Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

L’Eurométropole se dote d’un plan climat pour 2030 après avoir ignoré celui pour 2020

Presqu’aucun objectif du plan climat 2020 de l’Eurométropole ne sera tenu. Mais ce n’est pas grave, le conseil de l’agglomération de Strasbourg se dote d’une série d’objectifs pour… 2030, ce vendredi 5 avril. À suivre en direct-vidéo à partir de 9h.

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Flux vidéo fourni par l’Eurométropole de Strasbourg


Depuis environ un an, les échanges ont tendance à être plus crispés au conseil des 33 communes l’Eurométropole, sur fond de rivalités strasbourgeoises en vue des élections municipales de 2020. L’ordre du jour de ce vendredi 5 avril ne présente que 4 points mais ne devrait pas faire exception. Surtout que le gros thème du matin est celui du Climat, un sujet récurrent et sur lequel chaque formation ou presque veut paraître à la pointe, ou ringardiser ses concurrents. Une référence à l’autoroute du GCO devrait intervenir rapidement.

Stratégie, Plan, Convention… Il y a de quoi s’y perdre dans les délibérations de principe que prennent la Ville de Strasbourg et l’Eurométropole en cette fin de mandat. Dans le même temps, des problèmes identifiés et concrets comme l’interdiction des poids-lourds en transit avenue du Rhin ne sont pas résolus depuis années. Et surtout, les objectifs fixés en 2009 n’ont pas été atteints (voir ci-dessous). Le débat pourrait déjà s’échauffer sur ce type de paradoxe.

Le quatrième et dernier point concernera l’adoption du « Plan Climat Air Énergie Territorial ». Il fixe plusieurs objectifs ambitieux pour 2030 et 2050. Cette délibération intervient dans un contexte où la question climatique a été très présente à Strasbourg pendant les dernières semaines, en plus des manifestations de lycéens ou les Marches pour le Climat. Après le vote d’une convention internationale par le conseil municipal de Strasbourg le 25 mars, six associations environnementales locales ont listé 10 propositions fortes dans une tribune.

L’ONG Greenpeace a de son côté publié une carte des écoles trop exposées à la pollution de l’air, soit un tiers des établissementS de Strasbourg et des environs. Enfin, dans le cadre du recours pour non-respect des limites de la qualité de l’air, le ministre de l’Écologie François de Rugy a écrit aux grandes agglomérations concernées par les dépassements, telle Strasbourg. Il leur demande de transmettre les actions mises en place afin de préparer la défense de la France dans son recours qui l’oppose à la Commission européenne.

Concernant, le Plan Climat, il refixe huit objectifs pour l’ensemble du territoire. Parmi les trois votés en 2009, seule la réduction des gaz à effet de serre (CO2) de 30% est réussie. Cette dernière est due « aux deux tiers à la fermeture de la raffinerie de Reichstett » en 2010, selon les services de l’Eurométropole. « La consommation d’énergie est notamment repartie à la hausse quand la croissance économique a redémarré. Ces deux phénomènes sont encore très liés », remarque à ce sujet la conseillère métropolitaine Jeanne Barseghian (EELV). Entre 2005 et 2014, elle avait pourtant diminué.

Les objectifs manqués fixés en 2009

Thème Objectifs fixés pour 2020 Situation début 2017 *
Emissions de gaz à effet de serre (par rapport 1990) -30% -30%
Consommation d’énergie

(par rapport à 1990)

-30% +7%
Part d’énergie renouvelable 20 à 30% 15%

Source Eurométropole.
*Les prévisions d’Atmo Grand Est ont deux ans de décalage, mais confortent cette tendance pour 2017 et 2018

Catherine Trautmann (PS) a repris le dossier en octobre, suite au départ des écologistes de l’exécutif droit-gauche. Jusque là, l’ex-vice-président en charge de la transition énergétique, Alain Jund l’avait élaboré.

L’ancienne maire de Strasbourg compte sur la géothermie profonde et les panneaux solaires sur l’eau à Illkirch-Graffenstaden pour passer un cap dans les énergies renouvelables, la navigation fluviale (quand le niveau du Rhin n’est pas trop bas) pour réduire les transports de marchandises en poids-lourds, et l’isolation des bâtiments pour réduire les consommations. Président de l’Eurométropole, Robert Herrmann (PS) insiste sur la « renaturation des abords de l’A35 », qui doit être transformée en boulevard à long terme. Catherine Trautmann reconnait cependant que le financement pour la rénovation des logements n’est pas connu à ce jour.

Avis de l’autorité, contribution des habitants

Contrairement à d’autres délibérations symboliques, le Plan Climat présente l’intérêt de passer par l’avis critique de l’Autorité environnementale du Grand Est, basée à Metz. Le dossier strasbourgeois lui sera envoyé la semaine suivant du vote et l’institution d’État a trois mois pour l’analyser.

Le résultat sera ensuite disponible sur internet et dans les mairies pendant l’été. Les habitants pourront laisser des contributions en cette période la plus chaude de l’année. Les dispositions seront finalisées suite à ces retours.

Pour l’ancien vice-président Alain Jund (EELV), il sera difficile de tenir les engagements écrits avec le cap actuel :

« Je me reconnais dans ces objectifs ambitieux qui n’ont pas changé suite à mon départ. Mais la question qui se pose sera celle de la mise en œuvre. S’il l’on veut respecter nos engagements, ce qu’on n’a pas réussi pour ceux de 2009, il faudra des ruptures (terme utilisé pour la pré-campagne des écologistes, ndlr) radicales. L’Eurométropole continue à soutenir des projets routiers comme la rocade sud, le GCO, la VLIO, un accès routier au port par le nord. Nous étions contre, mais elle donne 9 millions d’euros aux extensions des zones commerciales de la Vigie et de Vendenheim, alors que c’est un modèle polluant à bout de souffle : Castorama a des difficultés et Ikea désembauche pour la première fois en France. »

Au rayon des « ruptures », Robert Herrmann annonce que la collectivité compte souscrire à un système d’autopartage avec le grand public (type Citiz, mais il peut s’agir d’un autre opérateur suite à l’appel d’offres) pour certains véhicules légers qu’elle n’utilise pas en permanence. Plus discret, il pointe que « la clause environnementale dans nos marchés publics n’a jamais été attaquée ».

Après être devenu le plus grand défenseur du GCO, le président de l’Eurométropole Robert Herrmann (PS) porte désormais un Plan Climat. (photo Pascal Bastien / Divergence)

Pour Alain Jund, c’est le modèle d’élaboration des politiques qu’il faut revoir :

« Dans tous ces documents, on ne parle jamais de sobriété, terme que je préfère à la décroissance. Avec ce qui s’est passé autour du GCO, il est vrai que l’on peut se demander si l’Eurométropole est crédible dans ses objectifs. Il faudrait que toutes nos politiques publiques soient évaluées au crible de ce plan Climat, presque ligne par ligne. Des grands projets comme le Parc des expositions, le nouveau stade de la Meinau devraient aussi être analysés sous ce prisme. On saurait s’ils correspondent à nos ambitions ou non. Et pas besoin d’attendre les élections, cela peut débuter pour celui de 2020. »

Le plan définitif sera adopté fin 2019 pour une durée de six ans. L’épineuse question climatique reviendra donc dans les joutes locales avant les élections de mars 2020.


#Alain Jund

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