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Concilier écologie et tourisme de masse, l’impossible défi du Marché de Noël de Strasbourg

Des déplacements, de la surconsommation, des déchets… Les visiteurs du Marché de Noël de Strasbourg, estimés à 2 millions de personnes avant la pandémie, impactent l’environnement. La municipalité écologiste vise deux labellisations « éco-responsables » entre 2022 à 2025. Ce qui impliquera une série d’actions, sur lesquelles elle travaillera après l’édition actuelle.

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« Rendre le marché de Noël de Strasbourg plus écoresponsable. C’est l’un de nos principaux chantiers concernant les futures éditions, de 2022 à 2025 », affirme Guillaume Libsig, adjoint à la maire en charge de Strasbourg Capitale de Noël. La municipalité écologiste vise, avant la fin de son mandat, une labellisation par l’association Éco-Manifestations Alsace (EMA) et le label ISO 20121, une norme internationale consacrée au développement durable dans l’événementiel, qu’ont obtenu le G7 en France, les JO de Tokyo ou certains palais des congrès.

« Le travail est conséquent »

Pour Pierre Muller, directeur de l’association Éco-Manifestations Alsace, le « travail est conséquent ». Et pour cause, les chalets et leurs visiteurs impactent forcément l’environnement. Notamment avec l’afflux d’environ deux millions de touristes, selon des estimations d’avant la crise du Covid, et régulièrement mises en avant dans les médias par la Ville.

Pierre Muller établit une hiérarchie des sources de pollution :

« Le déplacement de tous ces visiteurs entraîne l’émission de gaz à effet de serre. Il est clair que c’est le facteur qui impacte le plus l’environnement. Vient ensuite la consommation de nourriture, boissons, produits manufacturés et l’émission de déchets. La consommation d’énergie (pour les illuminations de Noël ou les chauffages des 314 chalets, NDLR) est à prendre en compte même si l’on sait que la consommation d’électricité est faiblement carbonée en France. Le transport du matériel (le fret) et la communication ne sont pas sans conséquences non plus. »

Pierre Muller, directeur de l’association Éco-Manifestations Alsace.
Avant la pandémie, le Marché de Noël de Strasbourg attirait environ deux millions de personnes. Photo : Rue89 Strasbourg / cc

« Capitale de Noël, c’est un très gros paquebot »

Estimer précisément l’empreinte carbone (les gaz à effet de serre), l’empreinte énergétique (la consommation globale d’énergie) ou l’empreinte écologique (la surface terrestre nécessaire pour produire les biens et services et absorber les déchets) de Capitale de Noël est un chantier que n’a pas encore réalisé la municipalité écologiste. Elle souhaite l’initier après cette 451ème édition, la première sous le mandat de la maire Jeanne Barseghian.

Pour son adjoint Guillaume Libsig, la méthode de calcul est encore à définir :

« Est-ce qu’il commence dès que les touristes démarrent leurs voitures ? Est-ce qu’il se limite au territoire de Strasbourg ? Prenons-nous en compte l’électricité générée par les touristes dans leurs chambres à l’hôtel ? Capitale de Noël, c’est un très gros paquebot. »

Guillaume Libsig, adjoint à la maire en charge de Strasbourg Capitale de Noël, jeudi 9 décembre.
Guillaume Libsig, adjoint à la maire en charge de Strasbourg Capitale de Noël, lors de conseil municipal de Strasbourg du 31 août 2020. Photo : Rue89 Strasbourg / cc

Une série d’actions à mettre en place pour décrocher des labels

Si la Ville souhaite décrocher le label d’Éco-Manifestations Alsace (EMA), elle devra mettre en place plusieurs actions concrètes parmi les 91 que propose l’association dans sa charte d’engagement « vers une démarche de développement durable ». Ces actions sont dispatchées en sept thématiques : déplacements, déchets, énergies & eau, alimentation, sensibilisation, communication et gestion globale.

Chaque action donne un certain nombre de points. De 0,5 point pour la mise en place d’un parking à vélo, à 3 points par exemple pour le tri de ses déchets en « trois flux ». En fonction du total de points, EMA certifie, ou non, un événement. Puis, l’association précise le niveau de labellisation : niveau 1 = 40 points minimum ; niveau 2 = à partir de 55 pts et niveau 3 = à partir de 75 pts.

Dans la série d’actions d’EMA, treize sont « obligatoires et incontournables » (voir encadré). Mais les mettre en place ne suffit pas à décrocher le label de niveau 1. Le président de l’association précise :

« Même pour un événement aussi massif, l’obtention du label de niveau 1 est possible. En revanche, pour le faire évoluer, ce n’est pas aussi simple que pour des petites manifestations. Bien sûr la Ville peut agir sur ses leviers directs mais tout ne dépend pas d’elle. Les forains, artisans et touristes doivent jouer le jeu et adhérer à l’idée. »

Lors de la première année du mandat certains forains et exposants ont demandé à la municipalité de « ne pas toucher au Marché de Noël« . Pour l’ouverture en novembre 2021, les craintes étaient retombées et les forains se disaient satisfaits du dialogue. Mais les changements, en dehors de l’espacement des chalets, sont minimes pour cette édition « d’observation » avant des modifications plus profondes.

