ces projet.
Vers une taxe incitative ?
Parmi les idées phare, une redevance incitative (ceux qui produisent moins de déchets paient moins) mais un test ne serait possible que sur une partie de l’Eurométropole « dans 3 à 4 ans » selon Françoise Bey. D’ici là, l’incinérateur devrait avoir repris du service.
Une des démarches décidée il y a quelques mois est de… décorer les nouveaux conteneurs pour inciter à plus trier. L’objectif national du taux de recyclage est à 55% en 2020, alors que l’Eurométropole n’est qu’à 29% en 2015.
Un appel à projet efficace ? Tout dépendra du contenu des actions pour Laura Chatel, chargée de mission « territoires » chez Zero Waste France (qui a récemment lancé un groupe local à Strasbourg) :
« Au début, il y avait un cahier des charges très ambitieux, mais des choses très différentes se font dans les 142 villes sélectionnées depuis 2 ans. Le choix des lauréats est aussi dicté par des raisons politiques : si Paris est prise, alors il faut primer Lyon et donc Strasbourg… Certaines villes ne changent pas leurs habitudes en construisant des incinérateurs ou des centres de tri mécaniques, alors que d’autres villes comme Roubaix ou Besançon ont été très ambitieuses. C’est en tout cas un moment idéal pour que Strasbourg s’engage, pusiqu’elle va disposer d’un peu de moyens. Si la réduction se limite à 10% par rapport à 2010 c’est simplement l’application de la loi de transition énergétique. La plupart des villes ont réussi à baisser leur production de déchets de 7% depuis 2010, car c’est un effet de la crise, même si la prévention commence à jouer un rôle sur les comportements individuels. »
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