Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Un rapport suggère à l’Eurométropole de recruter un psy pour ses agents

Des agents de l’Eurométropole dans les écoles de Strasbourg font part de leur sentiment de malaise dans une expertise menée suite aux réorganisations des effectifs. Concernant l’évaluation des risques psycho-sociaux, la collectivité doit se mettre en conformité avec la loi.

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Aux abords de l’école du Neufeld à Strasbourg (Photo Rue89 Strasbourg / cc)

L’Eurométropole ne protège pas suffisamment ses agents employés dans les écoles de Strasbourg. C’est l’une des conclusions d’une étude menée par le cabinet Aliavox à la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la Ville.

Pendant trois mois, les consultants ont recueilli les témoignages des agents de la direction de l’Enfance et de l’Éducation (DEE) : aides aux classes de maternelle (ATSEM), agents d’entretien, de restauration, administratifs, des responsables de périscolaire, concierges et leur hiérarchie (élu ou agent). Sur les 1 177 personnes du service, 59 ont été rencontrés individuellement et les consultants ont également procédé à des entretiens collectifs avec 395 agents.

L’évaluation annuelle des risques, pas mise à jour depuis 2012

Au-delà de l’aspect légal, le rapport pointe des dégradations des conditions de travail. Le document que Rue89 Strasbourg s’est procuré formule pas moins de 15 recommandations à destination des élus.

La première concerne le Document Unique d’Évaluation de risques professionnels (DUErp), qui n’a pas été actualisé depuis 2012. Or, la loi exige qu’il doit l’être tous les ans. Sinon, il s’agit d’une « infraction de l’obligation exclusive de l’employeur », d’après le Code du Travail. Autre conséquence, les risques psychosociaux, comme le stress, ne seraient pas assez pris en compte dans l’ancien document. Car d’après le rapport, ces risques se sont accrus depuis les réorganisations et avec la politique de suppressions des postes (objectif 10% à l’horizon de 2020) mise en place en 2014.

(extrait expertise Alia Vox)

Manque d’effectifs

Au-delà de l’aspect légal, l’étude de 223 pages met en exergue des conditions de travail parfois difficiles, non sans impact sur la sécurité des enfants. Les experts ont relevé des situations sur le temps périscolaire où 2 agents avaient la responsabilité de 40 enfants. Résultat : quand il faut accompagner un enfant aux toilettes, l’autre se retrouve seul avec les 39 autres.

Pour l’étude, les moments de pics de travail ne sont pas correctement évalués, parfois à cause des absences ou de contraintes administratives. Les experts osent même assimiler le comportements d’agents à du « sur-presentéisme. »

Les agents ont besoin d’un psy

Les travaux font état d’un manque de « considération » et de communication avec leurs supérieurs. « Les agents font remonter des informations et de propositions d’organisation qui ne sont pas écoutées », résume Patricia Platz, représentante syndicale CGT et secrétaire du CHSCT de la DEE. Il en découlerait un sentiment de mal-être au travail.

Plusieurs témoignages à l’appui (exemple : « J’en suis au point, où même dans les réunions de famille ou les repas entre amis, je n’ose même pas dire que je suis fonctionnaire et que je travaille à la CUS »), le rapport fait état de certaines situations où les agents se sentent sous pression :

« Un nombre significatif de témoignages font état de situations moins idéales où les agents ont peur de leur hiérarchie où celle de l’Éducation nationale. »

(extrait expertise Alia Vox)

L’étude explique que des agents ressentent un « décalage » entre ce qui leur est demandé et le travail qu’ils réalisent. Quand ils n’y arrivent pas, on leur fait comprendre qu’ils sont des « pleurnicheurs ». L’étude suggère même à la collectivité de recruter des psychologues du travail, les médecins actuels n’ayant déjà pas les moyens pour leur propre mission :

« La plupart des agents ayant participé aux entretiens ont manifesté leur satisfaction d’avoir parlé de leur travail, de ses difficultés, mais aussi de ce qui leur convient, de ce qui les préoccupe ou les empêche de dormir ».

L’Eurométropole compte cependant des « préventeurs » dont le but est d’éviter ces situations de troubles.

L’externalisation, menace permanente sur les agents

La direction de l’enfance a été en partie impactée par le non-remplacement de 76 agents, avec 18 agents d’entretien, dont le travail a été confié à des sociétés privées. L’étude aborde aussi la question de l’externalisation du ménage dans les écoles. Les salariés de ces entreprises sont moins payés, sur 12 mois et non 13, ce qui permet de présenter une facture environ 50% moins chère à la collectivité.

Mais comme ces entreprises ont des clauses d’insertion sociale , elles reçoivent des aides nationales ou départementales et abattements jusqu’à 15 288€/an d’aides soit 41% à 46% du salaire, charges comprises. Autrement dit la facture est moins élevée dans les comptes de la collectivité, mais d’un point de vue global cela revient presque à l’identique pour le contribuable selon les calculs d’Aliavox.

La cabinet préconise également que les employés de ces entreprises aient les mêmes formations que ceux de l’Eurométropole. Plusieurs agents de nettoyage contestent que le service soit aussi performant, notamment à cause d’un temps de présence sur site plus faible. On apprend également que l’externalisation des services de restauration scolaire est à l’étude, même si le premier adjoint au maire (PS), Alain Fontanel, répond que les premiers retours montrent que cette piste ne semble pas pertinente pour la collectivité.

Des écoles mal adaptées

Enfin, autre problème de santé récurrent, celui du mal de dos. Des tendinites au coude, des opérations de la main ont aussi été répertoriées fréquemment chez les ATSEM, qui doivent beaucoup se baisser dans des écoles conçues pour de petits enfants :

« Le mal au dos revient si souvent dans les propos, qu’il conviendrait de vérifier l’adaptation des locaux. […] Les arbitrages entre ce qui relève de l’esthétique ou du design et ce qui touche aux conditions de travail des agents ne doivent pas se faire au désavantage de celles-ci. »

Plusieurs de ces situations avaient été pointées par les syndicats, ce document pouvant donner des exemples concrets à leurs griefs. Pour Alain Fontanel, également président du CHSCT, ce dossier est un travail légitime que l’administration doit compléter :

« Il pose objectivement des constats auxquels nous devons répondre. C’est un travail basé sur le témoignage d’agents qui vont retenir les situations les plus critiques. C’est regrettable qu’elles se soient produites mais ce n’est pas significatif et heureusement, sinon nous aurions beaucoup plus de retours des parents. Si l’on prend tout pour argent comptant ou que l’on rejette tout en bloc, on aura perdu beaucoup de temps et d’argent (140 000 euros, ndlr). Pour le DUErp, il n’a malheureusement pas été renouvelé comme dans d’autres collectivités, car il y a eu beaucoup de réformes qu’il a d’abord fallu mettre en place. Il y a juste l’externatlisation de l’entretien, sur lequel nous contestons l’analyse. C’est un choix d’organisation et ce n’est pas à Aliavox de l’évaluer. Il permet un service moins cher et un maintien du service public ».

Le CHSCT de la Ville de Strasbourg doit à nouveau se réunir dans la deuxième quinzaine de janvier. L’administration soumettra à la discussion un plan d’action et de travail comme le demande l’étude. Les pistes dégagées pourraient être mises en œuvre à la prochaine rentrée scolaire.


#austerité

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