Depuis 2018, EMA a labellisé environ 160 événements dans le Grand Est. Le plus important étant la foire agricole de Châlons-en-Champagne et ses 260 000 visiteurs en 10 jours environ. À noter que le Marché Off de Strasbourg s’inscrit déjà comme une éco-manifestations de niveau 2. Ce qui n’est pas sans rappeler une déclaration de Jeanne Barseghian . « Il faut étendre aussi le plus possible l’approche éthique et responsable qu’on a dans le village Off aux autres marchés », affirmait-elle lors de la campagne des élections municipales.

« Si l’enjeu majeur est la pollution de l’air […] l’objectif peut être de réduire de 25 % les émissions dues aux véhicules de livraison »

Norme française ISO 20121

Pour obtenir l’autre label visé pour son marché de Noël, la municipalité doit respecter la norme française ISO 20121, un règlement de 54 pages que Rue89 Strasbourg a pu consulter. La Ville va déclarer des objectifs en conformité avec ces règles et surtout des plans pour les atteindre. Exemple :

« Si l’enjeu majeur est la pollution de l’air […] l’objectif peut être de réduire de 25% les émissions dues aux véhicules de livraison et de 25% les émissions dues au déplacement des intervenants. Dans ce but, il serait nécessaire de faire un bilan du kilométrage afin d’évaluer l’impact et il pourrait être préférable […] d’encourager un programme de covoiturage ou de négocier le tarif de billets combinés pour inciter les visiteurs à emprunter les transports en commun. »

Article 12 de l’annexe A. Porte sur les « recommandations sur la planification et la mise en œuvre de la présente Norme internationale ». Page 28 de la norme française ISO 20121.

Pas encore de propositions concrètes

Organisatrice du marché de Noël, la municipalité écologiste de Strasbourg n’a pas encore de propositions concrètes pour espérer obtenir les deux labels. « Il faut d’abord faire le bilan de l’édition 2021 du marché de Noël avant d’en proposer », se justifie Guillaume Libsig.

Malgré tout, quelques pistes se dessinent pour tenter de changer les choses. À commencer par la révision de son règlement intérieur du marché et des animations de Noël. Ce texte de 28 pages s’applique de manière permanente depuis 2011 et n’a pas été réétudié depuis le scandale des churros, selon Guillaume Libsig :

« On souhaite le modifier pour y intégrer, entre autres, des règles écoresponsables. Notamment des éléments sur la non-production de déchets. »

View note

Un jury citoyen en création

Il y a également la volonté de responsabiliser davantage la commission mixte du marché de Noël composée de la Ville, de l’association de commerçants des Vitrines de Strasbourg, des marchands, des forains, des hôteliers etc. La création d’un jury citoyen à l’horizon 2022 doit instaurer « un panel permanent qui va suivre l’évolution des prochaines éditions tout en ayant une capacité d’interpellation et d’expression libre », explique l’adjoint en charge de Capitale de Noël.

Avant de constituer ce jury citoyen, la Ville de Strasbourg invite ses habitants à répondre à une enquête en ligne. Ils peuvent y donner leur avis général sur le marché de Noël. Deux questions portent sur l’écologie.

Quelques actions écoresponsables

La Ville de Strasbourg a déjà mis en place quelques actions écoresponsables par le passé. Depuis 2012, des écocups (gobelets réutilisables) consignées et fabriquées en France sont réutilisables d’une édition à l’autre pour servir le traditionnel vin chaud. Puisque certains visiteurs repartent avec, de nouveaux écocups sont réinjectés chaque année. Combien ? La mairie assure ne pas « disposer de chiffre ». L’utilisation de DEL (diode électroluminescente) pour toutes les décorations de Noël, le prélèvement du Grand sapin qui participe à la gestion durable des forêts assurée par l’Office national des forêts (ONF).

Pour l’édition 2021, la municipalité écologiste n’a pas reconduit la patinoire place Kléber rappelle Guillaume Libsig :

« Certes, la patinoire a été supprimée pour permettre l’installation des chalets place Kléber. Mais, elle a aussi été supprimée à cause de son coût écologique conséquent. Faire fonctionner des moteurs réfrigérants, en plein air, ce n’est pas neutre, on augmente notre empreinte énergétique. »

Guillaume Libsig, adjoint à la maire en charge de Strasbourg Capitale de Noël, jeudi 9 décembre.

« Par définition, on peut s’interroger sur la durabilité d’une telle manifestation »

Quatre ans ne seront pas de trop pour tenter de concilier écologie et le marché de Noël de Strasbourg. « Par définition, on peut s’interroger sur la durabilité d’une telle manifestation », note Pierre Muller, président d’Éco-Manifestations Alsace (EMA). Quoi qu’il en soit, la Ville va entreprendre des changements en espérant ne pas braquer toutes ses parties prenantes. Un chantier qui débutera dès le 1er janvier 2022, date à laquelle débute l’organisation du Christkindelsmärik suivant. Et devrait s’étaler jusqu’à l’édition de décembre 2025, soit quelques mois avant les élections municipales de 2026. Le Marché de Noël nouvelle mouture pourrait alors occuper les débats de la pré-campagne.


#capitale de Noël

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