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Terrorisme : le Conseil d’État recadre la police à Mulhouse pour la 3e fois

Le Conseil d’État vient de mettre un terme à une procédure visant à exploiter les données du téléphone d’une jeune convertie à l’Islam de Mulhouse. Dans une ordonnance datée du 5 septembre, la plus haute juridiction administrative rappelle que les policiers doivent disposer d’éléments faisant état d’une menace contre la sécurité ou l’ordre publics pour enfreindre les libertés individuelles.

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C’est le dernier épisode d’une longue histoire. Après une adolescence compliquée, Émelyne (son second prénom) s’est convertie à l’Islam à la suite de rencontres à Lyon. De retour à Mulhouse, elle s’implique comme bénévole au sein d’une association cultuelle de soutien scolaire, la très rigoriste Langue et Horizon, dirigée par Mounir Rabia. L’association enseigne l’Islam et assure le suivi scolaire d’enfants avec des cours par correspondance.

À 22 ans, Émelyne se couvre du jilbeb, ce long voile intégral prôné par les Salafistes ne laissant dépasser que les mains. Sa mère signale à la préfecture la radicalisation de sa fille. L’association est déjà dans le collimateur des renseignements territoriaux (ex-RG). En janvier 2015, peu après l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, la préfecture du Haut-Rhin tente de fermer les locaux de Langue et Horizon. L’association se défend, et obtient gain de cause devant le tribunal administratif de Mulhouse en février dans une procédure de référé-liberté.

Elle voulait étudier l’Islam à Riyad…

Mais les policiers ne lâchent pas. En mars 2015, Émelyne s’est vue notifier une interdiction de quitter le territoire français. La police la soupçonnait de vouloir rejoindre le djihad en Syrie. Sa demande de passeport est bloquée. Devant le tribunal administratif de Paris, seul compétent pour les affaires traitant de l’interdiction de sortie du territoire, elle indique qu’elle voulait s’inscrire à l’université pour femmes Emira Noura à Riyad. Si elle confirme vouloir progresser dans sa connaissance de l’Islam, elle assure devant le tribunal en juillet qu’elle réfute le terrorisme.

Elle avait d’ailleurs dit la même chose aux policiers mulhousiens, mais ces derniers ne l’ont pas cru et ont rédigé des rapports faisant état de velléités pour Émelyne de « quitter le territoire national en vue de participer à des activités de nature terroriste ou de se rendre sur un théâtre étranger d’opération de groupement terroriste avec des risques d’atteinte à la sécurité publique, en cas de retour sur le territoire national. »

Le port d’un voile intégral islamique, un jilbeb, a été déclencheur dans la dénonciation pour radicalisation d’Emelyne (Photo Recoverling / FlickR / cc)

… et plus de piscine à Bâle

Résultat : Émelyne ne pouvait même plus aller à la piscine à Bâle. Le 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris annule l’interdiction de quitter le territoire. Les juges trouvent les éléments apportés par la police mulhousienne insuffisants :

« La pratique religieuse rigoureuse de [Émelyne] et la circonstance, au demeurant non établie, qu’elle ferait preuve de prosélytisme, ne suffisent pas par elles-mêmes à justifier de sa proximité avec le terrorisme islamiste. »

Mais qu’importe pour les policiers, qui ont débarqué le 25 août 2016 au domicile d’Émelyne ainsi que de celui de son compagnon pour des perquisitions administratives. Ils saisissent les téléphones et demandent l’autorisation au tribunal administratif d’en exploiter les données, comme la toute nouvelle loi sur l’extension de l’état d’urgence, votée le 21 juillet, les y autorise. Refus du tribunal administratif de Strasbourg, qui trouve là encore le dossier des policiers trop légers. La préfecture du Haut-Rhin fait alors appel devant le Conseil d’État, lequel jugera finalement de laisser ces téléphones tranquilles.

« Aucun élément constituant une menace »

Tout au long de la procédure, son avocat, Me François Zind, a demandé à la police de fournir des preuves des intentions belliqueuses d’Émelyne :

« Les policiers ont fouillé dans ses fichiers, dans ses emails, dans ses propos, soit rapportés, soit publiés sur les réseaux sociaux… Et au final, tout ce qu’ils avaient c’était un refus de serrer la main à des hommes et des textes en langue arabe. Si ça suffit pour être suspect, alors on pourrait se poser des questions sur l’État de droit et sur nos libertés publiques. Et c’est ce qu’ont rappelé les tribunaux jusqu’au Conseil d’État. L’association Langue et Horizon, aussi rigoriste qu’elle soit, n’est ni une école clandestine, ni une fabrique à terroristes. »

Extrait de l’ordonnance du conseil d’Etat du 5 septembre (doc remis)

Dans son ordonnance, le Conseil d’État rappelle que malgré quatre heures de perquisition, « aucun élément susceptible de constituer une menace pour la sécurité et l’ordre publics » n’a été trouvé. Le Conseil d’État a condamné l’État à verser 1 500€ aux plaignants, au titre des frais de procédure.

Au final, la décision du Conseil d’État vient rappeler qu’il y a une différence entre islamistes, même salafistes, et terroristes. Et que pour débusquer ces derniers, il faut un peu plus que des textes en arabe et une vague fascination pour la religion musulmane. Début août, le Conseil d’État avait autorisé l’exploitation d’un téléphone saisi dans le cadre de l’état d’urgence, à Nice, parce que le suspect avait affiché son intention de perpétrer des actes terroristes.


#Conseil d'Etat

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